Trafic d’antiquités: l’ancien patron du Louvre Jean-Luc Martinez mis en examen – Libération

Egyptologie

Placé en garde à vue lundi en compagnie de deux autres égyptologues, Jean-Luc Martinez a été mis en examen mercredi soir. La justice le soupçonne de blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée.

Qui aurait pu imaginer que l’ambassadeur de la coopération internationale et membre de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit soit soupçonné de trafic d’antiquités ? D’après le Monde, l’archéologue Jean-Luc Martinez, ancien président du Louvre, a été mis en examen mercredi dans la soirée pour «blanchiment et complicité d’escroquerie en bande organisée». Selon un article du Canard enchaîné publié mercredi, l’homme de 58 ans était depuis lundi en garde à vue en compagnie de deux collègues, tous les trois entendus par les policiers de l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC).

Si Vincent Rondot, actuel directeur du département des antiquités égyptiennes du Louvre, et Olivier Perdu, égyptologue rattaché à la chaire d’égyptologie du Collège de France, sont ressortis libres mardi soir, Jean-Luc Martinez n’est, lui, ressorti que mercredi dans la soirée après avoir été mis en examen pour des faits de blanchiment en bande organisée et complicité d’escroquerie en bande organisée. Il est soupçonné d’être lié à un trafic d’antiquités qui dure depuis des années. Une combine qui concerne des biens provenant du Proche et du Moyen-Orient, vendus notamment au Metropolitan Museum of Art de New York et au Louvre Abou Dhabi. Libéré, Jean-Luc Martinez est néanmoins placé sous contrôle judiciaire. Selon le Canard enchaîné, les enquêteurs le soupçonnent d’avoir «fermé les yeux» sur de faux certificats.

Faux certificats

Au cœur de l’enquête menée par le juge d’instruction Jean-Michel Gentil, une stèle de granit rose, monumentale, intacte, frappée du sceau royal de Toutânkhamon, le onzième pharaon de la XVIIIe dynastie de l’Egypte antique. Une stèle achetée par les Emiratis et le Louvre Abou Dhabi (Emirats arabes unis) en 2016, en même temps que quatre autres œuvres. En 2016, Le Louvre Abou Dhabi a acquis plusieurs antiquités égyptiennes, pour plusieurs dizaines de millions d’euros, selon le Canard enchaîné, dont la fameuse stèle. Or, en 2018, une enquête préliminaire avait été ouverte, confiée depuis à des juges d’instruction, visant à déterminer si ces antiquités, ainsi que plusieurs dizaines d’autres, avaient été pillées, sorties frauduleusement puis «blanchies» grâce à de faux certificats.

Pour les juges, la provenance de la stèle a été bricolée, trafiquée par un expert en antiquité du nom de Christophe Kunicki et par le marchand Roben Dib. Qui sont ces deux hommes ? Retour en 2017. Depuis cette date, Christophe Kunicki, qui œuvrait alors pour la maison de vente Bergé & Associés, est suivi par la police. Il avait attiré l’attention avec la vente du sarcophage doré du prêtre Nedjemankh, pour 3,5 millions d’euros, au Metropolitan Museum de New York. La pièce maîtresse d’une exposition portant son nom fut finalement rendue à l’Egypte en 2019. Pièces à l’appui, l’expert français laissait pourtant croire que le sarcophage avait quitté le pays en toute légalité en 1971.

«Association de malfaiteurs»

Or l’enquête internationale menée par des équipes américaines, françaises, allemandes et égyptiennes a permis d’établir que l’œuvre avait en réalité été volée en 2011 lors du soulèvement contre le président égyptien Hosni Moubarak. Les fausses licences d’exportation auraient été fournies à Kunicki par Roben Dib, marchand et directeur de la galerie Dionysos à Hambourg. Ce dernier, quadragénaire disposant de la double nationalité allemande et libanaise, a été extradé vers la France où il a été mis en examen et écroué le 14 mars. Selon le Monde, l’homme alimentait les ventes aux enchères de Christophe Kunicki «depuis une dizaine d’années». Depuis juin 2020, l’expert en archéologie méditerranéenne et son mari, Richard Semper, sont tous deux mis en examen pour «escroqueries en bande organisée», «association de malfaiteurs», «blanchiment en bande organisée» et «faux et usage de faux».

C’est justement Kunicki qui a proposé la fameuse stèle de Toutânkhamon en 2016 à la commission d’acquisition du Louvre Abou Dhabi, en plus de quatre autres œuvres achetés via d’autres commissions. 15,2 millions d’euros déboursés plus tard, la stèle et les quatre pièces sont acquises. En mars, un marchand allemand, un collectionneur et un galeriste français, et la maison de vente Pierre Bergé ont également été mis en examen. Ils sont soupçonnés d’avoir blanchi des objets archéologiques pillés dans des pays déstabilisés par les mouvements contestataires du début des années 2010, après la poussée des printemps arabes. L’annonce de cette enquête avait troublé le milieu du marché de l’art et des antiquaires de Paris, l’une des places fortes mondiales du secteur. Reste à savoir pour les enquêteurs quel rôle a bien pu jouer Jean-Luc Martinez dans cette affaire.

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