VIDEO. «Impeachment» de Donald Trump: Tout savoir sur le procès du président américain et le coup de poker des démocrates – 20 Minutes

Donald Trump dans le bureau ovale de la Maison Blanche (illustration). — Evan Vucci/AP/SIPA
  • La Chambre des représentants, à majorité démocrate, a voté l’impeachment de Donald Trump ce mercredi pour « abus de pouvoir » et « entrave au Congrès ».
  • Le président américain doit désormais être jugé au Sénat et devrait échapper à une destitution grâce à la majorité républicaine.
  • Le procès devait en théorie débuter en janvier mais les démocrates jouent pour l’instant la montre et pourraient retarder la procédure.

Andrew Johnson, Bill Clinton, et donc Donald Trump. Pour la troisième fois dans l’histoire américaine, la Chambre des représentants a voté, mercredi, l’impeachment d’un président. Mis en accusation pour « abus de pouvoir » et « entrave au Congrès » dans le feuilleton ukrainien, Donald Trump doit désormais être jugé par le Sénat, où il devrait échapper à une destitution, protégé par la majorité républicaine. Reste à savoir quand son procès aura lieu, alors que la cheffe des démocrates Nancy Pelosi joue pour l’instant la montre. Explications.

Quand le procès aura-t-il lieu ?

D’après les règles du Congrès, dès que possible… Une fois que la Chambre aura transmis les articles d’impeachment au Sénat. Mais Nancy Pelosi a surpris presque tout le monde, mercredi soir, en expliquant qu’elle n’allait pas le faire tout de suite. Elle joue une partie d’échecs en quatre dimensions avec le leader des républicains au Sénat, Mitch McConnell. Ce dernier est en effet chargé de négocier les règles du procès avec les démocrates (durée, nombre de témoins, etc.) mais il a déjà indiqué qu’il se coordonnait avec la Maison Blanche et n’avait aucune intention d’être impartial car, selon lui, la procédure d’impeachment a été « baclée » à la Chambre.

La Speaker de la Chambre et cheffe des démocrates aux Congrès, Nancy Pelosi
La Speaker de la Chambre et cheffe des démocrates aux Congrès, Nancy Pelosi – J. Scott Applewhite/AP/SIPA

En retardant le procès, les démocrates espèrent lui mettre la pression et pouvoir négocier des règles plus avantageuses. Leur logique, c’est que Donald Trump est pressé de pouvoir crier victoire avec un acquittement. Mitch McConnell, lui, a assuré qu’il avait « tout (son) temps », persuadé que cette stratégie pourrait se retourner contre les démocrates. Si un accord est trouvé rapidement, le procès pourrait démarrer la semaine du 6 janvier. Mais il n’est pas exclu que le bras de fer dure des mois, voire, dans le cas le plus extrême, que Donald Trump ne soit jamais jugé. Selon toute vraisemblance, le parti qui perdra la bataille de l’opinion publique capitulera le premier.

Le chef du parti républicain au Sénat, Mitch McConnell, le 17 décembre 2019.
Le chef du parti républicain au Sénat, Mitch McConnell, le 17 décembre 2019. – J. Scott Applewhite/AP/SIPA

Combien de temps le procès va-t-il durer ?

Sans doute plusieurs semaines, mais cela va doit faire l’objet de négociations entre les deux partis. En théorie, les républicains, qui disposent de la majorité, pourraient tuer dans l’œuf le procès dès son ouverture, mais ce serait politiquement risqué. Donald Trump est favorable à un long procès dans lequel le lanceur d’alerte et le fils de Joe Biden seraient amenés à témoigner, mais Mitch McConnell, préfère une procédure express expédiée en deux semaines. Le procès de Bill Clinton, en 1999, avait duré un peu plus d’un mois.

De quoi Donald Trump est-il accusé ?

Le président américain est accusé par les démocrates d’avoir fait pression sur l’Ukraine pour enquêter sur Joe Biden et son fils. Hunter Biden a siégé au conseil d’administration de la compagnie gazière ukrainienne Burisma quand son père était vice-président. Si aucune malversation n’a été établie, Donald Trump accuse le favori de la primaire démocrate et son fils de corruption.

Après avoir bloqué 400 millions de dollars d’aide à l’Ukraine, Trump a appelé le président Zelensky en juillet, lui demandant une « faveur ». A la suite de la plainte officielle d’un lanceur d’alerte, la Maison Blanche a débloqué l’aide, assurant qu’il n’y avait eu « ni pression, ni contrepartie ».

Qui préside les débats ?

Le chef de la Cour suprême, John Roberts. Selon Melissa Murray, professeure de droit à l’université NYU, « il devrait avoir un rôle ministériel et se contenter de faire respecter les règles, laissant les sénateurs trancher les questions de fond », notamment sur les preuves et les témoins admissibles. Bruce Ackerman, professeur de droit et de sciences politiques à Yale, qui avait témoigné en faveur de Bill Clinton devant la Chambre en 1998, estime, lui, que « John Roberts est un juriste sérieux qui fera tout pour être impartial ».

Le chef de la Cour suprême, John Roberts (au centre).
Le chef de la Cour suprême, John Roberts (au centre). – Sipa

Qui joue le rôle du procureur ?

Un groupe d’une dizaine d’élus démocrates appelés les « managers de la Chambre », choisis par leur cheffe Nancy Pelosi. On devrait retrouver des juristes de formation, notamment Adam Schiff, qui a mené la charge contre Trump, et Jerry Nadler, qui préside le comité judiciaire de la Chambre.

L'élu démocrate Adam Schiff préside l'enquête d'impeachment contre Donald Trump.
L’élu démocrate Adam Schiff préside l’enquête d’impeachment contre Donald Trump. – Susan Walsh/AP/SIPA

Par qui Donald Trump sera-t-il défendu ?

Donald Trump est libre d’embaucher qui il veut. Sauf surprise, sa défense devrait être assurée par une équipe menée par le conseiller juridique de la Maison Blanche Pat Cipollone. Il n’est cependant pas exclu que le président américain fasse appel à d’autres avocats plus habitués des plateaux télé comme Alan Dershowitz – les liens de ce dernier avec Jeffrey Epstein pourraient toutefois en faire un choix risqué.

Quels témoins seront appelés ?

C’est sans doute le point le plus important. Les démocrates veulent entendre quatre responsables de la Maison Blanche qui ont défié leur convocation à la Chambre, notamment l’ancien conseiller à la Sécurité nationale John Bolton et le chef de cabinet de Donald Trump, Mick Mulvaney, ce que Mitch McConnell refuse pour l’instant.

Sur le papier, le président de la Cour suprême a le pouvoir de trancher, mais un vote à la majorité simple des sénateurs peut renverser ses décisions. Les républicains n’ayant qu’une courte majorité de trois voix, tous les yeux seront braqués sur des sénateurs critiques du président américain (Mitt Romney, Lisa Murkowski et Susan Collins, notamment), qui pourraient voter avec les démocrates pour entendre des témoins. En cas d’égalité 50-50, ce n’est pas le vice-président Mike Pence qui jouerait les arbitres, mais John Roberts, le chef de la Cour suprême.

Donald Trump peut-il témoigner ?

Il en a le droit mais c’est peu probable. Sur Fox News, le juge Napolitano a misé sur ce scénario mais en réalité, aucun avocat ne conseillerait à un président de témoigner sous serment et de s’exposer à un risque de parjure.

Le procès sera-t-il public ?

Sans doute, comme celui de Bill Clinton, qui avait été télévisé. Mais lors du procès du président démocrate, les auditions des témoins avaient été enregistrées « behind closed door », et une vidéo avait été diffusée au Sénat. Là encore, des négociations sont en cours entre les démocrates, qui veulent des témoignages publics en direct, et les républicains, qui y sont opposés. Une « cross-examination (contre-interrogatoire) dramatique des témoins générerait bien plus d’attention publique que les auditions à la Chambre », prédit Bruce Ackerman, professeur de droit et de sciences politiques à Yale.

Quel sera le verdict ?

Pour condamner et destituer un président américain, il faut une majorité des deux tiers du Sénat, soit 67 voix sur 100. En près de 250 ans, ce n’est jamais arrivé (Nixon avait démissionné avant son impeachment). Avec seulement 47 sénateurs, les démocrates auraient besoin du renfort de 20 républicains – un scénario absolument improbable alors que le parti conservateur fait bloc autour de Donald Trump. Qui devrait donc pouvoir crier victoire avec un verdict « not guilty » (non coupable). S’il était destitué, ce serait le vice-président Mike Pence qui lui succéderait.

L’« impeachment » pourrait-il se retourner contre les démocrates ?

C’est possible – et c’est pour cette raison que Nancy Pelosi y a longtemps été opposée. L’opinion américaine reste déchirée par la question, avec 47,4 % en faveur d’une destitution de Donald Trump et 46,6 % contre, selon la moyenne des sondages établie par le site FiveThirtyEight. Lors de l’ouverture de l’enquête, la popularité de l’impeachment avait bondi de plus de 10 points mais elle s’est effritée depuis, un signe d’une possible lassitude face à des auditions répétitives. Mais Chris Edelson, professeur de sciences politiques à l’université de Washington, estime que « le scandale ukrainien est une affaire majeure qui restera un enjeu central de la campagne jusqu’en novembre 2020. » Surtout en cas de duel Trump-Biden.

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