Vaccination obligatoire : qui va remplacer les soignants suspendus ? – Le Télégramme

« Je serai d’une fermeté totale ». À une semaine de l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire pour les soignants, les saillies du gouvernement se multiplient. « La loi s’appliquera, il n’y aura pas d’arrêt-maladie de complaisance », a martelé Olivier Véran, ce jeudi, sur France 2.

Pompiers, dentistes, sages-femmes ou ambulanciers. À partir du 15 septembre, les professionnels des établissements sanitaires et médico?sociaux devront être primo-vaccinés s’ils souhaitent continuer à travailler. Le schéma vaccinal complet sera, lui, demandé à partir du 15 octobre. À défaut, le travailleur sera suspendu, sans rémunération, mais ne sera pas licencié.

À ce jour, 12 % des personnels hospitaliers ne sont toujours pas vaccinés avec au moins une dose, selon le ministère de la Santé. Soit près de 300 000 personnes qui pourraient être suspendues, si elles ne régularisent pas, d’ici là, leur situation. Auxquelles il faut ajouter 50 000 libéraux.

Risque de désorganisation des services

Un taux non négligeable, qui fait craindre réductions des activités opératoires, annulation de rendez-vous et sous-effectifs, aggravant des professions déjà sous tension. « Qu’est-ce que ça signifie, dans un établissement où il y a qu’une ou deux infirmières, s’il va falloir se séparer d’une infirmière ? », redoute Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées, sur franceinfo. « On travaille tellement à flux tendu qu’une personne en moins dans une équipe peut faire écrouler la vie du service », abonde l’urgentiste Christophe Prudhomme, responsable CGT en Seine-Saint-Denis.

En France, de premières situations critiques apparaissent. Dans le Jura, un Ehpad de 18 résidents est sur le point de fermer, 50 % du personnel refusant de se faire vacciner. En Saône-et-Loire, une médecin généraliste stoppe ses consultations, obligeant la mairie à chercher un remplaçant, dans une zone déjà sous-dotée. Dans ce contexte, les patients deviennent les autres victimes de l’obligation vaccinale. « Si jamais on perd 5 % du personnel, on peut se retrouver à devoir fermer des hôpitaux », s’inquiète même un responsable national d’un des principaux syndicats hospitaliers.

Les directions temporisent

La Fédération hospitalière de France se veut, pour le moment, rassurante. Son président, Frédéric Valletoux, minimise même l’ampleur du mouvement : il table sur « des centaines » de réfractaires seulement. Selon lui, le nombre de soignants se rendant dans les centres de vaccination augmente à l’approche de l’échéance.

Dans les grands Ehpad, qui peuvent compter sur des bataillons conséquents, on commence aussi à s’organiser. « Nous avons des effectifs de suppléance pour pallier ce genre de problème », explique à ActuSoins Francis Mangeonjean, directeur des soins au Centre psychothérapique de Nancy. D’autres parlent de rappeler du personnel, réaffecter les forces en présence ou de recourir à des contractuels ou des intérimaires.

Pas d’inquiétude en Bretagne

L’optimisme est aussi de rigueur en Bretagne. « Il y a quelques personnes, ici ou là, qui souhaitent présenter leur démission mais nous n’avons pas senti de fortes inquiétudes chez les fédérations des hôpitaux bretons, quant à la continuité des activités de santé », explique Anne-Briac Bili, directrice de cabinet de l’ARS Bretagne.

« Quand on voit nos taux de vaccination, il n’y a pas d’alerte. Les soignants suspendus ne se compteront qu’à la marge : plus de 95 % des médecins généralistes et spécialistes sont déjà vaccinés, plus de 90 % des infirmières le sont aussi et le taux est supérieur à 80 % dans les autres professions – dentistes, sages-femmes, orthophonistes… »

Suspension possible de l’obligation

L’ARS Bretagne reconnaît néanmoins « attendre le 15 septembre pour voir si on a des problématiques ». C’est là tout le problème : l’ampleur des suspensions ne s’évaluera que le jour J. L’État a-t-il prévu des équipes de remplaçants mobilisables rapidement ? Contacté, le ministère de la Santé n’a pas répondu à nos questions.

Malgré l’intransigeance apparente des ministres, le gouvernement s’est néanmoins offert une porte de sortie si la situation venait à tourner au vinaigre. Dans le texte légalisant la vaccination obligatoire des soignants, il s’est donné le droit de suspendre cette obligation par décret en fonction de « l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques ».

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