Offensive turque contre les Kurdes : «Que la France nous envoie des armes ou des soldats» – Le Parisien

Les Kurdes de Syrie ont commencé à enterrer leurs morts, victimes de l’offensive militaire turque déclenchée mercredi 9 octobre. Au prix de combats acharnés, ils tentaient ce mardi de résister à l’assaut des hommes d’Ankara sur la ville frontalière de Ras al-Aïn. Face à eux, les tirs d’artilleries et les frappes n’ont pas faibli. Recep Tayyip Erdogan reste en effet déterminé à poursuivre cette intervention destinée à établir une zone tampon avec le nord de la Syrie, n’en déplaise à Donald Trump. Le président des Etats-Unis a toutefois semblé changer de pied sous la pression de l’opinion américaine. Après avoir annoncé le retrait de ses « boys » du nord syrien, laissant les Kurdes à la merci de leurs ennemis, « The Donald » s’est dit prêt à « détruire l’économie turque ».

En attendant, sur le front diplomatique, les Européens tentent de donner de la voix. Plusieurs pays, à l’instar de la France, ont annoncé la suspension de leurs exportations d’armes vers la Turquie. À la demande de l’Union européenne, une nouvelle réunion du Conseil de sécurité de l’ONU devrait se tenir mercredi, à New York. Même la Chine, rétive à toute forme d’ingérence dans les affaires étrangères, a appelé Ankara à stopper le massacre. Les Kurdes, eux, appellent la communauté internationale à l’aide. En particulier la France, avec qui ils ont combattu les djihadistes de l’organisation terroriste Etat islamique.

Responsable des relations extérieures du Conseil démocratique kurde en France (CDKF), qui représente le Rojava -le Kurdistan syrien, autonome de facto-, Murat Polat lance un appel à Emmanuel Macron et propose que des soldats français remplacent les « boys » américains.

Qu’attendez-vous comme réponse forte internationale, que demandez-vous à la France ?

MURAT POLAT. Nous demandons à la France de prendre la tête de nos alliés, pour nous protéger contre l’agression de la Turquie. La France est une voix forte, a un énorme poids international. Nous attendons qu’elle aille plus loin que des déclarations, que des coups de fil au président Trump, à la chancelière Merkel ou à la Turquie.

Concrètement, quoi faire ?

Elle doit agir de façon directe. Soit en nous fournissant des armes, soit en envoyant des soldats sur le terrain, pour remplacer les Américains et s’interposer entre les populations kurdes et les forces turques.

Cela pourrait être efficace ?

Bien sûr. Tant qu’il y avait des forces de l’Otan au Rojava (NDLR : le territoire kurde autoproclamé autonome au nord-est du pays), la Turquie ne prenait pas le risque d’attaquer ses alliés (elle est membre de l’Otan).

Mais Macron vient au contraire d’ordonner le retrait des forces spéciales présentes en Syrie…

C’est pour une question de sécurité, liée au retrait des Américains, puisque ce sont eux qui assuraient la logistique sur le terrain. Jusqu’à leur départ, les militaires alliés conseillaient les combattants kurdes sur le plan militaire. C’était une mission de formation et de renseignement. Aujourd’hui nous demandons à la France d’intervenir avec sa propre logistique et avec d’autres alliés européens.

Quelle logistique, des avions de transports, des drones ?

Je ne peux pas rentrer dans le détail, il y a des éléments secrets, internes à l’Otan. Disons que, jusqu’ici, pour se rendre sur place, les Français avaient recours à l’aviation américaine.

De quel type d’armes avez-vous besoin ?

Si cette guerre doit durer, on a besoin d’armes anti-aériennes et anti-chars. Ce sont les bombardements qui créent le plus de dégâts et permettent à ces milices djihadistes pro-turques sur le terrain de profiter de la situation en nous attaquant. Sans cette aviation, les Kurdes sont en mesure de se défendre, on l’a bien vu lors de la guerre contre Daech.

Vous avez des contacts avec les autorités politiques françaises, l’Elysée ?

Des délégations du Rojava ont été reçues et écoutées par des conseillers du président Macron. Il n’y a aucun problème sur la compréhension de la situation, mais il y en a un sur les actions concrètes à mener contre la Turquie. Nous attendons de la France -et de l’Europe- qu’elles prennent ses responsabilités, ne reste pas indexée sur la politique américaine. Il faut qu’elle montre son indépendance.

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