Reconnaissance biométrique : Le Sénat veut un cadre juridique adapté

Reconnaissance biométrique : Le Sénat veut un cadre juridique adapté

La commission des Lois du Sénat a rendu public, ce mercredi, un rapport d’information sur l’usage de la reconnaissance biométrique dans l’espace public. Elle plaide pour un strict encadrement de la technologie et délimite quelques cas d’usage qui concernent la sécurité nationale pour lesquels cette technologie pourrait être utilisée.

Les rapporteurs préconisent une loi d’expérimentation pour une période de trois ans. Ce cadre permettrait de définir « les finalités pour lesquelles la reconnaissance biométrique pourra faire l’objet de nouvelles expérimentations par les acteurs publics ou dans les espaces ouverts au public”.

Si des expérimentations ont déjà eu lieu par le passé, comme à Nice ou dans le métro parisien pendant la crise du Covid, aucune n’avait vocation à être pérennisée.

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La technologie réservée à des cas exceptionnels

Parmi les exceptions autorisées, les rapporteurs distinguent deux cas de figure : l’identification biométrique « a posteriori” ou « en temps réel”. S’agissant de l’identification a posteriori, la mission propose de permettre une utilisation de la biométrie dans les fichiers de police, dans le cadre d’enquêtes judiciaires ou d’opérations de renseignement. Elle encourage aussi à titre expérimental la recherche d’auteurs ou de victimes potentielles d’infractions graves, ainsi que l’usage de ces techniques pour identifier des personnes recherchées.

S’agissant de l’identification biométrique en temps réel, les sénateurs précisent que celle-ci comporte un caractère « particulièrement exceptionnel ». La mission prévoit trois exceptions dans le cadre d’enquêtes judiciaires, dans le cadre administratif en vue de sécuriser de grands événements ou des sites sensibles face à la menace terroriste, et, enfin, en cas de menaces imminentes pour la sécurité nationale.

La CNIL serait systèmatiquement consultée pour tout déploiement d’usages publics comme privés, préconisent les sénateurs. Ils recommandent aussi que le rôle de la CNIL soit réaffirmé, afin qu’elle exerce un rôle de « gendarme de la reconnaissance biométrique » et qu’elle mène des contrôles aussi a posteriori des usages.

Par ailleurs, les rapportent préconisent la création d’un recensement national de chaque autorisation reçue, pour garder une vision globale sur les recours aux techniques de reconanissance biométrique.

Lignes rouges

Si le rapport délimite un cadre aux futurs expérimentations, la commission des Lois du Sénat veut d’abord et avant tout fixer des « lignes rouges » au-delà desquelles « aucun usage de la reconnaissance biométrique ne pourrait être admis” martèlent les sénateurs. Les rapporteurs ont précisé lors d’une conférence de presse qui s’est tenue ce mercredi qu’il « ne s’agit pas d’une surveillance généralisée de tout le monde tout le temps », mais que « les quelques cas limités sont des cas d’espèce ». Les rapporteurs s’opposent par exemple à l’utilisation de la reconnaissance facile aux abords d’une manifestation sur la voie publique ou à proximité d’un lieu de culte.

Quatre interdictions formelles sont exprimées dans le rapport : il s’agit de l’interdiction de la notation sociale, l’interdiction de la catégorisation d’individus en fonction de critères personnels, l’interdiction de l’analyse d’émotions et l’interdiction de la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public.

Les sénateurs soulignent également que le principe de subsidiarité doit s’appliquer : cela signifie que la reconnaissance biométrique ne doit être utilisée qu’en dernier recours, lorsqu’aucun autre technologie n’est pertinente.

Les sénateurs alertent sur la multiplication des dispositifs de traitement d’image sans utilisation de données biométrique, comme la détection d’objets abandonnés. A ce jour, les traitements des images issues de la voie publique en s’appuyant sur l’IA ne disposent pas d’un cadre juridique propre, rappellent-ils. Les rapporteurs considèrent que l’application de l’IA aux images issues de la vidéoprotection constitue donc « un changement d’échelle dans l’exploitation de la vidéoprotection » ce qui est susceptible de porter atteintes aux libertés individuelles.

Les Jeux Olympiques en ligne de mire

Bien sûr, l’échéance des Jeux Olympiques de 2024 est une préoccupation à laquelle le Sénat se montre particulièrement sensible. Selon les rapporteurs de la commission des Lois, la technologie de reconnaissance faciale pourrait être envisagée pour surveiller la tenue de cet événement sportif majeur.

Mais ce n’est pour l’heure pas le scénario retenu par le gouvernement. Cédric O, le secrétaire d’Etat à la transition numérique, a laissé entendre lors d’une précédente audition devant le Sénat que les JO de 2024 pourraient se passer de la reconnaissance faciale. Le sujet n’est toutefois pas définitivement tranché.

Avec le futur règlement de l’Union européenne sur la régulation de l’intelligence artificielle qui se profile, les sénateurs français, bien qu’ils préparent le terrain pour une éventuelle législation nationale, reconnaissent la nécessité de penser la souverainté technologique à l’échelle européenne. Dans le rapport, ils préconisent notamment de confier à une “autorité européenne” la mission d’évaluer la fiabilité des algorithmes de reconnaissance biométrique et de certifier l’absence de biais.

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