La dépouille du général Franco exhumée après des mois de bataille judiciaire – Le Monde

Le dictateur espagnol reposait jusque-là dans un mausolée monumental. Le président du gouvernement, Pedro Sanchez, avait fait de ce transfert une priorité.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 10h07, mis à jour à 17h08

Temps de Lecture 3 min.

Le cercueil dans lequel repose la dépouille embaumée de Francisco Franco est sorti de la basilique du mausolée vers 12 h 55, porté par des membres de sa famille.

Le dictateur Francisco Franco, qui a dirigé l’Espagne d’une main de fer de 1939 jusqu’à sa mort, en 1975, a été exhumé jeudi 24 octobre, au matin, de son mausolée monumental situé près de Madrid. Les télévisions espagnoles ont suivi en direct les événements, à l’extérieur du bâtiment. Le processus d’exhumation de la tombe a commencé avant 11 heures, en présence de 22 membres de la famille du dictateur. Le gouvernement était représenté par la ministre de la justice, Dolores Delgado.

Le cercueil dans lequel repose la dépouille embaumée de Francisco Franco est sorti de la basilique du mausolée peu avant 13 heures, porté par huit membres de sa famille. Les descendants du vainqueur de la sanglante guerre civile (1936-1939) ont crié « Vive l’Espagne » en plaçant le cercueil dans le corbillard.

200 nostalgiques au cimetière de Mingorrubio

Transférée en hélicoptère au cimetière de Mingorrubio, dans le nord de Madrid, la dépouille embaumée du dictateur a ensuite été réinhumée aux côtés de son épouse dans ce lieu plus discret, où repose aussi le dictateur dominicain Rafael Trujillo, assassiné en 1961. Un office religieux y a été célébré par le fils du lieutenant-colonel Antonio Tejero, auteur d’une tentative de coup d’Etat le 23 février 1981 dans le Parlement espagnol, où il avait fait irruption, revolver au poing. Malgré l’interdiction d’une manifestation par les autorités, environ 200 nostalgiques se sont rassemblés près du cimetière pour chanter l’hymne du parti fascisant de la Phalange en faisant le salut fasciste, bras droit tendu en avant.

Environ 200 nostalgiques du régime de Franco se sont rassemblés, jeudi 24 octobre, près du cimetière de Mingorrubio, où la dépouille du dictateur a été réinhumée.

Le président du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, a, dès son arrivée au pouvoir, en juin 2018, fait du transfert de la dépouille du Caudillo une priorité, pour que le mausolée du Valle de los Caidos ne puisse plus être un « lieu d’apologie » du franquisme. « Cette décision met fin à l’affront moral de l’apologie de la figure d’un dictateur dans un espace public », a-t-il déclaré jeudi dans une allocution solennelle.

« L’hommage public à ce dictateur était plus qu’un anachronisme et une anomalie, c’était une offense à notre démocratie (…). Notre démocratie gagne en prestige à nos propres yeux mais aussi aux yeux du monde entier. »

Pour M. Sanchez, « l’Espagne actuelle est le fruit du pardon mais elle ne peut pas être le produit de l’oubli ».

Lire la tribune : « A la lumière du sort réservé au corps de Franco, 44 années d’histoire de l’Espagne se donnent à lire »

Manifestation interdite

Le mausolée du Valle de los Caidos, surplombé d’une croix de 150 mètres de haut, où reposait la dépouille de Franco.

Promise pour l’été 2018, l’opération a été retardée de plus d’un an par les recours en justice successifs des descendants du dictateur. Les héritiers de Franco ont mené une guérilla judiciaire et ont même tenté de le faire enterrer dans la cathédrale de l’Almudena, en plein centre de Madrid, où gît la fille du dictateur, mais ils se sont heurtés au refus de la justice. Le 25 septembre, la Cour suprême espagnole a rejeté le dernier recours déposé par la famille.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Espagne, la Cour suprême donne son feu vert à l’exhumation de Franco

A moins de trois semaines des législatives du 10 novembre – qui seront les quatrièmes en quatre ans –, les détracteurs de M. Sanchez, à droite comme à gauche, accusent celui-ci de faire de cette exhumation un argument électoral, alors qu’une semaine de manifestations violentes en Catalogne a mis le socialiste en difficulté. Le leader de la gauche radicale de Podemos, Pablo Iglesias, a ainsi ironisé sur la « momie [de Franco] sortie » juste avant les élections.

30 000 victimes de la guerre civile dans le mausolée

Ordonnée par Franco en 1940 pour célébrer sa « glorieuse croisade » catholique contre les républicains « sans Dieu », la construction du Valle de los Caidos (la vallée de ceux qui sont tombés) a duré près de vingt ans et a été réalisée notamment par des milliers de prisonniers politiques. Ce complexe comprenant une basilique creusée à même la roche est surplombé par une croix de 150 mètres de haut, visible à des dizaines de kilomètres à la ronde.

Au nom d’une prétendue « réconciliation nationale », le Caudillo y avait fait transférer les corps de plus de 30 000 victimes de la guerre civile : des franquistes mais aussi des républicains, sortis de cimetières et de fosses communes sans que leurs familles en aient été informées.

Depuis la mort du dictateur, en 1975, sa tombe, située au pied de l’autel de la basilique, y était toujours fleurie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Espagne, l’homme qui veut en finir avec Franco

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading