Affaire Fillon : il y a un an, Éliane Houlette niait avoir subi des pressions – Le Figaro

L’interview a été publiée quelques jours avant son départ à la retraite. En juin 2019, la magistrate répondait aux questions de l’hebdomadaire Marianne . À l’heure de faire son bilan à la tête du Parquet national financier, elle affirmait : «Je peux vous certifier qu’en cinq ans et demi, je n’ai jamais subi aucune pression. Ni reçu, aucune consigne. Ni de Christiane Taubira, ni de Jean-Jacques Urvoas, ni de Nicole Belloubet. Pas plus que de la Chancellerie, ou du parquet général. J’ai travaillé ici en toute liberté.» À la même époque, elle assurait plus ou moins la même chose à l’AFP: «Je me suis attachée à qualifier les faits, c’est tout. Sans aucune considération politique. Je n’ai été soumise à aucune pression.»

A posteriori, ces déclarations semblent contredire les propos rapportés jeudi par Le Point . Entendue le 10 juin par la commission d’enquête parlementaire sur l’indépendance de la justice, elle s’est émue du «contrôle très étroit» qu’aurait exercé le parquet général, son autorité de tutelle, dans la conduite des investigations dans le dossier Fillon. «Le plus difficile (…) a été de gérer en même temps la pression des journalistes – mais ça, on peut s’en dégager – (…) et surtout la pression du parquet général», a poursuivi l’ancienne chef du PNF. Et d’évoquer «des demandes de transmission rapide» sur les actes d’investigation ou les auditions et a révélé avoir été convoquée par le parquet général qui plaidait pour que l’enquête soit confiée à un juge d’instruction. «On ne peut que se poser des questions, c’est un contrôle très étroit et c’est une pression très lourde», a-t-elle dit.

Éliane Houlette assure avoir décidé en toute indépendance d’ouvrir une enquête visant les époux Fillon, conformément d’ailleurs à ce qu’elle avait confié à Marianne l’an dernier.

La pression du parquet général concernait uniquement un choix procédural (enquête préliminaire ou information judiciaire) et le moment de ce choix

Éliane Houlette, ancienne procureure du Parquet national financier

La magistrate à la retraite est depuis revenue sur ses propos dans un court SMS envoyé au Monde . Elle déclare, cette fois, avoir «indiqué clairement [aux députés] n’avoir subi aucune pression politique. La pression du parquet général concernait uniquement un choix procédural (enquête préliminaire ou information judiciaire) et le moment de ce choix. Toute autre interprétation est une dénaturation de mes propos.» Son avocat Me Jean-Pierre Versini-Campinchi a également transmis à l’AFP une déclaration où elle regrette que ses propos aient été «déformés» Éliane Houlette «tient à ce qu’il soit bien compris que François Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif». Cette enquête, lancée en pleine campagne présidentielle, avait empoisonné la candidature de François Fillon à l’Élysée et conduit au printemps 2020 à son procès en correctionnelle aux côtés notamment de son épouse Penelope. Le jugement est attendu le 29 juin.

Directement mise en cause, la procureur générale de Paris Catherine Champrenault a dit, dans un message transmis à l’AFP, «regretter que ce qui est le fonctionnement régulier du ministère public soit assimilé à des pressions». Déjà en poste au moment de l’affaire Fillon, elle «rappelle que son action s’est toujours inscrite dans l’exercice de ses prérogatives légales de veiller à l’application de la loi et au bon fonctionnement des parquets placés sous son autorité». Selon les règles en vigueur, le parquet général peut demander des remontées d’information aux parquets et les transmettre à la direction des affaires criminelles et des grâces au sein de la Chancellerie, qui peut les faire suivre au cabinet du garde des Sceaux. En revanche, la loi Taubira de 2013 interdit au garde des Sceaux de donner des instructions dans les dossiers individuels.

Éliane Houlette est elle-même l’objet d’une enquête préliminaire pour «violation du secret de l’enquête». Cette procédure a été lancée le 5 septembre par le procureur de Paris, Rémy Heitz, sur saisine du parquet général de Paris. Elle est soupçonnée d’avoir transmis des informations couvertes par le secret de l’enquête à un avocat marseillais. Ce dernier se serait targué de ses bonnes relations avec la magistrate auprès d’un client placé sur écoute dans une autre affaire d’emplois fictifs à Marseille. Selon Marianne , Éliane Houlette a adressé fin novembre un courrier à la Garde des Sceaux pour dénoncer un règlement de compte judiciaire. «Dans cette lettre, Éliane Houlette considère que la décision de la procureur général est une décision “qui dénote une absence de discernement et nuit gravement à l’institution dont” elle a “assuré la charge sans relâche au cours de ces dernières années”», écrit l’hebdomadaire.

En 2013, le choix d’Éliane Houlette pour prendre la tête du parquet financier, nouvellement créé, avait surpris, la magistrate étant peu expérimentée dans les grandes affaires financières. Elle était alors commissaire du gouvernement près du Conseil des ventes volontaires, une autorité de régulation des ventes aux enchères. Son premier fait d’armes sera la condamnation de Jérôme Cahuzac à quatre ans de prison, dont deux avec sursis. Sous sa houlette, le PNF a obtenu les condamnations de l’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, ou du vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang. Mais aussi de grandes banques comme la filiale suisse de la Britannique HSBC, qui a accepté en 2017 de payer 300 millions d’euros pour éviter un procès pour blanchiment. Mais son dossier le plus marquant fut sans conteste l’affaire Fillon. Sur laquelle il flottera désormais l’ombre d’un doute.

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