Arcep : la QPC d’Orange agite tous les débats

Arcep : la QPC d'Orange agite tous les débats

Alors qu’Orange a récemment formulé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil d’État pour contester le pouvoir de sanction de l’Arcep suite à la mise en demeure prononcée contre lui par le gendarme des télécoms en décembre dernier, la requête de l’opérateur historique a animé les débats lors de l’université d’été du THD, qui réunissait la semaine dernières représentants des collectivités et professionnels du secteur.

Interrogé à ce sujet durant l’évènement, le président de l’Arcep, Sébastien Soriano, a tenu à réitérer la position de fermeté de l’Autorité, qui a récemment mis en garde les opérateurs à propos du déploiement de leurs réseaux fixe et mobile, tout en indiquant vouloir “mettre en oeuvre toutes les procédures prévues par la loi pour nous permettre de s’assurer du respect par les opérateurs de leurs engagements” dans le cadre du New Deal Mobile ou du plan France THD.

Au même moment, le président d’Orange, Stéphane Richard, avait voulu calmer le jeu en expliquant, dans un entretien accordé aux “Echos”, qu’il n’irait peut-être pas au bout de cette procédure. “La QPC est un moyen de procédure à la disposition de tout citoyen ou entreprise qui s’estime lésé par une décision administrative et qui peut d’ailleurs être retirée à tout moment”, a-t-il expliqué. Tout en justifiant la position de l’opérateur, qui s’estime victime d’une véritable campagne de “harcèlement” de la part du gendarme des télécoms. “Nous sommes mobilisés à fond, pour déployer la fibre et la 4G, comme jamais dans notre histoire. Et en face, le régulateur multiplie les procédures à notre égard. On peut presque parler de harcèlement juridique et médiatique”, a ainsi estimé le patron d’Orange, pour qui “le rôle d’un régulateur est de réguler. Ce n’est pas un chef de chantier, ni un ministre de l’Industrie”.

Si ce dernier n’a pas mâché ses mots, il a indiqué ne pas vouloir “remettre en question le pouvoir de sanction de l’Arcep”, estimant qu'”Orange ne fait qu’exercer ses droits, point final”. Pour lui, le problème tient avant tout à “l’absence de séparation au sein de l’Arcep entre les équipes chargées d’écrire la règle, de contrôler son respect et de sanctionner les éventuels écarts”. Une situation qui avait déjà valu à l’Arcep de se voir retirer ses pouvoirs de sanctions pendant près de 18 mois à la suite d’une QPC déposée en 2013 par Numéricable, ce dernier estimant, à l’instar d’Orange, que les procédures internes de l’autorité de régulation des télécoms ne séparaient pas suffisamment les fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement.

L’article L33-13, un talon d’Achille pour l’Arcep ?

Si l’Arcep comme l’opérateur historique semblent aujourd’hui prêts à ranger les armes, le mal est fait, comme l’a déclaré, lors de cette université d’été du THD, le sénateur de l’Ain Patrick Chaize, par ailleurs président de l’Avicca, l’association représentant les collectivités territoriales. “Ce dépôt de QPC, il aura de toute façon un effet. Même s’il est retiré aujourd’hui, cela donne quoi qu’il en soit à Orange le pouvoir de dire : ‘j’ai l’arme nucléaire, je ne vais pas appuyer sur le bouton mais si jamais demain vous me taquinez et que cela ne me plait pas je vais la ressortir’, car c’est bien ça qu’il s’agit”, a indiqué l’élu lors d’une conférence de presse tenue au terme de cet évènement.

Une position qu’il avait déjà rendu publique dans un communiqué de presse publié récemment. Sans pouvoir de sanction, plus aucune contrainte ne pèserait sur l’ensemble des opérateurs s’agissant de l’achèvement de la couverture FttH de la zone AMII, de la complétude des déploiements, de la bonne mise en œuvre du New Deal mobile, du respect du service universel. Plus de contrainte non plus pour les ‘engagements’ pris sur les AMEL pour la couverture FttH privée de certains départements”, avait alors alerté le président de l’association.

Quelle que soit la tournure des évènements, la QPC d’Orange pose certaines questions, surtout d’ordre juridique. Celles-ci concernent notamment l’article 33-13 du code des des postes et des communications électroniques, qui dote l’Arcep de ce fameux pouvoir de sanction, qui peut aller jusqu’à des amendes correspondant à pas moins de 3 % du chiffre d’affaires d’un opérateur en cas de manquement constaté ! Une sacrée somme pour un article que Patrick Chaize estime de son propre aveu “juridiquement un peu fragile”. “J’ai déposé une proposition de loi dans lequel j’ai proposé de réécrire un article L33-14 qui s’appliquerait spécifiquement au fixe parce que la loi L33-13 a été faite pour le mobile et qu’on savait qu’il y’a eu des précédents”, a-t-il expliqué, alors qu’une proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux très haut débit avait déjà fait l’objet d’un examen en février 2018.

Pour rappel, l’article L33-13 du code des des postes et des communications électroniques charge l’Arcep de “contrôler le respect et de sanctionner les manquements constatés” aux engagements souscrits par les opérateurs auprès des autorités, que ce soit dans le cadre de plan de déploiement fixe ou mobile. En cas de manquements constatés, l’Autorité peut prendre différentes sanctions, pouvant aller jusqu’à de lourdes amendes pour les opérateurs récalcitrants. Un pouvoir aujourd’hui remis, si ce n’est en cause, au moins en question, par certains opérateurs, à commencer par Orange.

Si la procédure entamée par Orange n’en est qu’à ses balbutiements, le Conseil d’État devant désormais se pencher sur la requête d’Orange avant de décider de la transmettre ou non au Conseil constitutionnel, elle pourrait avoir un impact non négligeable sur le secteur, en retirant tout pouvoir de sanction à l’Autorité censée réguler l’ensemble de l’écosystème des télécommunications. Reste désormais à voir quelle sera l’opinion du Conseil d’Etat dans ce dossier d’une importance cruciale pour l’avenir du secteur. Pour rappel, Orange a déjà fait l’objet de trois mises en demeure au cours des derniers mois. L’opérateur historique avait ainsi été rappelé à l’ordre concernant ses obligations sur le service universel mais également sur ses obligations d’ouverture de son réseau cuivre sur le marché des entreprises ainsi qu’en ce qui concerne ses engagements de déploiement fibre dans les zones moyennement denses.

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