Vaccination des 5-11 ans : entre pédagogie et transparence, comment les pédiatres tentent de répondre aux ques – franceinfo

“Et vous, vous en pensez quoi ?” C’est certainement l’une des questions que Brigitte Virey, pédiatre à Dijon (Côte-d’Or) et présidente du Syndicat national des pédiatres français (SNPF), entend le plus, depuis que le gouvernement a ouvert la vaccination aux enfants de 5 à 11 ans présentant un risque de contracter une forme grave du Covid-19, mi-décembre. Curieux, concernés ou soucieux, les parents tâtent le terrain. Et ils seront sans doute de plus en plus nombreux à solliciter l’avis des pédiatres, puisque tous les enfants de 5 à 11 ans peuvent être vaccinés depuis le 22 décembre.

>> Neuf questions sur la vaccination des enfants

La plupart du temps, les parents sont plus inquiets que leurs enfants. A l’ouverture de la vaccination aux 12-17 ans au printemps dernier, Noémie Perez, cheffe de service des urgences pédiatriques de Valenciennes, se souvient des multiples questions posées par les parents, alors que leurs ados, eux, n’avaient qu’une hâte : profiter de l’injection pour retrouver une vie normale.

Le répondeur de Brigitte Virey déborde de ces inquiétudes parentales. “Je rappelle le soir, après la journée de consultations, raconte la spécialiste. Certains m’envoient aussi des mails pour me demander ce que j’en pense. C’est très chronophage, mais essentiel.”

Pour Brigitte Virey, “il faut proposer la vaccination” aux 5-11 ans, d’autant plus si l’enfant présente des risques de développer une forme grave de la maladie ou si un membre de sa famille est “à risque”. Les pédiatres peuvent notamment être amenés à aborder le risque du syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (Pims) chez de très rares enfants contaminés par le Sars-CoV-2. Entre le 2 mars 2020 et le 21 novembre 2021, 702 cas liés au Covid-19 de ce syndrome très grave ont été dénombrés, selon Santé publique France.

Ils avancent aussi le bénéfice collectif de la vaccination. “Notre crainte est le variant Omicron, souligne Brigitte Virey. Même s’il peut contourner la vaccination, il se dirigera préférentiellement vers les personnes non vaccinées.” Face au faible nombre de complications chez les plus jeunes, Noémie Perez estime que cet argument est primordial : “De la même façon qu’on vaccine les enfants contre la rubéole”, une maladie bénigne, mais contre laquelle on vaccine tous les enfants, “parce que les rubéoles congénitales sont un désastre. Pour qu’une femme enceinte ne l’attrape pas, il faut qu’elle soit vaccinée, mais également que tous les enfants de son entourage le soient.”

Viennent ensuite les questions inévitables sur les effets indésirables du vaccin. “On doit rester factuel et s’appuyer sur la balance bénéfices-risques. Ensuite, les parents ont les éléments pour faire leur choix”, estime Brigitte Virey. Une étape essentielle, car ils s’appuient majoritairement sur l’avis du pédiatre pour prendre une décision. “Il faut expliquer que les risques les plus courants sont identiques à ceux des adultes : une douleur au niveau du point d’injection ou dans le bras, de la fièvre, de la fatigue, des maux de tête”, énumère la praticienne.

Quant au risque de myocardite (une inflammation du muscle cardiaque), il reste “très faible”, rappelle-t-elle, citant une étude menée aux Etats-Unis, où la vaccination des 5-11 ans est ouverte depuis le 3 novembre. Selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC, lien en anglais), sur plus de 7 millions de doses administrées, seuls huit cas de myocardites ont été recensés au 10 décembre (et la plupart étaient guéris ou en voie de l’être à la publication du rapport).

“Si on veut que cette campagne de vaccination soit un succès, il faut être 100% transparent avec les familles”, insiste Christelle Gras-Le Guen, cheffe de service des urgences pédiatriques de Nantes et présidente de la Société française de pédiatrie (SFP), interrogée par franceinfo. “C’est une démarche déterminante pour que les parents aillent faire vacciner leur enfant.” Jean-François Pujol, pédiatre en Gironde et secrétaire général du SNPF, estime que cette transparence est d’autant plus nécessaire dans le contexte de défiance vis-à-vis des vaccins. “Il faut être le plus clair possible, tranche-t-il. Quand on ne sait pas, il faut dire qu’on ne sait pas, et ne pas faussement rassurer.”

Les pédiatres aiguillent aussi des familles souvent perdues dans les démarches à suivre en cas de contamination. Une casquette d’“assistante sociale” que Brigitte Virey enfile au quotidien dans son cabinet dijonnais. Elle est aussi bien sollicitée sur les procédures à suivre auprès de l’Assurance maladie et de l’école. “Les directives [du ministère de l’Education nationale] changent si souvent que les parents ne savent pas comment réagir”, compatit la pédiatre.

Parfois, les parents ne sont pas seulement inquiets, mais complètement réfractaires. Pour Christelle Parache, pédiatre libérale à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), “on a beau les éclairer, on n’est pas là pour les obliger ou les convaincre”. Si malgré les arguments en faveur de la vaccination, des parents maintiennent qu’ils ne feront pas vacciner leurs enfants, “je ne vais pas chercher à aller au-delà de leur décision”.

Même son de cloche à l’hôpital de Valenciennes, dans le Nord, où le centre hospitalier est régulièrement pris à partie sur les réseaux sociaux par des antivax. Sur les réseaux sociaux, pas une seule publication n’échappe aux commentaires haineux (pas même celles présentant les sapins de Noël), au grand dam de Noémie Perez, cheffe de service des urgences pédiatriques : “Cela prend du temps d’essayer d’expliquer et de démonter les idées reçues, regrette-t-elle. Mais que voulez-vous faire ? Certains ont trop écouté les complotistes, et dans ces cas-là, il n’y a rien à faire.”

La spécialiste ne suggère pas toujours la vaccination spontanément. “Si les parents me posent la question, je les conseillerai, résume-t-elle. Sinon, je ne vais pas en faire plus pour le moment.” Elle se souvient notamment d’une consultation avec la mère d’un enfant suivi pour un problème digestif. “Je n’ai même pas essayé d’aborder le sujet, confie-t-elle. Je n’ai pas été courageuse, mais ce n’était pas ma patiente, donc je me suis dit qu’il n’était pas forcément judicieux que je passe une demi-heure à argumenter, au risque que cela dégénère.” La praticienne préfère “attendre que ça se calme un peu, car localement, la situation est tendue.”

Pour l’heure, la vaccination des 5-11 ans n’est en tout cas pas obligatoire. Et elle ne doit pas le devenir ni être associée à un pass sanitaire, selon les professionnels interrogés. “Il nous paraît essentiel que cette vaccination ne soit pas liée à des contraintes sur la vie scolaire des enfants, leur vie sociale ou leur vie sportive”, insiste Christelle Gras-Le Guen. “La rendre obligatoire nous paraîtrait totalement inadapté.” Pour Jean-François Pujol, “la première question est de savoir si les adultes et les enfants de plus de 12 ans sont vaccinés”. “Ce sont eux la priorité”, rappelle-t-il.

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