Libra : la BCE pourrait avoir tort de s’inquiéter

Libra : la BCE pourrait avoir tort de s'inquiéter

La Libra “ne représente pas réellement une menace pour l’univers financier européen, mais doit être régulée et contrôlée pour être exploitée convenablement” assure Hugues Morel, directeur général de 99 Advisory France. La cryptomonnaie de Facebook ne sera jamais un risque pour les devises originales dit-il, “les monnaies souveraines le resteront”.

Annoncé pour le premier semestre 2020, la Libra deviendra la première cryptomonnaie provenant d’une GAFA. Avec ce projet Facebook souhaite faire de Libra une devise simple d’utilisation et accessible pour tous par-delà les frontières. La firme américaine compte sur les adeptes de son réseau social pour promouvoir sa cryptomonnaie et de ce fait lui permettre de détrôner le Bitcoin.

Cette devise, à l’inverse des monnaies ordinaires, l’euro ou le dollar par exemple, ne dépendra d’aucun code monétaire et financier. Une liberté qui pose problème à la Banque Centrale Européenne (BCE).

“Le pouvoir de contrôle de la BCE sur l’euro pourrait grandement diminuer”

Selon un membre du directoire de l’institution, Ives Mersch, la mise en place du Libra pourrait à terme représenter un risque potentiel pour l’euro. “En fonction du degré d’acceptation du Libra et du référencement de l’euro dans son panier de réserve, le pouvoir de contrôle de la BCE sur l’euro pourrait grandement diminuer”. Avec cette diminution du pouvoir, le BCE craint également une perturbation du mécanisme de transmission de la politique monétaire et un affaiblissement du rôle international concernant la monnaie unique.

Pour Hugues Morel, le Libra ne représentera jamais une menace pour l’univers financier. “La BCE devrait laisser le Libra fonctionner pour en connaître davantage sur les cryptomonnaies” dit-il. Et il souhaite même que la BCE aille plus loin, sur ce terrain, en créant par exemple sa propre cryptomonnaie.

Ce type d’initiative existe déjà ailleurs. La Chine à décidé fin août de lancer sa cryptomonnaie. Accessible pour les particuliers comme pour les entreprises, cette cryptomonnaie évoluera sur deux réseaux de paiements distincts, celui de la Banque centrale et celui des banques de détail, avec un recours partiel à la technologie de blockchain. À l’inverse des cryptomonnaies traditionnelles, celle de la Chine sera sous un contrôle total. La Russie également réfléchit à un projet identique. 

La gestion des données personnelles par Facebook n’est pas bonne

Une autre des particularités du Libra est qu’elle est principalement et officiellement destiné aux pays exclus financièrement. “Facebook et WhatsApp sont très utilisés dans les pays en développement en Afrique ou en Inde” explique Tony Perkins, rédacteur en chef de Cryptonite à CNBC. En offrant aux utilisateurs la possibilité de transférer des fonds entre eux et vers les commerçants à moindre coût, le Libra “amènera des milliards de personnes dans l’économie moderne. C’est énorme et représente une opportunité économique gigantesque comme nous n’en avons jamais vu.”

Sur ce point, la portée du Libra reste à nuancer selon Hugues Morel. L’intérêt principal de Facebook reste le besoin de profit dit-il.

Comparé au Bitcoin, il juge que le contrôle du Libra, du fait qu’il soit de l’initiative de Facebook, pourra être mieux assuré. Reste que la question de la sécurité de cette monnaie, si elle repose sur Facebook, peut poser question. La gestion des données personnelles par le géant américain n’est pas bonne. Sans compter que le modèle économique de Facebook, qui repose sur la vente des données de ses utilisateurs, pose question. “Il y a un réel enjeu de sécurité, comment Facebook va monnayer ses données ? l’enjeu est important” dit Hugues Morel.

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