Réforme des retraites : un impossible débat soldé par le 49.3 ? – Le Parisien

Emmanuel Macron l’a dit lui-même, en recevant les parlementaires de la majorité à l’Elysée. Deux étapes sont à ses yeux cruciales pour la réforme des retraites : réussir la première lecture du texte à l’Assemblée nationale, puis la conférence de financement. Autant dire que le scénario qui s’est écrit depuis le début de la semaine contrarie ses plans.

Alors qu’une dixième journée interprofessionnelle contre la réforme se déroulait ce jeudi, l’exécutif se rassure en relevant « la baisse constante de la mobilisation » de la rue : 92 000 en France selon le ministère de l’Intérieur, soit 30 000 de moins que le 6 février. Mais il apparaît dans la nasse avec ce texte que le Conseil d’Etat lui-même a jugé mal ficelé. Les partenaires sociaux démarrent leurs travaux dans la douleur, les députés dans un bourbier sans nom. Du sommet de l’Etat aux couloirs de l’Assemblée, en passant par les sièges de centrales syndicales et organisations patronales, chacun déroule sa partition avec l’espoir d’emporter la bataille de l’opinion.

Le 49.3 ? « Ce n’est pas l’option envisagée aujourd’hui »

Du théâtre, il s’en joue surtout au Palais Bourbon. Entre une avalanche d’amendements, les rappels continus au règlement, les noms d’oiseaux, et les suspensions de séance, la discussion s’enlise. Revient à certains le souvenir de juillet 2018, quand l’affaire Benalla paralysait les débats sur la réforme constitutionnelle. Et plane l’ombre du 49.3, qui permet au gouvernement de faire adopter un projet de loi sans vote… mais à quel prix politique?

« Ce n’est pas l’option envisagée aujourd’hui. On est encore dans l’idée qu’il faut débattre de cette réforme », martèle-t-on à Matignon, où l’on fixe toutefois cette borne : « Que le texte soit voté en première lecture avant les municipales. » Car les stratèges macronistes en sont convaincus, le cœur de son électorat attend de l’exécutif qu’il ne flanche pas. Et réclame de l’ordre.

Ministres et ténors de la majorité attendent de voir « comment va se dérouler la fin de la semaine ». Mais les lignes ont bougé au sommet de l’Etat sur l’emploi de cet article massue prévu par la Constitution. « Cela n’a jamais été une volonté du gouvernement, de la majorité. Ce n’est pas le but, estime le patron de LREM, Stanislas Guerini. Je suis contre un 49.3 subi. Mais si cela émane d’une large démarche parlementaire, pour éviter un empêchement… Le 49.3 a mauvaise presse, mais il y a pire dans la vie que d’engager la confiance du gouvernement sur un texte. »

Les Marcheurs veulent mettre en scène l’obstruction

Alors oui, peut-être, mais pas sans avoir « mis en scène l’obstruction » décrypte un membre du gouvernement. Conséquence, les Marcheurs montent en rappel pour dénoncer une « flibusterie parlementaire », selon les mots d’un ministre. « Obstruction n’est même plus le mot. C’est une prise d’otages par quelques-uns du débat parlementaire. Il faut que les Français prennent conscience du jeu de cette poignée de députés », dénonce-t-on à Matignon.

Le duo exécutif, président en retrait, chef du gouvernement en première ligne, joue là une partie délicate. Il n’ignore rien du procès en autoritarisme qui serait fait. Un député LREM en frémit : « Dans deux ans, on ne se souviendra pas des conditions dans lesquelles a été utilisé le 49.3, mais de l’acte d’autorité. Regardez ce qui s’est passé avec Manuel Valls… »

Alors avec l’opposition, LFI et PCF en tête, les échanges virent au jeu du mistigri. « Leur but, c’est qu’on n’arrive pas à examiner le texte pour nous pousser à un 49.3 subi et ensuite nous reprocher de l’utiliser », tempête Guerini, quand la députée LFI, Clémentine Autain rétorque : « S’ils veulent aller au 49.3, il faut qu’ils assument au lieu de chercher à nous le mettre sur le dos. » Du théâtre, avec l’opinion pour spectateur.

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