Le Rassemblement national touché à son tour par le « dégagisme » – Le Monde

Soirée électorale du Rassemblement national, à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dimanche 20 juin 2021.

La question taraude, ou devrait tarauder, tous les candidats du Rassemblement national (RN) : comment se fait-il que, après avoir imposé tous ses thèmes de campagne – l’insécurité, l’immigration, le localisme – à la plupart des autres formations, de la droite classique à La République en marche, voire à une frange de la gauche, le parti d’extrême droite se soit vu infliger une telle gifle électorale au premier tour des élections régionales, dimanche 20 juin ? Le taux exceptionnel de l’abstention (66,7 %) n’explique pas tout : si le pays est dans l’état que décrit le RN, pourquoi ses électeurs ne se sont-ils pas déplacés ? La ligne politique du mouvement est-elle la bonne ? La stratégie de « normalisation » de Marine Le Pen ne l’a-t-elle pas conduite à se noyer dans une « classe politique » qu’elle dénonce ?

« Tout le monde se remet en question, ce matin, a admis, lundi 21 juin, Jordan Bardella, le vice-président du RN, au micro de RMC-BFM-TV. La politique est une école de l’humilité. Quand il y a deux tiers des gens qui restent chez eux le jour du vote, bien sûr qu’on se remet en cause. Evidemment qu’on s’interroge. » La présidente du RN ne peut évidemment pas faire état du moindre doute en pleine campagne, et s’est contentée de sommer ses électeurs d’aller voter. « Vous aurez constaté ce soir les conséquences électorales, et donc politiques, de votre abstention », a déclaré, dimanche soir, la candidate à l’élection présidentielle, et elle leur a clairement reproché de n’avoir pas pris « cinq minutes » de leur temps pour éviter ce « désastre civique ».

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L’abstention est effectivement au cœur du faible score du mouvement, en très net recul par rapport aux élections régionales de 2015. Selon l’institut Ipsos, les électeurs du Rassemblement national sont ceux qui se sont le plus abstenus dimanche 20 juin, à hauteur de 73 %. Les électeurs à la présidentielle en 2017 de Jean-Luc Mélenchon ou de Nicolas Dupont-Aignan se sont abstenus à 67 % chacun, contre 44 % des électeurs de la droite classique, qui avaient voté François Fillon en 2017.

« Prix démocratique »

« Cette contre-performance, ou au moins ce résultat décevant, tient d’abord à la composition de notre électorat », relève Philippe Olivier, conseiller politique de Marine Le Pen. L’électorat du RN est en effet plus jeune, moins diplômé, et plus populaire, des catégories davantage touchées par l’abstention. « Je pense qu’on a en partie compensé ça, sinon on aurait dû faire un score bien inférieur, quand vous savez que, chez les 25-34 ans, il y a 85 % d’abstention, c’est colossal. » Il estime que, dans ces conditions, la prime au sortant est forte, et ne votent que « les clientèles », les électeurs qui attendent ou ont reçu un service de l’élu sortant. « Par exemple, Xavier Bertrand, on l’a à peine vu sur le terrain, reprend Philippe Olivier. Mais, dans les convocations d’associations locales de chasseurs qu’il subventionne, il y avait ses tracts, et par le biais de cet encadrement, il obtient des votes. Les voix clientélisées ont du poids en cas d’abstention. »

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