Affaire Troadec : L’enfant des accusés, absent du procès mais omniprésent dans les débats – 20 Minutes

On ne l’a ni vu, ni entendu, mais il est question de lui au moins une fois chaque jour. Aujourd’hui âgé de 12 ans, le fils des accusés est l’un des personnages centraux du procès Troadec-Caouissin, lequel entame ce lundi sa troisième et dernière semaine aux assises de Loire-Atlantique. Il a changé d’identité depuis le drame, survenu en février 2017, mais les médias ont pris l’habitude de le nommer « Jean ». A la barre, les responsables de l’aide sociale à l’enfance du Finistère le désignent, eux, comme « l’enfant ».

« L’enfant était dans la véranda (de sa grand-mère) en train de dessiner », raconte ainsi Tiffany Blondel, cheffe d’équipe au conseil départemental du Finistère, qui était allée le chercher le 8 mars 2017 peu après l’incarcération de ses parents. Sur le dessin, Tiffany Blondel se souvient de « quelque chose d’assez morbide », des « tuyaux avec du sang qui coule ». « Il est venu avec nous sans difficulté », poursuit-elle, en décrivant la logorrhée de « l’enfant » dans la voiture, qui parlait chevaliers et Moyen-âge « dans un discours très élaboré ». « C’est un enfant qui exprime peu d’émotions. Il n’a pas pleuré, il était dans son monde », ajoute-t-elle.

Laissé seul plusieurs nuits

Dans le box, son père Hubert Caouissin, 50 ans, écoute sans réaction apparente. Il est jugé pour avoir tué à coups de pied de biche Brigitte et Pascal Troadec, l’oncle et la tante maternels de « Jean », ainsi que ses cousins Sébastien (21 ans) et Charlotte (18 ans). Sa mère Lydie Troadec, 52 ans, comparaît libre pour modification de scène de crimes et recel de cadavre.

Après les meurtres, dans la nuit du 16 au 17 février 2017 à Orvault, près de Nantes, ses parents laissent Jean, 8 ans, plusieurs nuits seul dans leur ferme isolée de Pont-de-Buis (Finistère), pendant qu’ils vont nettoyer la scène de crime et récupérer les corps. Dans les jours suivants, le garçon est chargé de surveiller BFMTV en quête d’informations sur l’enquête policière. A une éducatrice, il dira avoir vu « une barre de fer avec un bout pointu et une tache de sang ». « Papa l’a jetée dans l’eau », raconte-t-il.

Marqué par la question de son père

« Son arrivée était étonnante : il se livrait à beaucoup d’adultes sans les connaître », a narré Joëlle Siffier, cheffe de service en protection de l’enfance. Jean évoque sans filtre ni émotion le déroulé des faits dont son père lui a fait le récit. « Nous avons dû l’accompagner pour qu’il ne se présente plus comme l’enfant de l’affaire Troadec », ajoute-t-elle. « Très poli, très respectueux, dans sa bulle », l’enfant « laisse peu de place à ses affects », selon Joëlle Siffier. Selon ses éducateurs, il a néanmoins été marqué par la question de son père, qui lui avait demandé, avant son arrestation, s’il préférait un « papa mort » ou un « papa en prison à vie ».

Ce père qu’il reverra en prison à l’été 2019, deux ans après les crimes. « Les retrouvailles ont été sobres, sans effusion particulière (…) Il s’est assis sur ses genoux, ils ont été front contre front sans rien dire pendant un moment », a raconté Magali Vendé, cadre en charge des mineurs confiés.

Selon elle, Jean « aurait pu relever de l’assistance éducative plus tôt ». Avant 2017, l’enfant vivait isolé avec ses parents, déscolarisé pendant plusieurs mois, souffrant d’une exigence éducative « trop forte » de son père, qui le forçait par exemple à boire 8 verres d’eau par jour.

« Il évolue positivement »

Sa mère Lydie Troadec a reconnu à la barre une forme de maltraitance psychologique « involontaire ». Aujourd’hui, Jean a « énormément de plaisir » à revoir sa mère lors de visites « chaleureuses », selon Magali Vendé.

« Au foyer, il a plein de copains, il s’y sent bien », a décrit Pascale Chanoine, psychiatre hospitalier. « Il sait qu’il est un individu à part entière, qu’il a le droit d’évoluer, de grandir. Aujourd’hui, ça fonctionne pour lui, j’espère que ça pourra continuer », abonde Magali Vendé. Très bon élève, pratiquant le basket, féru de français, de latin et d’histoire, il envisage de devenir médecin, chercheur ou écrivain. « Il évolue positivement », a dit son administratrice ad hoc à la barre. « Il aime ses parents » et apprécie « la relation à distance », a-t-elle ajouté.

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