John Bercow, l’ennemi numéro un des Brexiters – Les Échos
Le voila à nouveau sur le devant de l’actualité, accusé par les Brexiters de mettre des bâtons dans les roues du Brexit. John Bercow, le président de la Chambre des communes (ou Speaker en anglais) , a en effet refusé ce lundi au gouvernement un « vote significatif (meaningful) » par le Parlement sur l’accord de divorce conclu entre Londres et Bruxelles la semaine dernière.
Ce week-end, celui qui personnifie désormais grâce à ses « Order ! Order ! » les procédures minutieuses et les traditions surannées de la Chambre des communes aux yeux du monde entier avait déjà autorisé la mise au vote de l’amendement Letwin, qui a gâché son « Super Saturday » au Premier ministre Boris Johnson .
Dimanche, dans le « Telegraph », même son bras droit, la députée Tory Eleanor Laing qui se présente pour lui succéder, l’a accusé d’avoir « pipé les dés ». Il est apparu avec d’autres en Une du « Mail on Sunday » sous le titre « House of fools » (la maison des idiots). « Le pouvoir qu’on donne au Speaker est absolument ridicule », dit Anand Menon, du think-tank pourtant centriste UK in a changing Europe.
Suprématie du Parlement
Il faut dire que dans le débat sur le Brexit, où les positions sont souvent irréconciliables, son pouvoir ne peut que l’exposer à ce genre de critique. Le Speaker abandonne pour toujours toute affiliation politique lorsqu’il est nommé – John Bercow était Tory -, mais il distribue la parole en séance et fait respecter l’ordre dans les débats. Surtout, c’est lui qui autorise – ou non – les questions d’urgence et décide si les amendements proposés par les élus sont retenus pour être votés. En cas d’égalité des voix, la sienne peut faire la différence même s’il est toujours tenu à une certaine impartialité et à préserver le statu quo pour éviter des ruptures trop fortes.
Par deux fois au moins, l’intervention du Speaker s’est révélée cruciale : lorsque, à la grande colère de Theresa May, il a ouvert la voie à une initiative de l’ancien Attorney general Dominic Grieve pour que le Parlement ait le dernier mot sur l’accord de divorce, et plus récemment, lorsqu’il a permis à la loi Benn-Burt empêchant un « no deal » d’être débattue et approuvée.
John Bercow s’est montré un ardent défenseur du Parlement dans la démocratie parlementaire qu’est le système britannique – le président de l’Assemblée nationale française a beaucoup moins de pouvoirs, notamment sur les amendements. Et comme le Parlement est bien plus « Remainer » de coeur que la population, les critiques ne pouvaient que fuser.
Appels à des réformes
« Il y a peu de limites formelles aux pouvoirs du Speaker », explique Joe Marshall, de l’Intitute of Government. Il fait néanmoins remarquer que le Speaker est tenu d’écouter les clercs du Parlement et ses assistants (deputy Speakers). Il ajoute que les députés peuvent déposer une motion pour débattre au sujet du Speaker s’ils ont des critiques à formuler. C’est arrivé trois fois depuis 1945. Lundi, le président d’une commission a menacé d’ouvrir une procédure parlementaire à l’encontre de John Bercow. Ce qui l’a laissé de marbre.
L’actuel Speaker a annoncé qu’il quitterait son poste le 31 octobre. Parmi les 9 candidats en campagne pour le remplacer, dont 5 Tory et 4 Labour, certains proposent de rétablir la perruque traditionnelle, d’interdire les applaudissements ou d’autoriser l’allaitement en séance. Surtout, certains veulent limiter ses pouvoirs. Harriet Harman, une députée Labour candidate à ce poste, estime que son rôle est l’un des derniers pouvoirs à ne pas avoir été réformés.
Le débat fait rage, notamment pour qu’il soit possible de le destituer. Aujourd’hui, il faut, pour le voir partir, attendre les prochaines élections et espérer qu’il ne soit pas réélu dans sa circonscription, ou qu’il ne soit pas reconduit à son poste. Certains appellent donc à un moyen de lui retirer la confiance de la Chambre.
En tout cas, pour la désignation de son successeur, ce sera aux élus de la Chambre eux-mêmes de trancher le 4 novembre, sauf changement de calendrier lié à un rebondissement du Brexit. C’est à eux seuls, par un système de vote à bulletins secrets et à plusieurs tours, qu’il revient de désigner qui, en séance… les remettra à leur place.