Venezuela : Juan Guaido et un rival revendiquent la présidence du Parlement – Le Monde

Le président du Parlement Juan Guaido est bloqué par les forces de sécurité alors qu’il tente d’atteindre l’Assemblée nationale, à Caracas, le 5 janvier.

Le président du Parlement Juan Guaido est bloqué par les forces de sécurité alors qu’il tente d’atteindre l’Assemblée nationale, à Caracas, le 5 janvier. FEDERICO PARRA / AFP

Un fauteuil pour deux : empêché d’accéder à l’hémicycle par la police, Juan Guaido a été réélu, dimanche 5 janvier, président du Parlement vénézuélien par les députés d’opposition lors d’un vote organisé dans un journal, après qu’un élu rival a revendiqué le poste avec le soutien du pouvoir chaviste. « Je jure devant Dieu et le peuple du Venezuela de faire respecter » la Constitution en tant que « président du Parlement et président par intérim », a déclaré après le scrutin Juan Guaido, qu’une cinquantaine de pays, dont les Etats-Unis, reconnaissent comme président par intérim depuis près d’un an. Washington l’a félicité pour son élection.

Avec cette double casquette, il entend continuer son « combat », jusque-là infructueux, pour chasser du pouvoir le chef de l’Etat Nicolas Maduro qu’il qualifie d’« usurpateur » depuis la présidentielle « frauduleuse » de 2018. Cent des 167 députés que compte l’Assemblée nationale lui ont apporté leur suffrage, dont certains sont poursuivis par la justice dans le cadre de ce que l’opposition qualifie de « persécution politique » de la part du pouvoir.

Le vote a été organisé au siège du journal El Nacional, dans le centre de Caracas, et non dans l’hémicycle. Car les forces de l’ordre ont empêché toute la journée Juan Guaido, des députés d’opposition et des journalistes d’accéder au Parlement. A la mi-journée, en l’absence de Juan Guaido à l’Assemblée, Luis Parra, un député rival mais se disant toujours dans l’opposition, a empoigné un mégaphone depuis le perchoir et s’est déclaré nouveau chef de l’hémicycle dans une cohue indescriptible.

Juan Guaido prête serment en tant que président de l’Assemblée nationale, au siège du journal El Nacional, à Caracas, le 5 janvier.

Juan Guaido prête serment en tant que président de l’Assemblée nationale, au siège du journal El Nacional, à Caracas, le 5 janvier. ANDREA HERNANDEZ BRICENO / AP

« Coup d’Etat parlementaire »

Pendant ce temps, l’armée et la police continuaient de refuser à Juan Guaido l’accès au bâtiment. L’opposant a alors tenté d’escalader les grilles qui l’entourent avant d’être repoussé par un soldat équipé d’un bouclier et bousculé par les militaires. L’opposition, qui a la majorité au Parlement unicaméral, a vite fait part de son courroux quant au traitement réservé à Juan Guaido et au geste de Luis Parra. Le député a agi « sans vote, ni quorum », s’est-elle indignée, évoquant un « coup d’Etat parlementaire ».

Le Groupe de Lima, une instance régionale formée dans le but de chercher une issue à la crise au Venezuela, a condamné le recours à la force pour empêcher l’accès au Parlement. Washington, allié de M. Guaido, a parlé d’une tentative « désespérée » de le remplacer. Le Brésil a accusé M. Maduro « de bloquer par la force le vote légitime et la réélection de Juan Guaido ». Nicolas Maduro a, lui, reconnu aussitôt Luis Parra, se réjouissant de ce que Juan Guaido ait été « évincé ».

Depuis plusieurs semaines, Juan Guaido se disait certain d’être reconduit à la tête du Parlement et d’atteindre les 84 votes nécessaires à sa réélection. Mais Luis Parra estime avoir été élu à la régulière. Il affirme que 81 députés sur 140 présents ont voté pour lui. Le député chaviste Pedro Carreño explique, lui, à l’Agence France-Presse (AFP), que la séance a eu lieu en présence de 150 élus, dont 84 ont voté pour Luis Parra, soit la majorité simple du Parlement.

Luis Parra (au centre) pose après avoir prêté serment en tant que président du Parlement, à l’Assemblée nationale de Caracas, le 5 janvier.

Luis Parra (au centre) pose après avoir prêté serment en tant que président du Parlement, à l’Assemblée nationale de Caracas, le 5 janvier. FEDERICO PARRA / AFP
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« Complices de la dictature »

Luis Parra a été exclu du parti Primero Justicia (La Justice d’abord, social-libéral) après qu’un site d’informations l’a accusé d’avoir reçu des pots-de-vin en échange de son soutien à un entrepreneur colombien qui aurait trempé dans une affaire de corruption liée à des importations de nourriture. Malgré son exclusion, le député affirme être toujours dans l’opposition à Nicolas Maduro.

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En préambule à la séance tumultueuse de dimanche, Juan Guaido avait affirmé disposer des votes nécessaires pour être réélu à la tête de l’institution et donc continuer à se prévaloir du statut de président par intérim.

Mais il a été retenu pendant plusieurs heures par la police et l’armée pour des contrôles qui l’ont empêché d’entrer dans l’hémicycle. Il avait alors dénoncé sur Twitter :

« Aujourd’hui, ceux qui empêchent la légitime installation du Parlement vénézuélien se rendent complices de la dictature et de ceux qui oppriment le peuple vénézuélien. »

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M. Guaido s’est proclamé président par intérim le 23 janvier 2019, qualifiant Nicolas Maduro d’« usurpateur » en raison de la présidentielle de 2018 qui lui avait permis de se maintenir au pouvoir. En un an, l’opposant n’a toutefois pas atteint son objectif d’organiser une présidentielle « libre et transparente ».

Soutien de l’armée

Les manifestations contre Nicolas Maduro attirent de moins en moins de Vénézuéliens et les pourparlers avec le gouvernement, organisés sous l’égide de la Norvège, ont fait long feu, tout comme l’appel au soulèvement lancé par Juan Guaido le 30 avril à l’armée.

L’héritier politique d’Hugo Chavez, toujours en poste, continue de jouir de l’appui de la Russie, de Cuba et de la Chine, mais surtout de l’armée, clef de voûte du système politique vénézuélien.

Dans la pratique, l’Assemblée nationale n’a plus aucun pouvoir. Le travail législatif est effectué depuis 2017 par une Assemblée constituante uniquement composée de chavistes. Cette même Constituante est chargée de convoquer les élections législatives qui doivent avoir lieu cette année. Mais Juan Guaido et les partis qui le soutiennent affirment vouloir boycotter le scrutin car il est organisé par le gouvernement.

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