Mort de Vanille : récit d’un infanticide, premier échec du dispositif Alerte Enlèvement – Le Parisien

C’est la première fois que le dispositif Alerte Enlèvement connaît une issue fatale. Le corps de la petite Vanille, 1 an, a été découvert ce dimanche après-midi à Angers (Maine-et-Loire) dans une benne à vêtements.

La veille, près de trente heures après le signalement de sa disparition, l’alerte avait été déclenchée afin de retrouver la trace de la fillette aux boucles brunes et aux grands yeux noirs, enlevée par sa mère. « Malgré ce dénouement tragique, le dispositif a généré plus d’une centaine de témoignages qui ont permis de retrouver la mère. Le meurtre est antérieur à son déclenchement », confie le procureur de la République d’Angers, Eric Bouillard.

Un médecin légiste a été dépêché ce dimanche soir sur les lieux de la macabre découverte, afin de déterminer les causes de cette mort survenue selon toute vraisemblance dès vendredi. Ouverte pour « soustraction de mineur par ascendant », l’enquête porte désormais sur des faits de « meurtre sur mineur par ascendant ». La mère, Nathalie Stephan, a été placée en garde à vue.

Vanille était placée dans une famille d’accueil

En s’appuyant sur la vidéosurveillance et les informations de son téléphone, les enquêteurs du service régional de la police judiciaire d’Angers ont pu retracer le parcours de cette femme de 39 ans aux lourds problèmes psychologiques.

Depuis la naissance de Vanille, Nathalie Stephan était accueillie dans un appartement du centre maternel d’Angers. La trentenaire pouvait ponctuellement y recevoir sa fille, placée le reste du temps dans une famille d’accueil. Vendredi, alors que l’Angevine avait le droit de s’occuper de sa fille pendant quarante-huit heures d’affilée, elle est partie du foyer à 11 heures. Elle aurait dû ramener l’enfant à sa référente de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) à 17 h 30, mais ne s’est jamais présentée. C’est dans ce laps de temps, entre 13 heures et 15 heures, que la mère de famille aurait tué sa fille.

Selon nos informations, la suspecte a déclaré avoir « étouffé » Vanille alors qu’elles se trouvaient toutes deux dans un parc d’Angers, avant de déposer son corps dans une benne à vêtements, où elle a fini par conduire les enquêteurs dimanche.

Aucun complice

Dès 15 heures vendredi, Nathalie Stephan, décrite par une source proche de l’enquête comme « ayant peu d’entourage amical et familial », a quitté la ville en train pour se rendre à Nantes, où elle n’avait visiblement pas d’attaches. Sur les images de vidéosurveillance, elle apparaît seule et sans poussette. Les enquêteurs craignent dès lors un dénouement tragique à cet enlèvement. Le compte à rebours est lancé.

Le déroulé de sa journée de samedi est plus obscur. La mère l’aurait passée à Nantes. Selon les premières investigations, elle n’a été en contact physique ou téléphonique avec aucun complice.

Un témoignage déterminant

En fin de soirée, alors que l’enfant est introuvable depuis trente heures, l’Alerte Enlèvement est déclenchée par le parquet d’Angers. Le nom et la photo de la suspecte sont diffusés sur toutes les chaînes de télévision et sur Internet. Le dispositif a permis de recueillir en quelques heures une centaine de témoignages. L’un sera déterminant…

C’est en effet très tôt hier que la trace de Nathalie Stephan est retrouvée à Nantes. Le gérant de l’hôtel le Terminus, où elle a passé la nuit, a prévenu les policiers lorsqu’il a fait le rapprochement entre le nom de la fugitive et celui inscrit sur la carte d’identité laissée par une cliente. Elle est interpellée sans heurts et, lors de sa garde à vue, Nathalie Stephan enchaîne mutisme, dénégations et contradictions. La mère de famille prétend avoir déposé sa fille chez une amie à Angers, sans livrer ni de nom ni d’adresse.

Une mère au profil complexe

Mais les policiers ne sont déjà plus dupes. « Ils ont retracé son parcours, ce qui leur a permis de pointer les contradictions de son récit », souligne une source proche de l’enquête. Les quelques porte-à-porte achèvent de convaincre les enquêteurs que Nathalie Stephan s’est débarrassée de son enfant. Après l’avoir mise en confiance, ils la poussent aux aveux.

En fin d’après-midi, la suspecte oriente finalement les policiers de la PJ là où elle a déposé le corps. L’enquête va désormais s’attacher à déterminer les raisons de cet infanticide. « Il a plusieurs hypothèses, glisse un proche des investigations. Peut-être qu’elle estimait ne plus arriver à assurer l’éducation de Vanille. Ou alors la perspective d’un changement de prise en charge de sa fille l’a perturbée. » Nathalie Stephan devait en effet changer prochainement de centre.

Le droit de garde en question

« En garde à vue, elle n’a toutefois pas indiqué à ce stade se sentir victime d’une injustice particulière », poursuit la même source. Le profil psychologique de la suspecte est particulièrement complexe. Selon une expertise psychiatrique, qui sera menée à l’issue de sa garde à vue, « sa destination pourrait être une détention ou une hospitalisation », a d’ailleurs souligné le procureur d’Angers.

La presque quadragénaire, qui se présente sur les réseaux sociaux comme une ancienne assistante maternelle, a eu un récent épisode suicidaire et avait laissé dans sa chambre des écrits qualifiés par le parquet de « relativement inquiétants », dans lesquels elle écrivait notamment « Je vous aime ». « Elle n’est pas connue comme ayant eu un comportement violent à l’égard des enfants ou comme représentant un danger pour ceux-ci », note néanmoins une source proche de l’enquête. La suspecte, sans emploi, était inconnue de la justice.

Maman d’une autre fille, demi-sœur de Vanille

Les témoins interrogés la décrivent comme une femme « discrète et handicapée par ses troubles mentaux ». L’identité du père de Vanille est, elle, nébuleuse. L’homme qu’elle a désigné en garde à vue ne reconnaît pas le nourrisson. Le droit de garde ponctuel qui avait été délivré pour Vanille est aussi source d’interrogation alors que Nathalie Stephan, maman d’une autre fille, demi-sœur de Vanille dont elle n’a pas non plus la garde, avait déjà manqué à ses obligations en ne la ramenant pas à l’ASE à l’heure indiquée. Selon un connaisseur du dossier, « ses forts troubles psychiatriques ne l’empêchaient pas d’avoir des journées d’éducation avec sa fille ». Ces moments étaient encadrés et limités à quarante-huit heures en raison de sa courte capacité de concentration.

Depuis sa création en 2006, c’est la 23e fois que le dispositif Alerte Enlèvement a été déclenché. Jusqu’à Vanille, tous les enfants kidnappés avaient été retrouvés sains et saufs.

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