Pour Julien Bayou, nouveau patron d’EELV : « Nous n’avons plus le temps d’être médiocres » – Le Monde

Julien Bayou,nouveau patron d’Europe Ecologie - Les Verts, le 30 novembre.

Ce fut long, mais Europe Ecologie-Les Verts (EELV) a finalement décidé. Le nouveau secrétaire national du parti est Julien Bayou. Le conseiller régional d’Ile-de-France conduisait, dans le cadre du congrès d’EELV, réuni à la Bourse du travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le texte de la motion de la direction sortante.

Lors du premier tour, le 16 novembre, son texte, « L’Ecologie au pouvoir, grandir ensemble pour gagner enfin », avait recueilli 43 % des suffrages ; la motion de l’ancienne députée de l’Essonne Eva Sas, « Le Temps de l’écologie », avait réuni environ 26,2 %. Deux contributions marquées plus à gauche : « Le Souffle de l’écologie », du secrétaire national adjoint Alain Coulombel, et « Démocratie écolo », de Philippe Stanisière et Christine Juste, ont rassemblé respectivement 21,5 % et 8,5 %. Ce premier tour désignait 400 délégués, qui ont élu aujourd’hui, la nouvelle direction.

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Le résultat ne faisait aucun doute. En effet, samedi matin, après de longues négociations, les trois principaux textes ont trouvé un accord : à M. Bayou la direction, Mme Sas et M. Coulombel devenant porte-parole. M. Stanisière, pour des raisons statutaires, déposait un texte à part. « Nous avons un accord technique avec Philippe Stanisière, explique Julien Bayou. Il dépose un texte mais il aura la délégation sur la démocratie interne, dans la nouvelle équipe. » Les résultats sont sans appel : 92,6 % pour la motion de « rassemblement » défendue par M. Bayou ; 6,8 % pour celle de M. Stanisière.

« C’est un grand honneur et une grande responsabilité de conduire notre mouvement, a déclaré, ému, Julien Bayou lors de son discours de victoire. On a besoin de tout le monde pour mener la révolution de velours dont la planète a besoin. Nous n’avons plus le temps d’être médiocres. » Et d’ajouter, opposant « écologie et barbarie » :

« Qui d’autre pour proposer un nouvel imaginaire ? Pour sortir du productivisme et du culte de la croissance ? Nous devrons travailler au rassemblement, à une nouvelle alliance politique et sociale. »

Un avertissement à Jadot

Beaucoup à EELV se félicitent de cette « synthèse ». A l’instar d’Alexis Braud, bras droit de Yannick Jadot :

« Trois motions, c’est déjà énorme, cela fait plus de 90 % des suffrages. C’est historique. Le parti est massivement tourné vers l’avenir de l’écologie politique dans notre pays. C’est ce qui était attendu, tant par nous que par la société. »

Yannick Jadot le résume plus directement : c’est « [sa] ligne qui a gagné le congrès ». En effet, les deux principales motions ne divergeaient pas sur le fond des propositions. Toutes deux voulaient faire de l’écologie politique « le nouveau paradigme » autour duquel doit se restructurer l’opposition. Pour les deux textes, l’heure n’était pas à la recomposition de la gauche, il s’agissait de redéfinir un corpus idéologique pour construire un parti « capable d’exercer le pouvoir ». Et bienvenue aux formations « écolo-compatibles » pour de futures alliances.

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Pour autant, si M. Jadot ne s’est pas impliqué directement dans les négociations du congrès, il soutenait officieusement Eva Sas. Les résultats du congrès sont donc un avertissement pour lui. Les militants écolos voulant lui signifier que le parti restait à gauche et qu’il donnait trop de signes au centre.

Si les Verts se disaient tous soulagés et affichaient, samedi après-midi, une unité inédite, rien n’était pourtant joué quelques heures auparavant. Certains s’inquiétaient, vendredi soir, d’un deuxième tour en ordre dispersé, une coalition ayant été constituée par les trois équipes contre la motion de M. Bayou. Tout au long des quinze derniers jours, la vie interne d’EELV ressemblait à une partie de poker menteur, avec ses coups de bluff et ses enfumages. Mais aussi à un vaudeville politique où les portes claquent, où les unions se font et se défont et où la trahison n’est jamais loin.

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Il s’agit désormais pour le parti écologiste de capitaliser sur le bon score recueilli par la liste conduite par Yannick Jadot lors des élections européennes. Avec 13,5 % des suffrages, EELV était devenu la première force de gauche, loin devant La France insoumise, le Parti socialiste et le Parti communiste. « Ce qui se joue désormais, ce sont les élections municipales et régionales. Il faut que le parti soit rassemblé. On doit donner l’image d’un parti uni », commente David Cormand, le secrétaire national sortant, qui a pesé de tout son poids pour soutenir Julien Bayou.

De l’engagement associatif au giron vert

Sans être un vieux routier, ce dernier n’est, à 39 ans, plus tout à fait un petit nouveau dans la galaxie écolo. Il y a une dizaine d’années, on connaissait Julien Bayou pour son engagement associatif au sein de Génération précaire (contre l’exploitation des stagiaires) et de Jeudi noir (contre le mal logement). C’est en 2012 qu’il arrive dans le giron vert pour la campagne présidentielle d’Eva Joly. « Je le rencontre à ce moment-là. Il a une sorte de leadership sur la créativité et un sens aigu des rapports de force dans la société, se souvient Stéphane Pocrain, sorte de compagnon de route et de conseiller officieux à EELV. Il avait des réseaux plus larges que ceux du parti. »

Quelque temps après, c’est la création de la Nouvelle école écologiste. Un courant d’EELV qui regroupait alors M. Bayou, mais aussi Marie Toussaint (initiatrice de « l’affaire du siècle », une pétition qui a réuni plus de deux millions de signatures en vue d’attaquer l’Etat pour inaction climatique) ou encore Kevin Puisieux, qui deviendra l’un des dirigeants de la Fondation pour la nature et l’homme de Nicolas Hulot.

Cette bande, couvée de loin entre autres par M. Pocrain, développera une ligne de gauche, celle de « l’écologie populaire ». Dans une brochure de 2013, ils prédisent l’inéluctable sortie des ministres écolos du gouvernement socialiste, dénonçant une « pente dangereuse » du quinquennat de François Hollande. Ils prônaient aussi une mobilisation de la société civile autour des questions environnementales, préfigurant ce que l’on voit aujourd’hui avec les marches pour le climat.

Un côté mouvementiste qui a aussi été un handicap pour M. Bayou. En effet, l’aile « réalo » du parti (les modérés, dans le jargon des Verts) a reproché au nouveau secrétaire national un profil trop « gauchiste ». L’un de ceux qui le critiquaient était Yannick Jadot. Le probable candidat à la présidentielle tempère désormais ses propos. « Julien a parfaitement joué le jeu pendant les européennes alors qu’il n’était pas sur ma ligne au départ », explique-t-il avant de se projeter vers les municipales et les régionales. Pour M. Jadot, il faut qu’EELV sache « se dépasser, pour construire un rassemblement large, et une dynamique pour 2022. On doit se projeter dans quelque chose de plus grand ». A savoir la création d’un « nouveau mouvement », défendue également par Julien Bayou. Europe Ecologie-Les Verts vit, en tant que telle, ses derniers mois.

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