Législatives 2022 : Le ministère de l’Intérieur a-t-il refusé d’enregistrer la Nupes pour les élections ? – 20 Minutes

« Effacer ses adversaires du tableau des résultats est-ce encore la démocratie ? » Lundi, Jean-Luc Mélenchon n’a pas caché sa colère en postant sur Twitter un message annonçant que le Ministère de l’Intérieur refusait d’enregistrer la « Nouvelle Union populaire » (Nupes) pour les déclarations de candidature. Le candidat à la dernière présidentielle a déjà menacé de déposer un recours au Conseil d’Etat en référé.

Ce mardi, c’était au tour de la nouvelle alliance de gauche de publier un communiqué tout aussi révolté : « Cette opération vise à affaiblir artificiellement les adversaires de La République en marche, en difficulté politique dans la campagne des élections législatives. »

Ainsi, les suffrages obtenus par La France insoumise, l’Europe Ecologie-Les Verts, du Parti socialiste et du Parti communiste français seront comptabilisés séparément. « Toutes partagent pourtant le même programme et se présentent aux électeurs sous la même bannière », insiste la Nupes. Toutes les têtes d’affiche de la nouvelle alliance, de Julien Bayou (Nupes-EELV) à Sophie Chikirou (Nupes-LFI) se sont exprimées pour demander des comptes au ministère de l’Intérieur.

Jean-Luc Mélenchon dénonce une stratégie pour « minorer la percée »

Le chef de file de la France insoumise dénonce un « un système de duperie permanente » visant « à pouvoir, le soir du premier tour, minorer la percée que nous aurons opérée ». D’autant que les formations de la majorité présidentielle Renaissance (ex-LaREM), Modem, Agir, Horizons, etc. seront, elles, bien regroupées sous la bannière « Ensemble ! ».

Pour certains internautes, cette décision permettrait au camp de la majorité de s’assurer « une victoire » malgré les sondages favorables à la Nupes, puisqu’en divisant les voix de l’alliance de gauche, « la macronie s’assure de finir en première place au soir du second tour ». D’autres envisagent même une stratégie « machiavélique » d’Emmanuel Macron pour ne pas avoir à nommer un Premier ministre de gauche « même après une victoire de la Nupes ».

La requête de la Nupes est-elle légitime ? L’absence de nuance Nupes peut-elle influer sur les élections ? Quelles conséquences ? 20 minutes fait le point.

Les préfets valident « Ensemble ! » pas la « Nupes »

Pour comprendre de quoi il en retourne, il faut savoir que pour se présenter aux élections législatives, un futur candidat peut déclarer représenter tout autant un parti politique existant, une tendance politique (ex : divers droit, centre, etc), être sans étiquette ou même ne rien déclarer du tout. Ce sont les préfets qui sont ensuite chargés de leur attribuer une « nuance politique » afin de rendre l’analyse électorale et les résultats plus lisibles pour les citoyens comme le précise la circulaire du ministère de l’Intérieur du 27 avril 2022 qui dévoile la première liste de 19 nuances contenant notamment les différents partis de gauche, comme du centre.

Extrait de la circulaire du 27 avril du ministère de l'Intérieur
Extrait de la circulaire du 27 avril du ministère de l’Intérieur – Capture d’écran

Pour s’adapter aux alliances conclues depuis, le ministère a publié une nouvelle circulaire le 13 mai, « tenant compte des derniers changements intervenus ». Cette dernière circulaire avance une grille de « 18 nuances correspondant aux principales formations et sensibilités politiques ». Si la nuance « Ensemble », composée de la majorité présidentielle y figure bien, les formations politiques qui composent la Nupes sont toujours séparées.

L’union de droite aussi oubliée

Selon l’AFP qui cite le ministère de l’Intérieur, la nuance Nouvelle union populaire écologique et sociale n’a pas été créée car elle « réunit des candidats investis de manière indépendante par les partis associés à cet accord », ce qui « tend à démontrer la volonté pour ces candidats de rester attachés à leur parti d’origine ». « Ces partis se présentent de manière indépendante comme en attestent notamment les associations déclarées au titre de l’aide publique et de la campagne audiovisuelle. »

Extrait de la circulaire du 13 mai du ministère de l'Intérieur.
Extrait de la circulaire du 13 mai du ministère de l’Intérieur. – Capture d’écran

A noter également, malgré l’accord passé entre Les Républicains et l’UDI, que les deux formations sont elles aussi distinguées dans la circulaire.

Un « grand classique » qui ne chamboulera pas l’élection

Pour Louis le Foyer de Costil, avocat en droit électoral, la seule possibilité de recours pour la Nupes serait la rupture d’égalité. Mais la décision du ministère reste difficilement attaquable : « Si le financement des parties est distinct, cela peut se justifier d’une manière. »

Un point sur lequel Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof, s’accorde : « S’il y a un seul canal d’entrée d’argent public pour un groupe et pas pour l’autre, cette distinction s’entend. » Toutefois, le politologue, rappelle que le codage électoral jugé inégal par l’opposition est un grand classique : « Si on voulait faire les choses correctement, il faudrait distinguer pour tous les candidats le parti et la nuance. » Par exemple, Nupes-EELV, Ensemble-Modem, etc. « Il est évident que le soir des résultats, on va avoir droit à une bataille d’interprétation. Si la Nupes arrive en tête, la majorité appuiera sur le fait que ses membres ne sont pas en accord sur tous les sujets et donc qu’il faut distinguer leurs votes. D’autant plus si la Nupes gagne l’élection en voix, mais pas en sièges. »

Selon Bruno Cautrès, cette absence de nuance de l’alliance de gauche n’aura de toute façon pas d’incidence sur le vote : « C’est un élément de communication pour la majorité mais c’est un artifice. L’électeur, lorsqu’il verra un bulletin de gauche, hors quelque 20 % qui compteront des dissidents, il saura que c’est la Nupes, que c’est derrière Jean-Luc Mélenchon. Ce débat sera très présent dans la campagne mais c’est imperceptible par le grand public. » Quant à la possibilité de « tricher » sur le Premier ministre en cas de victoire de la Nupes ? « Impossible, le Président ne peut pas nommer un Premier ministre d’un autre mouvement que le vainqueur et les statuts de la Nupes stipule très explicitement que c’est à Jean-Luc Mélenchon que reviendrait ce poste. »

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