TOUT COMPRENDRE – Taxation internationale: en quoi l’accord au G20 constitue un big bang fiscal? – BFM Business

Les chefs d’État et de gouvernement du G20 ont donné samedi à Rome l’ultime feu vert à une réforme fiscale historique, qui vise à taxer de manière plus équitable les multinationales et à instaurer un taux d’impôt minimal mondial de 15% à partir de 2023. Explications.

Après moult marchandages et concessions, les chefs d’État et de gouvernement du G20 ont donné samedi à Rome l’ultime feu vert à une réforme fiscale historique qui vise à taxer de manière plus équitable les multinationales et à instaurer un taux d’impôt minimal mondial de 15% à partir de 2023.

“Depuis quatre ans, je me bats pour mettre en oeuvre une taxation internationale d’au moins 15% pour les entreprises multinationales. Ce soir, nous y sommes!”, a tweeté le président français Emmanuel Macron samedi soir.

“Aujourd’hui, tous les chefs d’Etat du G20 ont approuvé un accord historique sur de nouvelles règles fiscales internationales, incluant une taxe minimum mondiale”, s’est félicitée de son côté Janet Yellen, la secrétaire américaine au Trésor.

“C’est un grand succès, un signal clair d’équité”, a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel. Mais que va changer cet accord fiscal international?

• Quels sont les pays signataires?

L’accord regroupe 136 pays et territoires autonomes, représentant 90% du PIB mondial. C’est le ralliement tardif de l’Irlande, de la Hongrie et de l’Estonie, qui rechignaient jusque-là à apposer leur paraphe sur le texte, qui a déverrouillé les négociations. On retrouve également des territoires souvent considérés comme des paradis fiscaux, tels que Jersey, les Bermudes ou les îles Caïmans.

Sur les 140 pays et territoires associés aux négociations, ils ne sont que quatre à manquer à l’appel: le Kenya, le Nigeria, le Sri Lanka et le Pakistan. Par ailleurs, une soixantaine de pays n’étaient pas associés aux négociations.

L’OCDE a mis en ligne une carte qui recense les pays concernés.

• Comment seront taxées les multinationales?

Le premier volet du projet, qui consiste à taxer les entreprises là où elles font leurs profits, indépendamment de leur siège social.

Cette mesure frappe surtout les géants d’internet américains, les fameux Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), enclins à pratiquer l’optimisation fiscale en établissant leur siège là où la taxation est la plus faible (comme en Irlande), ce qui leur permet de payer des impôts dérisoires au regard de leurs revenus.

• Qu’est-ce que l’impôt minimum?

Concrètement, tous les pays concernés se sont engagés à fixer un taux de taxation minimum de 15% pour les multinationales réalisant au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Par ailleurs, un État pourra taxer les profits étrangers d’une de ses entreprises nationales qui aurait été imposée à l’étranger à un taux inférieur à 15%, afin de compenser l’écart. L’objectif est d’aligner les fiscalités nationales pour limiter l’optimisation fiscale opérée par les multinationales.

L’introduction d’un impôt minimum à 15% est un changement radical pour les GAFA qui avaient toutes choisi l’Irlande (et son taux d’imposition de 12,5%, l’un des plus bas du monde) pour installer leurs sièges sociaux européens.

Avec ce taux minimal et global, il s’agit de mettre fin à une concurrence fiscale qui a conduit à une chute drastique des recettes fiscales issues des entreprises depuis le milieu des années 80. Une situation politiquement intenable à l’heure où les caisses des États ont été vidées par la pandémie de Covid-19 tandis qu’à l’inverse les géants du numérique affichent des bénéfices faramineux.

• Combien cet impôt pourrait-il rapporter?

Ces 136 pays et territoires pourraient dégager environ 150 milliards d’euros de recettes supplémentaires par an à partir de 2023 dont 4 milliards pour la France.

• 15% c’est beaucoup?

Le périmètre ainsi que le montant de la taxe minimale sont jugés insuffisants par certains pays émergents, d’autant que le taux moyen d’impôt sur les sociétés dans le monde est à présent de 22%, contre 50% en 1985.

L’Argentine avait ainsi plaidé pour un taux de 21%, voire 25%, pour combattre “l’évasion fiscale des multinationales”.

Pour Gabriela Bucher, de l’ONG Oxfam, un taux minimal de 15% est “bien trop bas” si l’on veut lutter contre le “recours aux paradis fiscaux”. L’association Attac estime pour sa part que “le bénéfice à attendre de cette mesure est marginal à court terme” et qu’un taux à 25% “aurait constitué une avancée majeure”.

Mais il a fallu composer avec les pays réfractaires. L’Irlande a ainsi renoncé à son impôt sur les sociétés très faible de 12,5% contre l’assurance que le futur taux minimal restera scotché à 15%. Auparavant, il était question d’un taux d'”au moins 15%”.

• Vers une redistribution des bénéfices

L’accord prévoit également la redistribution de 20 à 30% du “surplus” de profits des cent multinationales les plus grandes et les plus rentables (plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires), au profit des pays dits “de marché”, dans lesquels elles font des affaires sans y avoir d’implantation. Parmi elles, tous les GAFA.

• C’est pour quand?

Cette petite révolution risque cependant de prendre du temps, dans la mesure où chaque pays doit désormais traduire cet accord mondial dans sa propre législation, une partie qui n’est pas gagnée d’avance.

Aux États-Unis, l’administration de Joe Biden devra également convaincre un Congrès très réticent à cette réforme qui touche principalement des multinationales américaines.

Reste que l’objectif est une mise en application de la réforme d’ici 2023.

Olivier Chicheportiche avec AFP

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