Sondages de l’Elysée : Dialogue de sourds entre Nicolas Sarkozy et le président du tribunal – 20minutes.fr

Au tribunal judiciaire de Paris,

Soudain, un peu avant 14h, Nicolas Sarkozy fait irruption dans la salle d’audience, encadré par ses agents de sécurité. Costume et cravate sombre, masque noir, l’ancien président de la République s’avance à la barre remonté comme un coucou. Il n’apprécie pas d’avoir été obligé, par le président de la 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, de venir témoigner ce mardi dans l’affaire des sondages de l’Elysée. Il est vrai que c’est une grande première dans les annales judiciaires : jamais un ex-chef de l’Etat n’avait été contraint de s’expliquer sur des faits en lien avec des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. « De mon point de vue, cette décision n’est pas constitutionnelle et surtout, elle est totalement disproportionnée », explique d’emblée le principal intéressé.

Dans une déclaration liminaire d’une dizaine de minutes, Nicolas Sarkozy précise les raisons pour lesquelles il n’a « pas le droit » de répondre aux questions des magistrats qui jugent, depuis deux semaines, cinq de ses anciens conseillers et collaborateurs dans cette affaire de coûteux sondages commandés sans appel d’offres. L’ancien secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, l’ex-directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon, et son conseiller technique « opinion », Julien Vaulpré, comparaissent pour favoritisme. L’ancien sondeur Pierre Giacometti et le très droitier politologue  Patrick Buisson sont eux jugés pour recel de favoritisme.

« Pas le droit » de répondre aux questions

Protégé par la Constitution, l’ancien chef de l’Etat, âgé de 66 ans, n’a jamais été poursuivi ni entendu par la justice dans cette affaire. « Il y a un principe qui dépasse de beaucoup ma personne, c’est la séparation des pouvoirs. Élu président de la République, je n’ai pas à rendre compte de la composition de mon cabinet ou de la façon dont j’ai exercé mon mandat devant un tribunal », poursuit-il, les mains croisées devant lui. Nicolas Sarkozy développe son raisonnement : « L’article 67-1 de la Constitution prévoit l’irresponsabilité pour les seuls actes liés à l’exercice de la fonction de président de la République. Cette irresponsabilité, qu’on pourrait nommer immunité, ne s’arrête pas avec la fin de l’exercice du mandat : elle est définitive. »

Nicolas Sarkozy confesse avoir hésité à venir. Il avait le choix entre « l’escalade », c’est-à-dire obliger les gendarmes à l’amener de force pour témoigner au tribunal, ou « venir, sans renoncer à mes convictions, c’est-à-dire sans répondre à vos questions ». C’est finalement cette deuxième solution qui a été préférée par l’ancien président, lequel ressent « un grand sentiment d’injustice ». Il a été le premier « à avoir eu cette idée étrange de faire rentrer la Cour des comptes à l’Elysée ». « Si je n’avais pas eu cette idée, votre tribunal ne se serait saisi de cette affaire. »

« Sans doute n’ai-je pas été assez clair »

Le président de la chambre, Benjamin Blanchet, commence alors à égrener ses questions. « Sans doute n’ai-je pas été assez clair et je m’en excuse », reprend Sarkozy. « Si je commence à répondre au quart du dixième des questions, ça veut dire que je suis venu ici pour m’expliquer sur les faits. » Las, le magistrat poursuit sa lecture. Il veut notamment savoir si les anciens collaborateurs du chef de l’Etat ont bien exécuté ses ordres, comme ils l’affirment. « N’y voyez ni rébellion, ni manque de respect », ajoute le témoin, qui n’a « pas l’intention de violer la Constitution ». « Si je répondais à vos questions, le principe même de la séparation des pouvoirs n’existerait plus ».

« La place de monsieur Buisson, monsieur Guéant, madame Mignon, je n’ai pas à m’en expliquer devant un tribunal, dit-il une fois de plus en agitant les bras. Ou alors on rentre dans le gouvernement des juges ». Finalement, pressé de questions, Sarkozy finit par répondre à une interrogation qui concerne ses relations avec Patrick Buisson. Ce dernier avait évoqué, lors d’une audience, sa « présence physique et intellectuelle de tous les instants » au côté du locataire de l’Elysée. « Physique ? C’est une plaisanterie. J’étais tous les jours en déplacement et je n’avais pas besoin d’une canne ou d’un tuteur ». En trois quarts d’heure, l’affaire était pliée. Nicolas Sarkozy en a terminé avec la justice. Pour aujourd’hui du moins.

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