La loi de lutte contre la haine en ligne définitivement adoptée

La loi de lutte contre la haine en ligne définitivement adoptée

Dans un contexte particulier, la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet vient d’être définitivement adoptée ce mercredi 13 mai à l’Assemblée nationale.

Un an après son annonce et à l’issue d’un long parcours semé d’embuches, cette proposition de loi controversée, dont Laetitia Avia est la rapporteure, entend renforcer, sur le modèle allemand, la contribution des opérateurs numériques à la lutte contre certains contenus manifestement haineux en ligne. Parmi ses mesures phares, elle impose aux grands opérateurs de plateforme en ligne et moteurs de recherche de retirer dans un délai de 24h à compter de leur notification les contenus jugés haineux. Sont visées les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses. Ce délai est réduit à 1h pour les contenus les plus critiques à caractère terroriste et pédopornographique.

Le Sénat s’était précédemment opposé à cette mesure phare par crainte d’un renforcement de la censure en ligne. « Notre principale divergence avec les députés concerne l’article 1er [du texte présenté], qui crée un délit de “non retrait” en 24 heures des contenus haineux. Ce dispositif est juridiquement inabouti, contraire au droit européen et déséquilibré, au détriment de la liberté d’expression », avait fait savoir le sénateur Christophe-André Frassa, rapporteur du texte au Sénat.

Le refus de procéder au retrait de ces contenus dans les délais impartis sera, en outre, pénalement sanctionné. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) endossera le rôle d’accompagnateur des plateformes dans leur mise en conformité avec ces obligations de moyens et de contrôle et pourra infliger une amende d’un montant maximum égal à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial de la plateforme en cas de manquement à ses obligations.

Le texte s’attaque aussi à la question des sites miroirs. L’autorité administrative aura la possibilité d’ordonner le blocage de l’accès à tous sites reprenant, en tout ou partie, le contenu d’un site préalablement interdit par l’autorité judiciaire.

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Un texte qui suscite beaucoup de réserves

La proposition de loi a suscité de nombreuses réserves, notamment du Conseil national du numérique, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, ou encore de la Quadrature du Net, qui défend les libertés individuelles dans le monde du numérique.

Les grandes entreprises du numérique affichent leur soutien au renforcement de la lutte contre la haine en ligne, et notamment Facebook qui vient de mettre sur pied un conseil de surveillance dédié au contrôle des contenus problématiques, même si l’obligation de retrait inquiète. Les élus ont d’ailleurs insisté, pendant le débat, sur la persistante des propos haineux affichés sur les réseaux sociaux pendant la période de confinement. Twitter a été assigné, ce lundi, devant le tribunal judiciaire de Paris par quatre associations de lutte contre les discriminations pour « inaction face à la haine en ligne » rapporte l’AFP.

Les députés de droite, comme d’extrême gauche et d’extrême droite, ont eu l’occasion d’exprimer leur opposition à la proposition de loi pendant le débat. « Votre texte a perverti une belle idée, celle de protéger la société contre la diffusion de contenus haineux. On va simplement aboutir à un texte qui va faire reculer la liberté d’expression” a notamment évoqué Eric Ciotti (LR). La députée Emmanuelle Ménard (NI) a quant à elle qualifié à des nombreuses reprises cette proposition de loi de « dangereuse et liberticide ».

Le vote intervient alors que Laetitia Avia est mise en cause par Mediapart pour des « humiliations à répétition » et des « propos à connotation sexiste, homophobe et raciste » à l’encontre de cinq ex-collaborateurs parlementaires. L’élue de Paris, qui dénonce des « allégations mensongères », a indiqué qu’elle allait déposer plainte pour diffamation.

Une juridiction spécialisée sera chargée des contenus haineux en ligne

A de nombreuses reprises, les députés opposés au texte ont déploré la négation du rôle du juge dans le cadre de cette proposition de loi. « C’est une atteinte à la plage du juge » regrette Frédérique Dumas (Libertés et Territoires), estimant que « la place du juge doit être en amont et pas en aval ».

« Ce dispositif ne constitue en aucun cas un retrait de l’autorité judiciaire, qui pourra être saisi en cas de retrait abusif » a souligné en préambule de l’examen définitif du texte la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, justifiant à ce titre que la proposition de loi créé un parquet et une juridiction spécialisée pour lutter contre les contenus haineux sur internet. Il s’agira vraisemblablement du parquet de Paris, a indiqué la ministre, annonçant la diffusion « au moment venu d’une circulaire à l’ensemble des parquets ». « Le parquet spécialisé devra jouer un rôle central dans le traitement des plaintes, notamment adressées en ligne. La désignation d’une telle juridiction spécialisée dans la loi garantira une cohérence de la réponse pénale et de la jurisprudence en la matière » a-t-elle précisé.

Devant l’Assemblée, la Garde des Sceaux rappelle qu’« aujourd’hui, l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 demande aux plateformes de retirer les contenus manifestement illicites dans un prompt délai. Ce que fait la proposition de loi est de rajouter du juge. Nous réintroduisons du juge avec le délit de non-retrait. Nous créons un parquet spécialisé. Je trouve que c’est une précaution qui n’est jamais inutile. »

Pour Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du Numérique, ce texte représente « une étape importante dans un mouvement d’adaptation de notre cadre législatif et réglementaire à ce qu’est devenu notre vie en ligne ». Il est en réalité la « première brique de régulation des plateformes » et « doit trouver un prolongement européen » insiste-t-il.

Les décrets d’application de cette loi seront présentés dans les prochaines semaines et son entrée en vigueur est prévue au 1er juillet prochain.

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