Présidentielle. Qu’a-t-il manqué à Jean-Luc Mélenchon pour accéder au second tour ? – Ouest-France

Il y a cinq ans, il lui avait manqué 600 000 voix. Il lui en manque cette fois-ci 400 000. Ce dimanche 10 avril 2022, Jean-Luc Mélenchon a une nouvelle fois échoué de justesse à se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle.

Quelles sont les causes de ce nouvel échec ? Sont-elles liées à son programme, à sa personnalité, au contexte ? Aux trois ? On fait le point.

Suivez notre direct consacré à l’élection présidentielle, ce lundi 11 avril 2022

Jean-Luc Mélenchon n’a pas pu fédérer la gauche

Pour atteindre le second tour, Jean-Luc Mélenchon avait fait de l’union de la gauche un passage obligé. Il avait raison. « Convaincre tous les hésitants potentiels de gauche » était en effet « une des conditions sine qua non » d’une éventuelle qualification, rappelle Adélaïde Zulfikarpasic, directrice du département Opinion de BVA.

Or, si certains de ces hésitants se sont bien ralliés à sa candidature à la dernière minute, d’autres ne l’ont finalement pas fait. Le communiste Fabien Roussel, a ainsi conservé 2 % du total des suffrages exprimés. Autant de voix qui ont pu manquer à l’Insoumis, avec lequel le PCF s’était pourtant allié en 2017 et 2012.

De son côté, Yannick Jadot a conservé dans son giron 4,7 % des voix. Mais « on sent qu’entre Jadot et Mélenchon, il y a eu une hésitation », note Adélaïde Zulfikarpasic, dont l’institut a diligenté pour le compte de Ouest-France une enquête sur les motivations du vote des Français. Seulement, la pièce est trop régulièrement tombée du côté du vote écologiste pour que Jean-Luc Mélenchon puisse prétendre au second tour. « Mais ça s’est joué à peu », note la sondeuse.

Des positions parfois peu consensuelles

Mais alors pourquoi ces électeurs de gauche n’ont-ils finalement pas rallié l’Insoumis, alors que, dans les derniers jours de campagne, celui-ci a incarné l’espoir de voir la gauche se qualifier pour le second tour ?

Il y a d’abord ces nombreux choix de derrière minute qui ont pu être guidés par un réflexe pavlovien. « Beaucoup d’électeurs ont pris leur décision le jour même et, dans l’isoloir, il peut parfois y avoir quelque chose de l’ordre de : “J’ai envie de rester fidèle à ma famille politique” », avance Adélaïde Zulfikarpasic. C’est probablement cette raison qui a poussé les socialistes ou communistes historiques à ne pas voter pour Jean-Luc Mélenchon.

Entre les gauches subsistent également « des lignes de partage qui sont infranchissables », relève ainsi Adélaïde Zulfikarpasic. Sur quelles thématiques, précisément ? L’Europe ou l’Otan, liste la sondeuse, deux entités auxquelles les autres forces de gauche sont plus favorables que l’Insoumis. Les prises de position passées de Jean-Luc Mélenchon sur Vladimir Poutine ont elles aussi pu faire office de repoussoir.

Et Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès, d’ajouter que « les questions liées à la laïcité, au communautarisme, aux questions religieuses » constituent également une ligne de fracture entre les gauches, les positions de Jean-Luc Mélenchon pouvant être parfois considérées comme s’éloignant du modèle républicain traditionnel.

Une image quelque peu écornée

Par ailleurs, les quelques écarts de conduite de l’ancien socialiste ont également joué en sa défaveur.

« Chez Jean-Luc Mélenchon, il y a un passif qui, chez certains, n’a pas été complètement occulté », relève Adélaïde Zulfikarpasic. « Une partie de l’électorat de gauche n’a pas oublié son : “La République, c’est moi” », lancé aux forces de l’ordre, lors de la perquisition au siège de La France insoumise (LFI) en octobre 2018, dans le cadre de deux enquêtes préliminaires du parquet de Paris sur les comptes de la campagne présidentielle de 2017 et sur les conditions d’emploi d’assistants d’eurodéputés de LFI.

De fait, selon les chiffres de l’enquête réalisée à la sortie des urnes par BVA, seules 19 % de ses électeurs du premier tour indiquent avoir voté pour Jean-Luc Mélenchon du fait de sa personnalité, alors que cet item est en moyenne mentionné par 28 % des électeurs.

« Il suscite quand même un peu d’inquiétude dans la population, et dans l’électorat de gauche en particulier », résume Jérémie Peltier.

Une gauche déjà très affaiblie

Mais tout cela aurait pu n’avoir qu’une importance mineure dans un autre contexte, plus favorable. Car ce qu’il aura aussi manqué à Jean-Luc Mélenchon, c’est un terreau fertile, celui dans lequel des idées de gauche séduiraient plus que des idées de droite.

Car, dans la France du début du XXIe siècle, « le centre de gravité de l’opinion est à droite », indiquait le politologue Luc Rouban, le 5 avril dernier.

Un état de fait qui a rendu la tâche de Jean-Luc Mélenchon encore plus compliquée, et l’a obligé à réaliser un impossible sans-faute.

Et l’abstention ?

Mais Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas également pâti du fort niveau abstention enregistré dimanche ? Contrairement à ce qui avait pu être dit concernant d’autres scrutins, pas tellement.

Car les jeunes, qui d’ordinaire s’abstiennent beaucoup, ont cette fois-ci voté autant que leurs aînés. « Et ils sont allés voter pour Mélenchon », résume Adélaïde Zulfikarpasic. L’Insoumis a donc déjà largement mis à profit le réservoir de voix qui se trouvait chez les primo votants.

Lire aussi : Présidentielle 2022. De quelles réserves de voix Marine Le Pen dispose-t-elle pour le second tour ?

Et les classes populaires, qui se sont beaucoup abstenues dimanche, ne constituent-elles pas un vivier d’électeurs potentiels pour Jean-Luc Mélenchon ? Si, mais moins qu’elles n’en constituent un pour Marine Le Pen. Les classes populaires « votent beaucoup plus pour Marine Le Pen que pour lui », tranche Adélaïde Zulfikarpasic. Et nul doute que, à deux semaines du second tour, celle-ci a également fait rentrer cette donnée dans son équation.

Présidentielle. Qu’a-t-il manqué à Jean-Luc Mélenchon pour accéder au second tour ?

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