Manifestations contre les mesures sanitaires au Canada : Justin Trudeau annonce le recours à la loi sur les mesures d’urgence – Le Monde

Justin Trudeau à Ottawa, le 11 février 2022.

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, s’est exprimé lundi 14 février, dans l’après-midi, et a annoncé le recours à la loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux blocages « illégaux » des manifestants anti-mesures sanitaires en cours dans le pays depuis plus de deux semaines.

« Le gouvernement fédéral invoque la loi de 1988 sur les mesures d’urgence pour compléter les pouvoirs provinciaux et territoriaux et faire face aux blocages et aux occupations », a-t-il déclaré, précisant que l’armée ne serait pas déployée et que les nouvelles mesures seraient « limitées dans le temps et géographiquement ». Cette loi peut être invoquée en cas de « crise nationale » et donne au gouvernement fédéral davantage de pouvoir pour y mettre fin en lui permettant d’autoriser « à titre temporaire des mesures extraordinaires ».

Elle entre en vigueur immédiatement et s’applique à l’ensemble du pays, même si le premier ministre a assuré qu’elle n’aurait un « impact concret » que dans les régions où cela est nécessaire, notamment en Ontario, province dans laquelle se trouve la capitale Ottawa.

M. Trudeau avait déclaré vendredi que « toutes les options étaient sur la table » pour mettre un terme à ces occupations « illégales » qui portent préjudice au pays et à son économie.

Le mouvement de contestation, qui a débuté fin janvier, est parti de chauffeurs routiers protestant contre l’obligation d’être vacciné pour passer la frontière entre le Canada et les Etats-Unis. Mais les revendications se sont étendues à un refus de l’ensemble des mesures sanitaires et, pour de nombreux manifestants, à un rejet du gouvernement de Justin Trudeau.

Opposition de plusieurs provinces

Avant même l’annonce de Justin Trudeau, plusieurs provinces canadiennes se sont dites opposées à l’utilisation de cette loi. « On ne souhaite pas avoir l’état d’urgence au Québec », a réagi le premier ministre de cette province, François Legault, estimant que cela « n’est pas nécessaire » et qu’il est plutôt « temps de se rassembler, pas de diviser ». Ce dernier a expliqué par ailleurs que la province étudie la possibilité de « retirer le passeport vaccinal ». Au centre du pays, la première ministre du Manitoba, Heather Stefanson, a fait savoir, pour sa part, qu’elle n’était pas « convaincue que la loi sur les mesures d’urgence devait être appliquée » dans sa province.

S’exprimant sur la situation à l’échelle nationale, la seule femme première ministre d’une province canadienne a déclaré qu’il y avait, parmi tous les premiers ministres, « un consensus clair que la situation dans chaque province et territoire est très différente ». Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a abondé : « Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’ajouter des mesures supplémentaires pour le moment », a affirmé Blaine Higgs, lors d’une conférence de presse.

Cette loi n’a été utilisée qu’une seule fois en temps de paix, par le père de Justin Trudeau, Pierre Trudeau, alors lui-même premier ministre, durant la « crise d’octobre » en 1970 au Québec, mais aussi durant les deux guerres mondiales, sous un autre nom. Le gouvernement de M. Trudeau n’a toutefois pas l’intention de recourir à l’armée, selon la CBC.

Les manifestations à Ottawa contre les mesures de lutte contre l’épidémie de Covid-19 sont entrées dans leur troisième semaine, même si le blocage du principal poste-frontière entre le Canada et les Etats-Unis, à Windsor, dans l’Ontario, a pris fin dimanche au bout de six jours.

Ce mouvement a débuté sous la forme de « convois de la liberté » organisés par des chauffeurs routiers opposés à l’obligation d’être soit vacciné soit mis en quarantaine pour franchir la frontière. Il s’est transformé en contestation plus globale de la politique de Justin Trudeau et a été copié dans quelques pays étrangers, notamment en France, sans prendre la même ampleur.

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Abandon du passeport sanitaire en Ontario

De son côté, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a annoncé lundi que le passe vaccinal allait être levé dans la province. « Nous allons laisser tomber les passeports » le 1er mars, a déclaré M. Ford lors d’une conférence de presse, lors de laquelle il a expliqué qu’une grande majorité des gens étaient vaccinés et que le pic épidémique dû au variant Omicron était passé. Cette levée des mesures sanitaires est réclamée par les contestataires qui bloquent Ottawa.

Les rues du centre-ville d’Ottawa (Ontario) étaient toujours bloquées par les manifestants, ici aux abords du Parlement canadien, le 14 février 2022.

En Ontario, à partir du 17 février, « nous supprimerons toutes les jauges, sauf dans les salles de concert, les théâtres et les événements sportifs, qui seront plafonnées à 50 % », a ajouté M. Ford. « Nous sommes en mesure d’accélérer notre plan de réouverture » grâce à la baisse des hospitalisations et du nombre de cas, a-t-il précisé.

L’Ontario est la province la plus peuplée du Canada et avait réimposé, comme d’autres provinces canadiennes fin décembre, des mesures très strictes, parmi les plus restrictives au monde. Doug Ford a ajouté qu’il soutiendrait Justin Trudeau s’il proposait de nouvelles mesures pour réprimer les manifestations. « Nous avons besoin de la loi et de l’ordre. Notre pays est en danger maintenant », a-t-il ajouté.

Les opposants aux mesures sanitaires occupaient toujours les rues du centre-ville de la capitale lundi soir. Quelque 400 camions sont installés appuyés par une organisation bien rodée : tentes pour se réchauffer, feux de camp, stands de nourriture…

Depuis l’instauration de l’état d’urgence vendredi, ils risquent de recevoir une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 dollars canadiens (69 500 euros) voire un an d’emprisonnement.

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Le Monde avec AP, AFP et Reuters

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