Qui est Claude Sinké, l’octogénaire qui a attaqué la mosquée de Bayonne ? – Le Figaro

C’est un détail assez révélateur. Claude Sinké, sculpteur qui se décrit lui-même comme «atypique» et «fantasque» sur son compte Facebook, avait fabriqué une lampe dont la structure en bois mettaient en valeur les lettres «US». Dans le pied de cet objet sculpté offert à l’Association France Louisiane et rendant hommage aux Etats-Unis, une petite trappe ayant la forme d’une équerre permettait d’accueillir un pistolet. Cet homme né en 1935, fonctionnaire retraité, a avoué être l’auteur de l’attaque, lundi soir, contre la mosquée de Bayonne, lors de laquelle deux hommes ont été gravement blessés.

«Moi ça ne m’étonne pas», assure l’une de ses voisines qui ne souhaite pas donner son nom, «c’est quelqu’un qui avait des armes chez lui, il les montrait même aux gens. Ça fait plusieurs années qu’il perd la tête». «Il a pété un plomb», revenait dans la bouche de plus d’un. A Saint-Martin-de-Seignanx, paisible bourg des Landes aux portes de l’agglomération bayonnaise, des habitants et voisins de Claude Sinké semblaient à demi-surpris de l’accès de rage d’un homme «très seul», «avec des obsessions», au verbe «parfois assez violent».

Claude Sinké fut un éphémère candidat du Front national (aujourd’hui Rassemblement national, NDLR) aux élections départementales de 2015. Lundi, la présidente du RN, Marine Le Pen, a cependant jugé que cet «attentat» était «inqualifiable» et «absolument contraire» aux valeurs de son parti. Selon Jordan Bardella, député européen RN, le suspect n’était plus membre du parti. «Il a été écarté en 2015, donc après les élections départementales auxquelles il était candidat (…) Il n’est plus adhérent évidemment du mouvement», a-t-il déclaré sur la chaîne d’information BFMTV.

L’année précédant sa candidature en 2014, dans un post Facebook écrit sur un groupe de fans d’Eric Zemmour (journaliste au Figaro), il écrivait que «nous étions en guerre contre les islamistes». «Ils seront peut-être débusqués le jour où on mettra une bombe dans une école ou un cinéma………. je ne le souhaite pas…….», arguait-il.

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Agression verbale d’un maire

«Il donnait l’apparence de quelqu’un psychologiquement perturbé», précise un autre habitant de Saint-Martin-de-Seignanx. «C’est quelqu’un qui avait des obsessions», explique à l’AFP Francis Giraudie, premier adjoint de la commune. «Il considérait qu’il n’était pas écouté. Il venait parfois à la mairie, ou appelait, pour se plaindre de diverses choses». «Une fois, il avait agressé verbalement la maire, j’ai dû intervenir pour le calmer», souvient Bertrand Lagarde, un autre élu.

Une voisine qui l’avait connu à Anglet, près de Bayonne, disait lui connaître un fils, qu’il voyait peu, et un petit-fils qui en revanche venait le voir. «Il avait l’air d’un monsieur très seul», résume un couple, lui aussi évacué du lotissement, qui n’en revenait pas de l’attaque perpétrée par un homme de 84 ans. «Faire ça à son âge… D’autant qu’il marche mal, je l’ai déjà vu avec une canne. Et il voit mal». Sur sa page Facebook, l’auteur de l’attaque se dit «marié» depuis 1955 et ancien élève de «l’école industrielle de Casablanca». Dans un autre message, il précise «avoir suivi des cours à l’école universelle de Paris pour une formation de chef de district à la SNCF».

Depuis sa retraite, Claude Sinké était sculpteur sur bois Capture d’écran/Facebook.

«Sentimental et grande gueule»

Ancien fonctionnaire au sein du ministère de l’Education nationale, que l’AFP présente aussi comme ancien militaire, Claude Sinké déclare «concevoir ses créations (sculpturales, NDLR) depuis sa cinquantième année, date de sa mise à la retraite». Il avait même eu les honneurs de la presse locale. En 2013, Sud-Ouest le décrivait en «sculpteur saint-martinois inclassable et engagé», par ailleurs président de l’association Les Amis des arts bayonnais. Claude Sinké y présente l’une de ses œuvres baptisée «Vincent», la sculpture d’«un pauvre hère de 93 centimètres de hauteur juché sur une sphère de 30 centimètres, composée de hêtre et de sept bois précieux, et incarnant la misère humaine».

Un an plus tard, en 2014, Sud-Ouest consacrait de nouveau un article au sculpteur, devenu cette fois écrivain, avec la parution d’un livre auto-édité sous le titre : La France à cœur ouvert ou regards sur la misère humaine. «Tour à tour passionné, sentimental mais aussi ‘grande gueule’, il n’hésite pas à égratigner au passage ceux qu’il n’apprécie pas…», écrit le quotidien. Des mots qui résonnent a posteriori de façon tragique. Difficile en tout cas de cerner l’objet de ce livre, l’auteur évoquant l’étude de «quelques aspects des rapports entre les DOMINANTS et les DOMINES». Dans la description de l’ouvrage, il se décrit comme «engagé dans différents combats, notamment celui du droit des femmes» et révèle «entretenir des correspondances avec Mmes Lebranchu, Taubira et Najat Vallaud-Belkacem» (anciennes ministres socialistes, NDLR).

Claude Sinké au milieu de ses sculptures. Capture d’écran/Facebook.

Plainte contre Emmanuel Macron

«Certains qui ne m’ont pas lu me traitent de raciste, ou de manipulateur, ils ne sont pas nombreux… par contre la majorité de mes lecteurs ont des opinions plus favorables», écrit-il sur Facebook après sa parution. «C’est quelqu’un qui pouvait être sympathique si vous parliez art avec lui. Mais il ne fallait jamais parler politique, ça finissait toujours par des mots un peu hauts, mais ça n’allait jamais plus loin (…) il était fui pour ses excès verbaux», comment Mike Bresson, un autre adjoint de Saint-Martin.

Il y a quelques jours encore, Claude Sinké laissait libre cours à l’une de ses colères : il avait adressé un courrier rageur à l’ordre des avocats de Bayonne, adressé au procureur de Dax (dont dépend Saint-Martin-de-Seignanx). «Ce monsieur voulait porter plainte contre le président Macron, c’était assez confus, il y avait plein de motifs», dont «non application des droits de l’homme» ou «non assistance à peuple en danger», a expliqué à l’AFP le bâtonnier de Bayonne, Me Teddy Vermote. La lecture du courrier «laissait penser à quelque chose de pas très équilibré. On n’a pas perçu de menace, et sans ces faits-là (l’attaque de Bayonne), ce genre de courrier, c’est complètement anecdotique», a souligné l’avocat.

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