Le départ d’Edouard Philippe à quitte ou double – Le Journal du dimanche

On l’a aperçu samedi sur un marché du Havre. Le Premier ministre n’y était encore qu’en visite semi-privée, mais il reprendra dans les prochains jours le fil de sa campagne municipale, interrompue le 15 mars par le coronavirus. Alors que le monde politique bruisse de rumeurs sur son avenir à Matignon, Édouard Philippe tourne de nouveau son regard vers son port d’attache, où il est crédité de 53% des intentions de vote, selon un sondage Ifop publié jeudi dans Paris-Normandie.

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La veille, dans les couloirs de l’Assemblée nationale, il interrogeait sa colistière, Agnès Firmin-Le Bodo, sur le climat local, souvent tempétueux. Avant le premier tour, entre ­réforme des retraites et 49-3, ils avaient “le vent de face”, reconnait la députée avant d’ajouter : “Là, on a plutôt le vent dans le dos.” Cette semaine, le chef du gouvernement s’adressera aux Havrais via une interview dans un média local.

Édouard Philippe aurait-il des envies de grand large? Mardi à l’Assemblée, il a en tout cas donné quelques sueurs froides à ses ministres au moment de rendre hommage au député UDI Francis Vercamer, qui a choisi de quitter l’hémicycle pour se consacrer à sa commune de Hem (Nord). Dans une phrase lourde de sous-­entendus, il a déclaré : “Je félicite tous ceux qui font le choix de consacrer à temps plein leur vie politique future à ces fonctions municipales que vous retrouvez avec plaisir et envie. Je respecte ce choix… et je le comprends.” Flottement dans les rangs. “On s’attendait à ce qu’il dise : ‘D’ailleurs, moi aussi je pars'”, s’amuse un témoin.

Edouard Philippe “ne fait pas campagne pour rester”

Car l’avenir de Philippe à ­Matignon se joue dans les semaines à venir, Emmanuel Macron devant décider des orientations pour la fin de son quinquennat. Le chef de l’État “le dit à tout le monde : il veut renverser la table”, rappelle l’un de ses proches. Or, “il n’a pas énormément d’instruments politiques pour montrer qu’il change”, souligne une ministre. Confier Matignon à un nouvel acteur en serait un. Un ami de du Premier ministre l’assure : “Il ne fait pas campagne pour ­rester.”

Édouard a envie de rester, mais si l’intérêt du Président était qu’il parte, notamment pour sa réélection, il partirait sans barguigner

Pas question d’instaurer un rapport de force avec l’Élysée et d’imiter un François Fillon faisant des pieds et des mains en 2010 pour conserver son poste. Lui s’en remet à la décision présidentielle, jurent ses proches. “Édouard a envie de rester, mais si l’intérêt du Président était qu’il parte, notamment pour sa réélection, il partirait sans barguigner”, abonde un responsable de la majorité. Évoquant le Premier ministre et ses soutiens, un intime du chef de l’État nuance : “Ils font tout pour rester et sont très habiles dans leur travail.”

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Le chef du gouvernement a, il est vrai, des arguments en sa faveur. Dans la majorité, même les plus méfiants à l’égard envers ce transfuge de la droite saluent une gestion de crise efficace et un défi du déconfinement relevé. “Il faut qu’il reste, plaide une députée macroniste. Il a démontré une solidité et une loyauté totale, il est apprécié du groupe parlementaire et est populaire auprès des Français.”

Pas de successeur évident

La question de son remplaçant se pose aussi, avec acuité. “Il ne faudrait pas remplacer Zidane par Domenech”, met en garde un pilier de la majorité qui plaide pour son maintien. Bruno Le Maire, sur l’aile droite, et Jean-Yves Le Drian, sur l’aile gauche, semblent sur les rangs. Le ministre de l’Économie a beau jurer sur toutes les radios que le job ne l’intéresse pas, un ami de Philippe hausse les épaules : “On ne dit pas non à Matignon.” Mais beaucoup en ­Macronie considèrent qu’il n’est pas assez différent de l’actuel chef de gouvernement pour incarner un nouveau souffle. “On aurait un deuxième Édouard Philippe, mais moins bon, moins loyal, plus dangereux”, argumente une conseillère ministérielle.

Il ne faudrait pas remplacer Zidane par Domenech

Ancien socialiste, Le Drian incarnerait de facto une nouvelle orientation, un coup de barre à gauche. Le Breton en a-t‑il envie? Interrogé le 19 mai sur LCI, il n’a pas dit non, répondant par un long silence… Mais il ne fait pas l’unanimité : “Je ne vois pas bien ce qu’il apporte en matière de renouvellement”, glisse un député.

Même sans successeur évident, beaucoup, autour du chef de l’État, soulignent aussi la nécessité de changer de Premier ministre pour mieux préparer la présidentielle de 2022. “Sarkozy a fait l’erreur de garder Fillon cinq ans, Macron ne doit pas faire la même”, soutient un ministre macroniste de la première heure. “Dans un monde idéal, il faudrait préparer 2022 avec une équipe nouvelle et quelqu’un qui ne porte pas sur son visage les stigmates du Covid-19”, ajoute un proche du Président. C’est le paradoxe Philippe : jamais aussi populaire depuis février 2018, il n’a sans doute jamais été aussi près de la sortie.

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