La progression inédite du Rassemblement national aux législatives : circonscriptions, profils des élus et enjeux – Le Monde

Si l’essentiel de l’attention pendant cette campagne des législatives s’est porté sur l’alliance à gauche, le résultat le plus spectaculaire de ces élections se trouve être celui du Rassemblement national (RN). Le parti de Marine Le Pen est parvenu, dimanche 19 juin, à envoyer 89 députés à l’Assemblée nationale, un nombre jusque-là inégalé, qui va donner plus de pouvoirs à l’extrême droite.

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Avec 89 élus en 2022, le RN multiplie par onze son résultat de 2017 (8 députés avaient été élus) et par presque trois celui de 1986, année où le parti, qui s’appelait alors Front national, avait fait une entrée fracassante à l’Assemblée nationale, à la faveur du scrutin à la proportionnelle voulu par François Mitterrand, jamais réappliqué depuis.

Une percée historique en nombre de sièges

Ce score est d’autant plus marquant que le mode de scrutin des élections législatives n’a historiquement jamais avantagé le RN, tant le parti a longtemps manqué d’implantation locale. Le fait que les législatives suivent l’élection présidentielle, depuis 2002, n’a jamais favorisé les oppositions politiques au président élu, qui pouvait se prévaloir de sa récente légitimité acquise par les urnes pour réclamer une large majorité à l’Assemblée.

Le RN avait jusqu’à présent toujours peiné à se qualifier lors des législatives, même après avoir obtenu de bons scores à la présidentielle, et plus encore à gagner duels ou triangulaires, même en 2017, quand le parti de Mme Le Pen avait réuni 21,3 % des voix à la présidentielle, il n’avait remporté que 8 des 120 circonscriptions où il s’était qualifié, soit 6,6 %. En 2022, le RN remporte 89 des 208 circonscriptions où il était présent au second tour, soit un taux de réussite de 42,8 %.

L’effet d’un affaissement du front républicain

Le « front républicain », qui poussait les autres partis politiques à faire barrage contre l’extrême droite, n’a pas fonctionné autant que par le passé. Les estimations publiées par la société de sondages Ipsos confirment que le RN a pu bénéficier de reports de voix inédits : lors de duels RN-Nupes ou RN-Ensemble !, les électeurs du parti de droite Les Républicains se seraient reportés à 58 % sur l’abstention ou le vote blanc, à 30 % sur le RN et à 12 % sur la Nupes.

Contrairement aux élections précédentes, le socle de voix du parti se maintient entre le premier tour de l’élection présidentielle et celui des législatives quelques semaines plus tard. Alors que sa réduction entre ces deux élections depuis 1988 se situe entre 25 % et 60 %, il n’a reculé « que » de 19 % en 2022.

Un profil d’élus déjà implantés localement

L’une des explications à ce bon score du RN peut se trouver dans la constitution progressive d’un ancrage local. Le groupe parlementaire qui va faire son entrée à l’Assemblée nationale le 28 juin est composé en majorité d’hommes et de femmes (elles sont 33) ayant déjà une expérience politique. Parmi ces 89 élus, seuls 20, selon les décomptes réalisés par Le Monde, remportent une élection pour la première fois.

Tous les autres détiennent des mandats locaux de conseillers municipaux, départementaux ou régionaux. Trois d’entre eux, Hélène Laporte, Julie Lechanteux et Joëlle Mélin, sont déjà eurodéputées et devront d’ailleurs lâcher l’un des deux mandats. Enfin, certains députés nouvellement élus ne seront pas perdus à l’Assemblée nationale, car ils ont été assistants parlementaires. C’est le cas de Florence Goulet, restée attachée parlementaire d’Henri Guaino pendant vingt ans.

Géographiquement, le RN conforte et élargit ses positions dans ses bastions, dans le nord et l’est de la France, ainsi que sur le pourtour méditerranéen. Le parti réussit aussi à s’imposer dans des zones géographiques comme la vallée de la Garonne (Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne), de la Seine (Eure) ou de la Loire, où Marine Le Pen était arrivée en tête au premier tour de la présidentielle.

Le RN plus influent que jamais à l’Assemblée nationale

Les élections législatives du 19 juin vont permettre au Rassemblement national de disposer d’un groupe parlementaire pour la seconde fois depuis 1986. Avec un groupe de 89 membres, le parti disposera d’un temps de parole important dans l’hémicycle, puisqu’il est distribué en fonction des effectifs des groupes. Il pourra aussi :

  • siéger à la conférence des présidents de groupe ;
  • siéger au sein des huit commissions permanentes de l’Assemblée (proportionnellement à son poids) ;
  • accéder à la présidence de certaines commissions permanentes ;
  • siéger dans le bureau de l’Assemblée (vice-présidents, secrétaires, questeurs) ;
  • fixer régulièrement l’ordre du jour (au moins trois fois par an) ;
  • créer une commission d’enquête ou une mission d’information (une fois par an maximum).

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