Soupçons de pression dans l’affaire Fillon ? L’ex-procureure se défend – Le Parisien

Ses déclarations ont déclenché une mini-tempête judiciaire et politique. Entendue le 10 juin par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « l’indépendance du pouvoir judiciaire », Eliane Houlette, l’ancienne procureure du parquet national financier (PNF), s’est épanchée sur les débuts de l’affaire Fillon en 2017.

Face à la représentation nationale, l’ex-magistrate a indiqué avoir subi la « pression du parquet général » dans ce dossier, notamment pour l’ouverture d’une information judiciaire. Dans cette audition passée inaperçue jusqu’à un article du « Point », Eliane Houlette déplore également les demandes très pressantes de remontées d’information exigées par sa supérieure hiérarchique, Catherine Champrenault, toujours procureure générale de la cour d’appel de Paris. Elle évoque la rédaction de rapports fréquents et très circonstanciés dont elle s’interroge sur l’utilisation.

Depuis, l’opposition dénonce une instrumentalisation de la justice. Et la défense de François Fillon s’en empare. « Cela confirme ce que nous disons depuis 2017, à savoir qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette affaire. L’enquête n’a pas été conduite dans des conditions normales. François Fillon a subi un traitement de défaveur », réagit Me Antonin Lévy, l’avocat de l’ancien Premier ministre. Le tribunal devrait rendre son jugement le 29 juin, après le procès qui s’est tenu en mars dernier à Paris.

L’ex-procureure gênée par la tournure des événements

Contactée ce vendredi, Eliane Houlette semble gênée par la tournure prise par cette histoire. « J’ai dit très clairement que le problème était celui de la remontée d’information mais je n’ai rien évoqué de politique. Ceux qui exploitent mes propos en ce sens les dénaturent. C’est de la mauvaise foi », argumente-t-elle. La magistrate n’a, de fait, pas toujours été aussi critique sur son passage à la tête du PNF (2014-2019).

« Je peux vous certifier qu’en cinq ans et demi, je n’ai jamais subi aucune pression. Ni reçu aucune consigne. Ni de Christiane Taubira, ni de Jean-Jacques Urvoas, ni de Nicole Belloubet. Pas plus de la Chancellerie, ou du parquet général », déclarait-elle dans une interview à « Marianne » en juin 2019.

Le débat dans cette affaire se cristallise sur l’opportunité de l’ouverture d’une information judiciaire. Même si les justiciables ont tendance à réclamer la désignation de juges d’instruction, statutairement indépendants, cette décision avait ouvert la voie à la mise en examen du candidat de la droite à la présidentielle, prononcée dès le 14 mars.

Devant l’assemblée nationale, Eliane Houlette s’est agacée d’avoir été pressée de le faire par sa supérieure hiérarchique lors d’une réunion le 15 février. « Il s’agissait de trancher une question juridique. Le parquet général était dans son rôle de supervision », justifie une source judiciaire. Eliane Houlette avait cependant rapidement été convaincue de passer la main à des juges d’instruction, en raison de la réforme de la prescription. Ce qu’elle a fait dès le 24 février 2017. « C’est moi qui ai pris cette décision et je ne la regrette pas », dit-elle aujourd’hui.

«Règlement de compte» avec son ancienne supérieure ?

De son côté, dans un communiqué adressé à l’AFP, Catherine Champrenault dit regretter « que ce qui est le fonctionnement régulier du ministère public soit assimilé à des pressions », en référence notamment aux remontées d’information qu’elle a demandées. « Si les parlementaires veulent que ça change, ils n’ont qu’à couper le lien entre le ministère et le parquet », persifle un haut magistrat.

Pour certains observateurs, la sortie d’Eliane Houlette devant l’assemblée doit davantage s’analyser comme un « règlement de compte » avec son ancienne supérieure. En septembre dernier, comme l’avait révélé « Le Monde », le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « violation du secret de l’enquête » visant implicitement l’ex-magistrate. Des écoutes téléphoniques réalisées dans le cadre d’une enquête suivie par le PNF avaient mis au jour sa proximité avec un avocat marseillais du dossier. Or c’est Catherine Champrenault qui a pris la décision de saisir le parquet de Paris du contenu sensible de ces écoutes. « Je ne règle pas mes comptes », évacue Eliane Houlette.

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