Avion dérouté par la Biélorussie : Europe et Etats-Unis demandent une « enquête urgente » de l’OACI – Le Monde

Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, en opposition frontale avec l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, a assuré avoir agi « légalement » en détournant un avion de ligne. La direction de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui dépend de l’Organisation des Nations unies (ONU) et siège à Montréal, se réunit jeudi 27 mai, pour se pencher sur ce dossier.

Cette agence, qui a pour mission d’édicter les règles régissant le transport aérien civil, n’a toutefois aucun pouvoir de sanctions. En cas de violation avérée des règles internationales, son rôle consiste simplement à « aider les pays qui le voudraient à mener les discussions, à prononcer les condamnations, à appliquer les sanctions, etc., conformément à la Convention de Chicago », rappelle l’OACI sur son site.

La convention de Chicago indique que « chaque Etat contractant convient de ne pas employer l’aviation civile à des fins incompatibles avec les buts de la présente convention ». Or « le vol Ryanair a été dérouté pour des motifs qui n’ont rien à voir avec l’aviation civile », a estimé la DGAC, la direction générale de l’aviation civile française.

« Enquête urgente »

Les Européens membres du Conseil de sécurité de l’ONU et les Etats-Unis ont appelé mercredi à une « enquête urgente » de l’OACI sur cette interception dominicale par la Biélorussie d’un vol au-dessus de son territoire sous prétexte d’une alerte à la bombe, avec in fine l’arrestation d’un journaliste d’opposition. Ils ont également appelé à la « libération immédiate » de Roman Protassevitch et de sa compagne russe Sofia Sapega, tous deux interpellés alors qu’ils se trouvaient à bord de ce vol Athènes-Vilnius.

Face à l’avalanche de condamnations occidentales, Alexandre Loukachenko a assuré mercredi devant un parterre de dignitaires avoir « agi légalement en protégeant [s]es gens ». Pour les autorités biélorusses, la présence à bord de Roman Protassevitch et donc son arrestation relevaient du hasard. Mais Bruxelles, Washington et l’opposition biélorusse affirment que l’alerte à la bombe était un prétexte spécieux pour arrêter le journaliste.

Lire le portrait de Roman Protassevitch : « Mon nom est sur la même liste que les gars de Daech »

L’obligation faite à l’avion de se poser, « sur de faux motifs », a mis « en danger la sécurité aérienne », ont dénoncé Européens et Américains à l’ONU, critiquant vertement une « attaque » et un « mépris flagrant du droit international ». M. Loukachenko a, quant à lui, assuré que la décision de se poser à Minsk avait été prise par le commandant de bord du vol Ryanair et que, Minsk excepté, « personne n’a voulu accueillir l’avion ».

Ces propos tranchent avec la transcription de l’échange entre les contrôleurs et le pilote, publiée mardi par Minsk, qui montre que les autorités ont insisté pour que le vol se pose en Biélorussie et non dans des pays voisins.

Premières sanctions de l’Union européenne

Dès lundi soir, l’UE a adopté de premières sanctions, fermant son espace aérien aux avions biélorusses et recommandant à toutes les compagnies européennes d’éviter les cieux du pays, un appel très suivi.

Lire les témoignages : « Loukachenko a franchi une certaine ligne » : après le détournement d’un vol par la Biélorussie, les opposants en exil sous le choc

Air France a dû annuler un vol Paris-Moscou qui contournait la Biélorusse et dont le plan de vol « nécessite une nouvelle autorisation de la part des autorités russes », une première depuis l’incident. Selon Air France, deux vols sont prévus jeudi et vendredi entre les deux capitales.

Avec ces fermetures d’espace aérien, la dirigeante de l’opposition Svetlana Tsikhanovskaïa a estimé que « les Biélorusses n’ont désormais plus la possibilité de fuir le pays s’ils veulent échapper au régime ». « Nous étudions la possibilité de permettre des évacuations d’urgence de personnes poursuivies » par le gouvernement, a-t-elle dit à l’Agence France-Presse depuis la Lituanie, son pays d’exil, jugeant toutefois les sanctions européennes « raisonnables ».

Soutien sans faille de la Russie

Le journaliste arrêté, Roman Protassevitch, 26 ans, est accusé par les autorités biélorusses d’avoir organisé des « troubles massifs » dans le pays secoué en 2020 par des manifestations contre la réélection de M. Loukachenko. Vivant en exil, le jeune homme est l’ancien rédacteur en chef d’un média d’opposition, Nexta, qui avait joué un rôle-clé dans la coordination du mouvement de contestation, réprimé sans pitié par Minsk. L’opposant et sa compagne sont apparus dans des vidéos tournées en prison. Les autorités biélorusses ont pour habitude de diffuser des aveux obtenus sous la contrainte.

Minsk dispose dans cette affaire du soutien sans faille de son principal allié, la Russie, qui n’a pas rejoint les critiques occidentales. Après le discours de M. Loukachenko, le Kremlin a fait savoir qu’il n’avait aucune « raison de ne pas croire les déclarations des dirigeants biélorusses ».

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, s’est, pour sa part, insurgée contre les accusations de complicité de Moscou dans cette affaire, des « interprétations fantasques ». Elle a de nouveau appelé à une « enquête objective » sur l’incident. Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine doivent se rencontrer vendredi en Russie.

Lire l’édito du « Monde » : Biélorussie : l’impunité n’est plus une option

Le Monde avec AFP

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