Primaire démocrate: en Caroline du Sud, Biden joue sa survie, Sanders la continuité – BFMTV.COM

“Tant que je respire, j’espère.” La devise de Caroline du sud est on ne peut plus prophétique, alors que cet État du sud-est du pays est appelé ce samedi aux urnes, dans le cadre de la primaire démocrate. 

Quatrième État à voter, il s’avère pourtant déjà décisif pour plusieurs candidats aux dynamiques différentes, et ce, malgré le faible nombre de délégués répartis, ici 63. 

Si la route est encore longue jusqu’à l’investiture démocrate de juillet prochain, le scrutin, préambule au Super Tuesday du 3 mars, pourrait marquer la fin des illusions pour plusieurs d’entre eux.

Biden “condamné à gagner” 

A bien des égards, le rendez-vous est crucial pour Joe Biden, l’ancien vice-président de Barack Obama aux résultats plus que décevants dans les trois premiers États. Largement dépassé en Iowa et dans le New Hampshire, le candidat de 77 ans avait retrouvé des couleurs dans le Nevada, stagnant malgré tout loin derrière Bernie Sanders.

“Il est condamné à gagner. Il a fait des bons scores dans le Nevada alors que tout le monde l’enterrait déjà mais la primaire est très longue et il peut rebondir”, analyse auprès de BFMTV Jean-Éric Branaa, maître de conférences à l’université de Paris II Assas et auteur de l’ouvrage Et s’il gagnait encore?, consacré à Donald Trump.

“Pour lui, ce sera un vrai test. S’il gagne, il sera relancé. En revanche, s’il termine deuxième, sa campagne sera bien plus compliquée”, ajoute, toujours à BFMTV, François Durpaire, politologue et spécialiste de la diversité culturelle aux États-Unis.

Le poids de l’électorat afro-américain

Les voyants sont pour l’instant au vert pour l’ancien sénateur du Delaware. D’après les ultimes sondages compilés par Real Clear Politics, Biden est donné largement vainqueur du vote avec un total dépassant les 30% des scrutins, loin devant Bernie Sanders, crédité de 22% d’intentions de votes. Derrière, hormis Tom Stayer, ses autres adversaires ne dépasseraient pas les 10%.

Un chiffre qui peut s’expliquer par le vote afro-américain qui, pour la première fois depuis le début des primaires, aura un poids conséquent dans les résultats. Ici, 60% des Noirs votent démocrate et leur soutien est crucial pour devenir l’adversaire de Donald Trump à la présidentielle de novembre. 

“C’est une population qui soutient Joe Biden, comme dans de nombreux États du sud du pays. Mais il y aura également des Blancs qui vont voter pour lui”, souligne encore Jean-Éric Branaa. Lors d’un sondage cité par le média Slate, 48% des électeurs afro-américains se prononceraient pour ce proche de Barack Obama.

Une donnée qui a son importance. Peuplée de plus de 5,1 millions d’habitants, la part afro-américaine de la population de l’État dépasse les 27%, soit plus d’1,3 million de personnes.

En 2016, c’est Hillary Clinton qui avait remporté le suffrage devant Bernie Sanders, dont la côte reste ici historiquement peu élevée.

La Caroline du Sud est “un bon baromètre du vote des électeurs noirs au niveau national”, dit à l’AFP Robert Greene, professeur d’histoire à l’Université Claflin. Historiquement, tous les vainqueurs de la primaire dans cet Etat ont emporté l’investiture, à une exception près en 2004.

Sanders dans la position de l’outsider

Alors qu’il était donné favori dans les sondages pour les trois premiers votes, Bernie Sanders devra adopter ici une posture plus inconfortable, celle de l’outsider.

“L’enjeu pour lui sera de coller au plus près de Biden, et d’essayer d’être deuxième sans que l’écart ne soit trop fort. L’important sera de garder la dynamique engendrée et de la transformer en essai pour le Super Tuesday (le 3 mars, NDLR),” analyse Jean-Éric Branaa. 

Et cette dynamique a semblé s’effriter mardi soir dernier, lors d’un débat l’opposant aux autres candidats démocrates. Assailli de critiques, notamment quant aux coûts de ses réformes ainsi que sur ses récents propos sur le régime cubain, Sanders est apparu nerveux, s’emportant à plusieurs reprises sous les coups de butoir de ses adversaires.

Pire, sa nouvelle figure de favori a éclairé les dissensions qui existent chez les démocrates, en particulier chez les modérés. Bien qu’il s’autoproclame comme un rempart à Donald Trump, bon nombre de ces derniers estiment que son investiture laisserait une porte ouverte à l’actuel occupant de la Maison Blanche pour sa réélection.

Durant ce même débat, Bernie Sanders a également commis une erreur de poids en évoquant ses liens avec Jim Clyburn en Caroline du Sud. Seul problème, ce dernier, coordinateur (majority whip) afro-américain de la majorité démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis, a annoncé dans la foulée qu’il soutiendrait Joe Biden.

L’inconnue Steyer

Le terme d’outsider n’est pas assez fort pour qualifier Tom Steyer. Au terme des trois premiers votes, ce milliardaire de 62 ans n’a glané aucun délégué. Pourtant, à l’image de Joe Biden, il espère beaucoup de la Caroline du Sud, où il est crédité d’un peu plus de 13% des intentions de vote dans les derniers sondages.

“Il est très haut dans les sondages car il a beaucoup misé sur cet État. En fait, beaucoup pourraient choisir le troisième ‘larron’ comme cela a été fait lors des trois premiers votes: Buttigieg dans l’Iowa, Buttigieg et Klobuchar dans le New Hampshire et Sanders dans le Nevada”, assure Jean-Éric Branaa.

Car à l’image de Joe Biden, Tom Steyer jouit d’une forte côte de popularité auprès de l’électoral afro-américain de Caroline du sud, auprès duquel il a réalisé plusieurs campagnes publicitaires qui, semble-t-il, ont porté leurs fruits.

Au total, il a déjà dépensé près de 250 millions de dollars dans la campagne, un chiffre conséquent, qui reste toutefois éloigné de la somme astronomique déjà engagée par Michael Bloomberg, l’autre milliardaire de la primaire.

“C’est un problème pour Biden car il pourrait lui piquer des voix. Cela a fonctionné dans le Nevada où il a fait 4,5%. C’est un beau score, et on peut penser qu’il peut dépasser les 10%, voire s’approcher des 15%”, estime Jean-Éric Branaa.

“C’est une vraie surprise et on va beaucoup parler de lui. Il rend l’équation très difficile à résoudre, c’est une véritable inconnue.”

Pour autant, un succès relatif en Caroline du Sud n’en appellerait pas forcément d’autres pour Steyer. En vue du Super Tuesday, ce dernier est en effet très loin dans les différents sondages des États concernés.

Le fin des illusions? 

L’autre inconnue de ce scrutin réside dans les scores qu’obtiendront les candidats modérés, Pete Buttegieg et Amy Klobuchar.

En ce qui concerne l’ancien maire de South Bend, qui avait démarré les primaires tambour battant en remportant le caucus de l’Iowa, la Caroline du Sud s’annonce délicate. “Il aura un problème avec le vote noir et son orientation sexuelle va poser problème”, prédit notre expert. Il est crédité d’un peu plus de 8% des votes dans les derniers sondages.

Pour Amy Klobuchar en revanche, la course à l’investiture pourrait bien s’arrêter dès dimanche.

“Klobuchar est quasiment hors-jeu même si elle pense redémarrer. Elle est en train de plomber le camp Biden car elle lui prend des voix, il stagne, alors que Sanders va bénéficier de cette situation. Elle aurait intérêt à se retirer”, souligne Branaa.

Une hypothèse qui sonnerait comme un échec à court terme, mais aussi comme une promesse pour le futur. “Biden pourrait s’en rappeler, surtout au moment de la nomination d’un vice-président”, conclut-il.

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