Quels chantiers attendent Christel Heydemann, la nouvelle directrice générale d’Orange ?

Quels chantiers attendent Christel Heydemann, la nouvelle directrice générale d'Orange ?

Ce lundi 4 avril est un grand jour pour Orange. C’est en effet aujourd’hui que Christel Heydemann, 47 ans, prend ses nouvelles fonctions de directrice générale de l’opérateur historique, tournant ainsi la page de “l’ère” Stéphane Richard, suite au départ de ce dernier sur fond d’affaire Tapie.

La dirigeante, diplômée de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, occupait jusqu’à maintenant le poste de directrice générale des opérations de Schneider Electric Europe. Après son arrivée chez Orange, elle retrouvera un secteur des télécoms qu’elle a déjà connu à partir de 1999 au sein d’Alcatel, où elle occupa des fonctions stratégiques durant une quinzaine d’années.

La nomination de Christel Heydemann à la tête d’Orange marque la fin d’un feuilleton de plusieurs mois pour connaître l’identité du successeur de Stéphane Richard. Après s’être gagné les faveurs de l’Etat – actionnaire d’Orange à hauteur de 23 % – la dirigeante avait réussi ces dernières semaines à prendre le meilleur sur les autres candidats à la direction générale de l’opérateur, en l’occurrence Frank Boulben, dirigeant de Verizon, et Ramon Fernandez, directeur général délégué en charge des finances d’Orange, qui conserve ses fonctions au terme de cette campagne.

« Je sais que les défis sont majeurs, mais c’est aussi un immense honneur de contribuer au développement d’un des acteurs majeurs de l’industrie des télécoms. Je m’investirai pleinement à la tête d’Orange. Et je sais pouvoir compter, comme mon prédécesseur, sur la force et l’engagement des équipes pour accompagner l’entreprise vers la réussite », avait fait savoir la dirigeante lors de sa nomination, officialisée fin janvier.

publicité

Conduire l’adoption de la 5G

Son expérience, Christel Heydemann aura à la mobiliser pour faire face à tous les prochains défis d’Orange, notamment sur le marché français. Dans l’Hexagone, les prochains mois risquent en effet d’être chargés pour l’opérateur historique, qui continue actuellement à déployer ses réseaux fibre et 5G sur le territoire. Et si la fibre a d’ores et déjà trouvé son public – Orange chiffrait récemment à six millions ses abonnés fibre – ce n’est pas le cas de la nouvelle génération de technologie mobile, qui peine encore à séduire le plus grand nombre.

La nouvelle dirigeante d’Orange sera ainsi chargée d’accélérer dans les prochains mois l’adoption de cette 5G dont les fréquences ont été achetées fin 2020 à prix d’or par Orange et ses trois concurrents sur le marché français.

Elle devra également mener à bien l’acquisition de fréquences sur la bande millimétrique. Il s’agit d’un sujet majeur pour les opérateurs, car ce n’est qu’avec l’exploitation de ces bandes de fréquences qu’ils pourront enfin permettre à la 5G de donner la pleine mesure de ses capacités en matière d’augmentation conséquente de débit. Toujours concernant le mobile, Christel Heydemann sera aussi chargée de conduire la mise en place de cœurs de réseau 5G sur son réseau, celui-ci étant jusqu’à maintenant adossé au réseau 4G de l’opérateur historique.

Tout un plat (de nouilles)

Sur le fixe, la nouvelle directrice générale d’Orange n’aura pas non plus le temps de se reposer. Elle aura ainsi à conduire le chantier de l’évolution des sous-traitants d’Orange chargé du raccordement final des abonnés de l’opérateur historique.

Il s’agit d’un chantier pour le moins compliqué : pointé du doigt comme ses concurrents pour ses failles dans le raccordement de ses abonnés à la fibre, Orange a entrepris en fin d’année dernière une large revue d’effectifs au sein de ses partenaires, laissant ainsi partiellement “sur le carreau” un certain nombre de ses prestataires historiques, dont Scopelec. La plus grosse coopérative de France a contre-attaqué sur le terrain judiciaire, amorçant ainsi un bras de fer qui risque fort de s’installer dans la durée.

Parmi les autres sujets brûlants que l’ingénieure aura à gérer se trouve l’épineux dossier de la bascule du cuivre. Orange doit en effet retirer le million de kilomètres de câbles que compte ce réseau vieillissant tout en déployant son réseau fibre sur l’ensemble du territoire. Un exercice ardu, alors que la situation est critique dans un certain nombre de territoires – comme la Corse, la Drôme, les Pays de la Loire ou l’Ardèche – où le déploiement de la fibre n’est encore qu’un mirage et qui dépendent essentiellement d’un réseau cuivre en mauvais état pour leur connectivité.

Le chantier titanesque de la bascule du cuivre

Le décommissionnement du cuivre, qui portera sur plus de 41,8 millions de locaux d’ici à la fin de l’année 2030, promet de ne pas être de tout repos pour Orange. L’opérateur sera en effet scruté de très près par les autorités, au vu de la dimension critique que revêt aujourd’hui la connectivité des territoires.

Pour rappel, le plan proposé début février par l’état-major de l’opérateur historique pour mener ce décommissionnement se fera en plusieurs étapes. D’abord une phase transitoire jusqu’en 2025, date fixée par le gouvernement pour déployer la fibre sur l’ensemble du territoire. Passé 2025, Orange envisage une phase de fermeture, destinée à « fermer concrètement le réseau afin de ne plus avoir aucun client en service sur cuivre fin 2030 ». Alors qu’Orange a déjà effectué de premières expérimentations, l’opérateur historique entend procéder à de premières fermetures techniques portant sur 2,5 millions de locaux entre 2023 et 2025.

Le rythme adopté par Orange pour procéder aux fermetures techniques du réseau cuivre va ensuite s’accélérer. L’état-major de l’opérateur prévoit ainsi de couper l’accès au cuivre pour 3,8 millions de locaux fin 2026, 6,3 millions de locaux fin 2027, 8,4 millions de locaux fin 2028 et 10,5 millions de locaux fin 2029 et fin 2030… tout un programme pour Christel Heydemann, qui aura ainsi à conduire ce chantier titanesque sans fausses notes, au risque de subir les foudres des pouvoirs publics.

Des défis internes en pagaille

Ce n’est pas tout : Christel Heydemann aura également du pain sur la planche au niveau de l’organisation interne d’Orange, qui a déjà subi quelques départs majeurs. Notamment celui d’Helmut Reisinger, le patron d’Orange Business Services (OBS), la filiale B to B de l’opérateur, qui a passé le relais à Aliette Mousnier-Lompré, la directrice des opérations et du service client d’OBS.

D’autres départs pourraient également affecter le groupe, alors que des cadres dirigeants comme Fabienne Dulac, PDG d’Orange France, et Alioune Ndiaye, directeur général d’Orange Afrique Moyen-Orient, sont donnés comme possibles partants. Enfin, la dirigeante devrait également avoir à gérer le volet social, alors qu’Orange préparerait actuellement un vaste plan de modernisation de son organisation, qui pourrait conduire à une future vague de départs du côté de l’opérateur historique…

A noter que l’ancien patron d’Orange, Stéphane Richard, continuera pour sa part d’assurer les fonctions de président non exécutif jusqu’à l’arrivée d’un nouveau président, et au plus tard jusqu’au 19 mai 2022, date de la prochaine assemblée générale de l’opérateur.

L’identité de ce dernier est déjà connue : il devrait sans doute s’agir de Jacques Aschenbroich, 67 ans, actuellement à la tête de Valeo. Si sa candidature été validée mercredi dernier par le conseil d’administration du groupe, son arrivée doit encore avalisée lors de cette assemblée générale. La partie n’est pas encore gagnée pour le dirigeant, dont la nomination ne fait pas l’unanimité du côté d’Orange, certains critiquant l’âge du candidat, qui nécessitera un changement des statuts du groupe pour lui permettre de se maintenir en poste après 70 ans.

Pointant du doigt un « plan de départs volontaires […] visant 6 à 10 000 personnes de plus de 57 ans », la CFE-CGC regrettait récemment la nomination probable de Jacques Aschenbroich à la présidence d’Orange. « Il est impossible de prétendre simultanément que l’entreprise a besoin de “jeunes recrues” pour répondre aux enjeux du numérique et de reculer au-delà de 70 ans l’âge de son président : les personnels attendent de la cohérence et de l’exemplarité dans la gouvernance de l’entreprise », faisait récemment savoir le syndicat.

Voici qui donne le ton concernant l’ambiance qui règne actuellement au sein d’Orange, au moment même où sa nouvelle directrice générale commence à y prendre ses marques.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading