Marthe Mercadier, la reine du théâtre de boulevard, est morte – Le Monde

La comédienne Marthe Mercadier le 1er avril 2002 au théâtre Mogador à Paris, lors de la 16e cérémonie des Molières.

Figure populaire du théâtre de boulevard, Marthe Mercadier, morte mercredi 15 septembre à Puteaux, à l’âge de 92 ans, a baigné dès son plus jeune âge dans le monde du spectacle. Son grand-père paternel, Victor Mercadier, est administrateur de la Sacem. Ami de Mistinguett, de Joséphine Baker et de Maurice Chevalier, il lui fait découvrir les coulisses des théâtres.

L’enfance joyeuse de Marthe Mercadier, née le 23 octobre 1928, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), est toutefois assombrie par une série d’épreuves. A l’âge de 6 ans, elle se réveille un matin sans pouvoir parler. Son mutisme durera un an et cessera sans explication. En juin 1936, alors qu’elle participe à une pyramide humaine, elle chute durement et reste immobilisée pendant dix-huit mois. Puis la guerre arrive et la fait sortir définitivement de l’enfance. Cette période durant laquelle elle transmet des courriers pour la Résistance « [lui] a fait le caractère pour le restant de [ses] jours », dira-t-elle plus tard.

Don pour faire rire

Le 8 mai 1945, elle se produit pour la première fois sur scène, lors du gala de fin d’année du cours d’art dramatique de Maurice Escande et découvre alors son don pour faire rire le public : « J’ai basé ma vie sur le rire, sur cette magie extraordinaire lorsqu’on entend mille personnes éclater de rire à la même seconde. » Sa vocation est trouvée. Pour se perfectionner, elle s’inscrit au cours Simon, où elle croise Michel Bouquet, Robert Hirsch et Michel Piccoli.
A la fin des années 1940, elle connaît ses premiers succès sur les planches dans La Galette des rois (Roger Ferdinand), puis dans Le Don d’Adèle (Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy). En 1952, elle épouse son partenaire Gérard Néry, avec qui elle restera mariée vingt ans et aura une fille, Véronique. Elle triomphe sur scène avec Chérie noire (François Campaux), qui se joue de 1958 à 1961. Les pièces s’enchaînent, et elle acquiert la réputation de reine du boulevard, « un théâtre de divertissement, une satire de la société, qui ne se prend pas au sérieux et qui demande une énorme rigueur », disait-elle.

Franche et énergique, Marthe Mercadier est une femme de conviction

« Au théâtre, on fait son métier. Au cinéma, on dépend du métier des autres », écrit-elle dans Je jubilerai jusqu’à 100 ans ! (Flammarion, 2011). Ajoutant : « Les théâtreux, voilà ma famille de cœur. » Ce qui ne l’empêche pas de se tourner vers le cinéma. Elle joue dans Le Tampon du capiston (Maurice Labro, 1950) et enchaîne une trentaine de films les années suivantes, faisant toujours spécifier dans ses contrats qu’elle ne jouera pas de scènes dénudées. Marthe Mercadier devient aussi un visage familier des téléspectateurs. Aux côtés de Micheline Presle et de Daniel Gélin, elle incarne Fanny dans la série culte des années 1960 Les Saintes chéries, réalisée par Jean Becker. Elle triomphe également dans le célèbre rendez-vous télévisé « Au théâtre ce soir », avec des pièces telles qu’Interdit au public (Roger Dornès et Jean Marsan, 1966) ou, en 1977, Les Petits Oiseaux (Eugène Labiche).

Déroute financière

Franche et énergique, Marthe Mercadier est une femme de conviction. Socialiste, elle soutient activement François Mitterrand en 1981. En septembre de cette même année, elle est nommée chargée de mission auprès d’Yvette Roudy, ministre des droits de la femme. Après la rédaction d’un Livre blanc sur la place des femmes dans l’audiovisuel, resté sans effet, elle démissionne. Son engagement se poursuit aussi dans l’humanitaire comme présidente de l’association IFPPF, qui expédie à des centaines de dispensaires dans le monde du matériel médical plus utilisé par les hôpitaux français. Mais l’association sera impliquée dans le scandale du Carrefour du développement, une affaire de détournement de fonds pour la coopération et l’aide humanitaire.

Marthe Mercadier s’implique également dans la production. Elle coproduit ainsi Sacré Léonard (de Michel Serrault et Jean Poiret) au théâtre (1964-1965) et produit Et la tendresse ?… Bordel ! (de Patrick Schulmann) au cinéma (1979). De 1970 à 1971, elle assure la direction du Théâtre du Vieux-Colombier à Paris, mais l’expérience se termine sur une déroute financière.

A la fin de sa vie, elle reconnaît : « J’ai gagné beaucoup d’argent dans ma vie. Or il m’aurait brûlé les mains si je n’en avais pas fait profiter ceux qui en ont besoin. C’est en ayant appris à gérer les petits et même les grands malheurs de l’existence que j’ai su faire de ma vie un grand bonheur. » Surendettée, elle lance en 2014 un appel à l’aide, car elle risque l’expulsion de son logement. Quelques semaines plus tard, la fille de Marthe Mercadier révèle que sa mère souffre de la maladie d’Alzheimer. Elle qui rêvait d’être chaque soir au théâtre jusqu’à la fin de ses jours est contrainte de cesser ses activités.

Marthe Mercadier en quelques dates

23 octobre 1928 Naissance à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis)

1958-1961 « Chérie noire » (théâtre)

1965-1971 « Les Saintes chéries » (télévision)

1979 Produit « Et la tendresse ?… Bordel ! »

1981 Chargée de mission au ministère des Droits de la femme

15 septembre 2021 Mort à Puteaux (Hauts-de-Seine)

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