Droit à l’avortement menacé aux Etats-Unis : le Sénat échoue à adopter une loi le garantissant – Le Monde

La vice-présidente, Kamala Harris, fait un geste en direction de la salle du Sénat alors qu’elle s’adresse aux médias au sujet de l’échec du vote pour garantir le droit à l’avortement dans tout le pays, mercredi 11 mai 2022, au Capitole, à Washington.

L’initiative était vouée à l’échec mais voulait marquer le coup. A l’heure où le droit à l’avortement est fortement menacé par une décision à venir de la Cour suprême, le Sénat américain a échoué, mercredi 11 mai, à adopter une loi garantissant son accès dans tout le pays.

Ce vote était surtout symbolique, les démocrates ne disposant pas des soixante voix sur cent nécessaires pour avancer sur ce texte. Mais il s’inscrit dans un combat plus large des progressistes pour tenter de protéger le droit à l’avortement.

Vers 15 heures locales (21 heures à Paris), les cent sénateurs du Congrès américain ont voté pour garantir, ou non, le droit à l’avortement à travers les Etats-Unis. « Le vote d’aujourd’hui est un des plus importants des prochaines décennies », avait affirmé, peu avant le vote, le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer.

« Car pour la première fois en cinquante ans, une majorité conservatrice, une majorité extrême de la Cour suprême est sur le point de décréter que les femmes n’ont pas le contrôle sur leur propre corps », avait-il alerté, dans l’hémicycle, le ton grave. Les républicains, eux, s’opposaient en bloc à cette initiative, accusant les démocrates, par la voix de leur chef Mitch McConnell, de vouloir, avec ce texte, proposer des « avortements à la demande ».

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Un résultat de vote fustigé par Joe Biden

Au final, 49 sénateurs ont voté pour le texte et 51 contre, le démocrate Joe Manchin, déjà fossoyeur de plusieurs grands chantiers de Joe Biden, se ralliant à l’opposition républicaine.

Le président américain a fustigé l’issue du vote, dans un communiqué.

Les républicains du Congrès – dont aucun n’a voté pour ce projet de loi – ont choisi de s’opposer au droit des Américaines de prendre les décisions les plus personnelles concernant leur corps, leur famille et leur vie.

Le parti de Joe Biden avait tenu à organiser ce vote après l’extraordinaire fuite, le 2 mai, d’un projet de décision de la Cour suprême, selon laquelle le temple américain du droit s’apprêtait à annuler l’accès à l’avortement.

Si la Cour suprême venait à annuler la jurisprudence qui fonde le droit à l’avortement aux Etats-Unis depuis 1973, comme l’a suggéré cette semaine la révélation d’un projet d’arrêt, chaque Etat serait libre d’interdire ou d’autoriser l’avortement. Une vingtaine d’Etats conservateurs ont déjà promis de le rendre illégal.

Aux cris de « mon corps, mon choix », une trentaine d’élus de la Chambre des représentants, où cette loi avait été adoptée avec succès en septembre, sont venus assister au vote du Sénat pour contester son échec. Au sein de ce groupe, plusieurs élues ayant publiquement évoqué leur avortement.

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Depuis la révélation de ce projet d’arrêt, des groupes – plus ou moins denses – viennent tous les soirs crier leur colère devant la Cour suprême, imposant bâtiment de marbre blanc désormais protégé par un grillage.

Manifestation le 14 mai

La seule autre option dont les défenseurs du droit à avorter disposent actuellement pour le protéger était de modifier les règles du Sénat pour abaisser le nombre de voix nécessaires pour faire passer une telle loi.

Soucieuses de peser dans le débat, plusieurs grandes organisations progressistes ont appelé les Américains à défiler en masse le 14 mai dans tous les Etats-Unis. Quatre grandes marches sont organisées à Washington, New York, Chicago et Los Angeles, et des centaines de rassemblements dans le reste du pays.

Le président américain, Joe Biden, a lui aussi promis de s’impliquer personnellement dans la bataille et exhorté les Américains à « choisir des candidats favorables » au droit d’avorter lors des élections législatives de mi-mandat, le 8 novembre.

Il souhaite ainsi élargir la majorité des démocrates au Sénat, avec l’espoir d’être alors en mesure de passer cette loi fédérale protégeant l’accès à l’avortement. Mais ces élections sont toujours très périlleuses pour le pouvoir en place, et il est très possible que les démocrates perdent au contraire leurs minces majorités au Congrès lors du scrutin.

Retrouvez nos tribunes sur le droit à l’avortement aux Etats-Unis

Eric Fassin, professeur de sociologie à l’université Paris 8 : « Avortement, la fin d’un droit »

Amandine Clavaud, directrice de l’Observatoire égalité femmes-hommes à la Fondation Jean-Jaurès : « La guerre froide contre les femmes n’a jamais cessé »

Denis Lacorne, directeur de recherche émérite au CERI-Sciences Po : « Le triomphe du trumpisme et de ces principaux soutiens »

Esther Cyna, docteure en civilisation américaine : « Le projet de la Cour suprême sur l’avortement risque de remettre en cause d’autres avancées du mouvement pour les droits civiques »

Stéphane Auray, du Centre de recherche en économie et statistique, David Fuller, professeur associé, université du Wisconsin, et Guillaume Vandenbroucke, Federal Reserve Bank de Saint Louis (Missouri) : « Changer la réglementation visant à interdire l’avortement risque de faire repartir à la hausse le taux de natalité chez les adolescentes »

Le Monde avec AFP

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