Incendie de l’usine Lubrizol de Rouen: pourquoi les autorités ont tant de mal à convaincre la population – BFMTV.COM

Quatre jours après le spectaculaire incendie qui a en très grande partie ravagé l’usine Lubrizol de Rouen, Édouard Philippe était présent lundi soir dans l’agglomération normande pour faire le point. Le Premier ministre a tenté une nouvelle fois de rassurer la population locale, en soulignant que les odeurs étaient certes “gênantes” mais “pas nocives”, promettant “l’absolue transparence.” Ce mardi, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a promis les résultats complets des analyses d’air dans les jours à venir.

Pourtant, à Rouen et dans le département de Seine-Maritime, l’inquiétude ne cesse de grandir. A tel point que le week-end passé, plusieurs riverains ont décidé de porter plainte contre X, tandis que plusieurs députés dont l’Insoumis Éric Coquerel ont d’ores et déjà demandé l’ouverture d’une enquête parlementaire. On vous explique pourquoi la défiance s’est installée.

  • Parce que la communication des autorités est très contradictoire

Dès les premières heures de l’incendie jeudi, le préfet de Seine-Maritime, Pierre-André Durand, avait tenu à rassurer, affirmant, alors même que seuls quelques tests préliminaires avaient été réalisés, que les fumées émanant du sinistre n’étaient pas toxiques. 

Le lendemain, ce même préfet avait invité les Rouennais à “vivre et travailler normalement”, après avoir rappelé que le feu était désormais “totalement maîtrisé.” “Les fumées n’ont pas fait apparaître d’éléments d’inflammabilité, ni d’hydrogène sulfuré”, avait-il complété.

“Les analyses ne sont pas inquiétantes, mais on n’en a produit que le centième”, rétorque sur BFMTV Fréderic Poitou, ingénieur chimiste et expert judiciaire. “Là où ça ne va pas, c’est que certains produits sont inodores.”, détaille-t-il encore. 

Ce week-end, Louis Le Franc, préfet du département voisin de l’Oise, a d’ailleurs fait montre de plus de retenue, assurant que la composition de la suie retrouvée dans plusieurs communes oisiennes, déposée par la fumée de l’incendie normand, était incertaine. 

“On ne sait pas ce qu’il peut y avoir dans ces produits. (…). Donc le principe de précaution s’applique pleinement. Et il n’y a pas d’autre façon de le faire”, indiquait-il à France 3 Hauts-de-France. “Il peut y avoir des métaux lourds. Il peut y avoir des dioxines. Il peut y avoir des PCB. Il peut y avoir du plomb.”

Dans la semaine, les services vétérinaires, de la protection des populations et de la direction régionale de l’agriculture doivent se rendre dans une quarantaine de ces communes afin de procéder à des analyses plus poussées.

  • Parce que la liste des produits brûlés n’a pas été dévoilée

Quatre jours après le sinistre, la liste définitive des produits brûlés lors de l’incendie est encore incertaine. Ce mardi, l’écologiste Yannick Jadot a réclamé sur franceinfo la publication de la liste des produits qui étaient stockés dans l’usine.

Pour l’eurodéputé EELV, le gouvernement “participe à l’inquiétude, à l’angoisse des salariés et des riverains” en ne publiant pas cette liste que le directeur de l’usine avait assuré quelques minutes plus tôt, sur la même station, avoir transmise aux “instances qui nous l’ont demandé.”

“Depuis 2017, une circulaire liée aux problématiques terroristes nous impose de ne plus rendre publique” cette liste, a répondu le préfet de Seine-Maritime, Pierre-André Durand, sur BFMTV. Mais, dans le cas de Rouen, “nous sommes en train de travailler à l’identification des produits situés dans l’entrepôt” qui a brûlé “pour voir si nous pouvons malgré tout les rendre publics”, a-t-il ajouté.

Les vomissements et nausées qui touchent les riverains pourraient être dues à un gaz, le mercaptan, avait évoqué le médecin du SAMU, Benoît Jardel, lors d’une conférence de presse à la préfecture de Seine-Maritime. C’est “un gaz qui, dès une très très faible concentration, provoque des réactions sur l’organisme mais il faudrait des concentrations très importantes pour avoir des choses à long terme”, avait-il expliqué.

De plus, au cours de l’incendie, 8000 m2 de toiture en amiante, dont les méfaits sur l’organisme sont néfastes, sont partis en fumée.

  • Parce que de nombreuses fausses nouvelles ont circulé

Sur les réseaux sociaux, bon nombre d’informations fausses où incomplètes partagées en masse ont alimenté l’inquiétude d’une partie de la population. Dès jeudi, une vidéo postée par un internaute, qui montrait une violente explosion, avait été vue à plusieurs centaines de milliers de reprises. Il  s’agissait en réalité de la capture d’un accident industriel chinois datant de 2015.  

Dans un article publié ce lundi, les Décodeurs du Monde ont compilé les infox les plus fréquemment repérées. Le journal évoque notamment la diffusion d’un faux communiqué des autorités, évoquant de potentiels “effets secondaires dangereux pour la santé à court et long termes” pour les riverains. “Un faux caractérisé”, a dénoncé sur BFMTV le préfet de Seine-Maritime.

Plus visuels, des dizaines de clichés montrant des animaux morts ont également été publiés. Pour Le Monde, ces derniers, la plupart du temps décontextualisés, ont parfois été pris à l’étranger et ne reflètent donc pas la réalité normande. 

  • Parce que le souvenir d’anciens scandales sanitaires persiste

“Nous vivons, c’est ainsi, dans un climat de suspicion généralisée”, a regretté sur BFMTV le préfet de Seine-Maritime. “Il y a énormément de fausses nouvelles qui circulent, c’est la raison pour laquelle nous nous attachons méthodiquement à expliquer, à mettre en ligne, à répondre à toutes les interrogations.”

Comme l’a estimé ce samedi sur BFMTV le député insoumis Éric Coquerel, “il se trouve qu’on est quand même le pays dans lequel on a estimé que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière, à partir de là, il y a, une méfiance. Il va falloir s’interroger sur la manière dont a été faite l’information.”

L’élu fait ici référence à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et à ses conséquences. Contrairement à ce qu’avaient dans un premier temps annoncé les autorités, le nuage radioactif ukrainien avait bien touché le territoire français en avril 1986. La communication officielle avait vivement été critiquée à la suite de ce fiasco.

Depuis jeudi, de nombreux riverains interrogés par différents médias font référence à cette période, et à l’erreur des autorités d’alors, celle de ne pas avoir informé en temps réel la population des dangers potentiels du nuage toxique.  

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