Mouvement à la SNCF : «Tous les voyageurs impactés seront remboursés», annonce Pepy – Le Parisien
Alors que le trafic ferroviaire reprend progressivement ce dimanche 20 octobre après-midi, le PDG de la SNCF, Guillaume Pepy, annonce en exclusivité au Parisien-Aujourd’hui en France les décisions qu’il vient de prendre, afin de pouvoir rembourser tous les voyageurs impactés depuis vendredi par ce mouvement social « inédit ».
LE MOUVEMENT A LA SNCF
Où en sont les dernières prévisions de trafic ?
GUILLAUME PEPY. Demain lundi, le trafic sera normal pour les TGV, OUIGO et en Ile-de-France. Il y aura encore quelques disparités en région. Je suis solidaire des voyageurs qui ont été pris par surprise, dans la mesure où il n’y avait aucun moyen de prévoir le trafic. Je comprends leur émotion et leur colère. Il s’agissait d’une grève surprise, sans préavis, alors même qu’il existe depuis 1963 une loi qui règle la grève dans les services publics, et que depuis 2008 un service minimum a été instauré.
Comprenez-vous aussi l’émotion des cheminots après l’accident grave de mercredi ?
Je peux tout comprendre si on respecte les lois. A la SNCF, on ne fait pas la loi, on l’applique. Le droit de retrait est légitime en cas de danger grave ET imminent. Quand le même jour, aux quatre coins de la France, certains conducteurs déclenchent un droit de retrait sans qu’il y ait de menace imminente en matière de sécurité, la loi est détournée. En dépit de cela, nous avons tenu à recevoir les syndicats, par trois fois, le vendredi 18, à 7h30, 15 heures et 18h30, sans oublier onze réunions régionales. Les questions de sécurité ont été abordées et débattues, la concertation nationale a duré plus de 5 heures.
L’inspection du travail a dans certains cas déclaré ce droit de retrait licite…
Je n’ai entendu aucun juriste dire que les conditions légales pour exercer son droit de retrait étaient remplies.
Les voyageurs impactés seront-ils remboursés ?
Oui, dans tous les cas. Tous les billets non utilisés, quels qu’ils soient, y compris les Ouigo, seront intégralement remboursables sans frais, et ce, même s’ils sont marqués « non échangeable, non remboursable ». Autre décision exceptionnelle : nous créons un fonds d’indemnisation doté d’un million d’euros, afin de compenser les dommages exceptionnels que les voyageurs TGV et Intercités ont subi du fait de cette grève surprise.
Que remboursera ce fonds ?
Il prendra notamment en charge les frais engagés par les voyageurs ayant dû racheter de nouveaux billets de train, ou obligés de se reporter vers d’autres moyens de transport comme l’avion, ou encore ceux ayant perdu une réservation d’hôtel. Une adresse mail dédiée sera mise en place en fin de semaine pour leur permettre de formuler leur demande.
VIDÉO. Grève à la SNCF. Pepy annonce la création d’ « un fonds d’indemnisation d’1 million d’euros »
Qu’en est-il de l’action judiciaire envisagée ?
S’il y a reprise du travail, les poursuites devant le tribunal pour qualifier ce mouvement de « grève » n’ont plus de raison d’être. Depuis ce dimanche matin, le bon sens est de retour : les organisations syndicales et les conducteurs grévistes se sont rendu compte que ce droit de retrait pénalisait excessivement les voyageurs, et que cela ne pouvait pas durer.
Et pour ce qui est des sanctions individuelles ?
C’est le droit, elles s’appliqueront. Dès lors qu’un conducteur gréviste a été qualifié en « absence irrégulière », il y aura naturellement une retenue sur son salaire, de l’ordre de 70 à 100 € par jour. La SNCF est un service public vital pour la vie quotidienne des Français. Nous avons des règles particulières car nous sommes au service de l’intérêt général.
ACCIDENTS ET AGRESSIONS
Ce mouvement est la conséquence d’un accident survenu mercredi. Avez-vous des précisions sur ce qu’il s’est produit ?
C’est d’abord un accident routier : un semi-remorque se trouve sur un passage à niveau qu’il ne devait pas emprunter. Cela devient par la suite un accident ferroviaire puisque le TER heurte le semi-remorque. Le conducteur a garanti la sécurité des voyageurs après le choc de façon ultra-professionnelle, en application de la réglementation. Je l’ai eu au téléphone pour le féliciter et le remercier.
Quand seront connus les résultats de l’enquête ?
Nous avons l’obsession de la sécurité et tout accident fait l’objet d’une enquête interne poussée. Nous rendrons ce rapport public jeudi 24 octobre. De son côté, l’Etat a déclenché une enquête indépendante. En interne, nous travaillons depuis plusieurs mois sur une meilleure protection des dispositifs d’alarme des TER et nous ferons des propositions d’ici la fin de l’année avec le constructeur, Bombardier.
La sécurité est-elle assurée dans un train où le conducteur est le seul agent SNCF ?
Sur 17 000 trains circulant chaque jour en France, plus de 6 000 trains roulent avec un seul conducteur. C’est le cas sur tous les trains en Île-de-France, et ce depuis plus de 30 ans. Ce système a été validé par l’Etat et l’autorité de sécurité indépendante, il existe dans la plupart des pays européens et il est conçu pour assurer la sécurité avec toute une série d’équipements. J’entends le regret des syndicats mais j’affirme que ce système est conçu en sécurité.
Au-delà du cas de l’accident, qui reste rare, se pose aussi la question des incivilités et des agressions…
Je suis d’accord, la société est de plus en plus violente, les incivilités augmentent : la SNCF et les cheminots en sont aussi victimes. Aujourd’hui, on privilégie les équipes de contrôleurs à bord des trains plutôt qu’un agent isolé. Mais nous constatons qu’une brigade ne fait pas baisser les agressions. Il y a un motif d’espoir : les caméras piétons, qu’un agent peut actionner avec un bouton. Elles permettent de constituer des preuves pour la police et la justice lorsqu’il est agressé. La loi nous permettra de les proposer à tous les agents au contact du public à partir de juillet 2020.
Où en sont vos discussions avec les syndicats ?
Trois chapitres ont été traités depuis vendredi : comment renforcer encore la sécurité sur les TER? On en discute avec les partenaires sociaux dès le jeudi 24 prochain. Le second chapitre concerne les nouvelles conditions européennes de départ des trains. Celui-ci ne sera plus donné par le chef d’escale, qui garde ses autres missions. Nous étudions, en concertation avec les syndicats, la meilleure date de mise en œuvre. Enfin, le troisième chapitre concerne le renforcement de la lutte contre les agressions, notamment du personnel. Nous allons accélérer les recrutements prévus dans notre service de sûreté.
VIDÉO. Guillaume Pepy sur son départ de la SNCF : « J’aime profondément les cheminots »
SON DÉPART
Ce conflit intervient dans un moment particulier, le 5 décembre est le début d’une grève contre la réforme des retraites, comment anticipez-vous la journée ?
Ce dimanche, le syndicat majoritaire (NDLR : la CGT ) a appelé les cheminots non pas à poursuivre le droit de retrait mais à entrer « massivement et majoritairement » en grève le 5 décembre… Le projet de la réforme des retraites n’est pas un projet spécifique aux cheminots mais un système unifié de retraites pour tous les Français.
Vous quittez vos fonctions le 31 octobre. Que direz-vous à Jean-Pierre Farandou, votre successeur ?
J’ai la chance de travailler avec lui depuis trente ans. Nous partageons deux priorités. La première c’est ce défi redoutable qu’est l’ouverture à la concurrence. La SNCF est plus forte aujourd’hui qu’il y a dix ans pour y faire face. La deuxième, c’est la crise climatique qui est une occasion pour la SNCF de faire préférer le train. Que ce soit pour le transport de marchandises ou des voyageurs, la neutralité carbone, c’est l’avenir de la SNCF.
Quel message adressez-vous aux cheminots avant votre départ ?
J’ai passionnément aimé travailler avec eux. J’ai énormément d’affection et d’admiration pour le travail qu’ils font au quotidien pour nos clients.