SNCF : les dessous d’une «grève» surprise – Le Parisien

Quand la circulation des trains va-t-elle revenir à la normale ? La direction de la SNCF était dans l’incapacité, samedi 19 octobre au soir, de répondre à cette question. « Nous sommes privés de la possibilité d’informer nos clients et c’est un crève-cœur », constatait une porte-parole, alors que des dizaines de milliers de passagers, au moins, avaient vu leur train annulé depuis la veille.

Samedi, au premier jour des vacances de la Toussaint, pour les seuls TGV, 38 400 voyageurs sont restés en gare, tous les Ouigo (sauf trois) ayant été annulés. Le trafic des Intercités et des TER a été lourdement touché : moins d’un TER sur deux a circulé, et six Intercités sur dix, selon la SNCF.

Impossible, en effet, pour la direction d’établir des prévisions de trafic, alors qu’ un nombre important de cheminots a choisi d’exercer son droit de retrait à la suite de l’accident grave d’un TER, mercredi, dans les Ardennes, qui a fait 11 blessés, dont le conducteur. L’ampleur de la mobilisation a pris tout le monde de court.

Une «grève sauvage» pour le Premier ministre

Et pour cause… à la différence d’un mouvement de grève « classique », qui oblige les organisations syndicales à informer la direction du nombre de grévistes 48 heures à l’avance, cette forme d’arrêt de travail, basée sur des décisions individuelles, rend très compliquée toute analyse globale de la situation. Une situation très atypique, y compris pour les syndicats qui, tout en soutenant les cheminots en colère, se défendent d’avoir organisé la bronca.

Un discours violemment rejeté par le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, qui cédera son poste le 31 octobre. Pour lui, cette « grève surprise » n’est juste « pas admissible ». Venu en renfort, gare de l’Est à Paris, en fin de matinée, le Premier ministre est allé encore plus loin. Edouard Philippe a dénoncé un « détournement du droit de retrait qui s’est transformé en grève sauvage », précisant qu’il avait demandé à la direction de la SNCF d’examiner « toutes les suites qui pouvaient être données, et, notamment, judiciaires ».

Interviewé par Le Parisien – Aujourd’hui en France, le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, évoque même une action devant le tribunal de grande instance. Objectif : faire reconnaître ce mouvement comme une grève.

Le problème de la sécurité au cœur des revendications

Des cheminots ont exercé leur droit de retrait après l’accident grave d’un TER survenu mercredi à Saint-Pierre-sur-Vence (Ardennes)./PHOTOPQR/L’Union de Reims
Des cheminots ont exercé leur droit de retrait après l’accident grave d’un TER survenu mercredi à Saint-Pierre-sur-Vence (Ardennes)./PHOTOPQR/L’Union de Reims  

Mais au-delà de ce bras de fer juridique, les syndicats mettent tous en avant le véritable problème de sécurité mis au jour lors de l’accident de mercredi, problème par ailleurs dénoncé de longue date. Les autres syndicats réclament le retour d’un contrôleur dans les quelque 5600 TER qui circulent quotidiennement en France avec juste un conducteur.

« C’est la deuxième fois que ce type d’accident avec ce type de train se produit. La fois précédente, c’était à Serqueux (Seine-Maritime) en 2015, dénonce Olivier Boissou, le secrétaire général de la FGAAC. « Nous demandons juste que des contrôleurs circulent dans ces trains le temps que des études soient réalisées. Pas besoin d’embauches supplémentaires. Les effectifs de contrôleurs, la SNCF les a ». Rencontré samedi en gare de Bercy, l’ancien patron de la CGT-Cheminots Didier Le Reste dénonce « une déshumanisation croissante des trains et des gares ».

Une situation très tendue en interne

Ce conflit intervient alors que le climat dans l’entreprise publique est déjà très tendu. Engagée ces dernières années dans une transformation de fond, la SNCF a devant elle un défi de taille : l’ouverture à la concurrence prévue fin 2020, et qui s’est soldée en 2018 par une réforme du statut des cheminots, que ces derniers n’ont pu faire capoter en dépit de trois mois de grève.

Ajoutez à cela la réforme des retraites, qui arrive, et pour laquelle les syndicats ont appelé à une journée de grève interprofessionnelle le 5 décembre prochain, et le climat est véritablement explosif.

Des échanges officieux entre direction et syndicats

Si, samedi soir, la situation apparaissait bloquée, aucune réunion direction-syndicats n’étant officiellement prévue, il y avait néanmoins, selon nos informations, des échanges officieux, laissant espérer un début de solution.

Dimanche, la SNCF prévoit un Ouigo sur trois. L’ensemble des prévisions pour cette journée ne devrait être dévoilé qu’en tout début de matinée.

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