JO Tokyo 2021: Pourquoi la France a reculé au classement des médailles – 20 Minutes

De notre envoyé spécial à Tokyo,

C’est une blague récurrente qui a amusé les reporters français pendant la quinzaine. Claude Onesta, va-t-il réussir le Grand Chelem des médailles tricolores ? Le manitou de la haute performance à la nouvelle Agence nationale du Sport (ANS) était sur tous les sites à la fois au Japon, parfois en hologramme certainement. On est à peu près sûrs, pourtant, que l’ancien sélectionneur des Bleus aurait bien aimé se démultiplier encore plus. Avec 33 médailles seulement, la délégation française régresse dans les mêmes eaux qu’Athènes, en 2004, d’où les Bleus étaient revenus avec un lingot d’or de plus autour du cou (onze en Grèce, dix au Japon).

Le sport collectif a sauvé la maison bleue

Et encore ce bilan est-il rehaussé in extremis par l’incroyable razzia des sports collectifs français. Cinq équipes en finale, six médailles, trois en or, les sports de préau, comme on les nomme parfois avec dédain, ont éclairé les derniers jours à Tokyo, même si eux ne l’ont pas vécu comme ça. « On a suivi un peu les Jeux mais on était assez concentrés sur nous, ce qu’on faisait », révèle Benjamin Toniutti, davantage préoccupé par la place du volley dans cette orgie de victoires. « On a la chance d’avoir une nation exceptionnelle en sports collectifs, il faut le dire. Et du coup pour nous c’est dur de nous faire une place. Quand on fait un résultat comme ça où on pourrait avoir toute la lumière pour nous, et bien la lumière elle est pour tout le monde ! »

« Ça reste des équipes qui depuis dix ans sont à la limite du podium ou sur le podium dans toutes les grandes compétitions, se réjouit de son côté Onesta. Ce qui est étonnant, c’est qu’elles soient toutes au rendez-vous. Je pense que c’est la confirmation que le sport collectif français, quand il veut s’en donner les moyens [coucou le foot], semble apporter la garantie d’une préparation qui permet à chaque athlète d’être au rendez-vous olympique au meilleur de sa forme de la saison. »

La moisson du judo et de l’escrime, la faillite de l’athlé ou de la boxe

Un savoir-faire qui n’a pas transpiré dans toutes les disciplines. Alors que la France visait sa quarantaine de médailles habituelle, un objectif déjà pas bien folichon quand les prochains JO sont à la maison, l’objectif a été raboté au fur et à mesure des désillusions individuelles. Pourtant bien lancée par le judo et l’escrime (13 médailles), la délégation tricolore s’est manquée sur trois sports majeurs des Jeux : la boxe, la natation et l’athlé (2 médailles seulement contre quinze au Brésil). Ajoutons qu’il n’y a pas d’excuses à trouver en allant regarder les médailles au chocolat. Le classement informel tenu par nos amis de la FFL démontre que même pour les places de 4 à 6, la France gît en fond du top 10.

Sur les contre-performances d’autres disciplines, Claude Onesta ne vise personne en particulier : « Le manque de professionnalisme parfois dans d’autres disciplines a pu être une forme de contrainte à la réalisation des performances. » Il nous est apparu, en discutant avec pas mal d’entraîneurs, qu’il était difficile de reprocher aux athlètes tricolores un manque d’investissement. En revanche, on a été surpris, parfois, de leur propre surprise :

  • Oui, le niveau est plus élevé aux JO qu’ailleurs.
  • Oui, certains sont meilleurs le jour J des Jeux que sur une épreuve de coupe du monde en Roumanie dans un froid de canard en février.
  • Oui, le Covid et le manque de compétitions pour s’étalonner en ont poussé beaucoup à cacher leur jeu lors des mois précédents.

« L’intérêt de Tokyo, c’était d’avoir une photographie en temps réelle, le nombre de médailles globales m’intéresse peu, explique Claude Onesta. Ce qui m’intéresse, par contre, c’est de savoir si la médaille qui a été faite par surprise est capable d’être solidifiée la prochaine fois. Ce qui m’intéresse, c’est de faire ressortir les points de faiblesse de ceux qui ont été en échec pour mieux les accompagner la prochaine fois. »

Alors, il conviendra de s’interroger sur tous ces grands favoris à l’or qui dominaient leur discipline les saisons précédentes et qui sont passés à côté, comme il conviendra de se demander pourquoi la France est à la ramasse sur presque toutes les nouvelles disciplines introduites par le CIO à Tokyo. Enfin toutes sauf le karaté, que Paris 2024 n’a pas jugé bon de défendre malgré la médaille d’or annoncée -et concrétisée – de Steven Da Costa.

Une cinquantaine de médailles à Paris ?

L’ANS a pour l’instant intégré 400 athlètes, Jeux d’hiver et paralympiques inclus, à sa liste élite, de celle qui offre des financements et des ressources supplémentaires afin de débarrasser le sportif de tous les parasites à la performance. Un exemple parmi d’autres : Jean Quicampoix, doré au tir au pistolet, a pu s’entraîner chez lui à Marseille sur le même modèle de cible qu’à Tokyo, grâce à un chèque de 150.000 euros de l’Agence à la Fédération de tir.

Quentin Bigot, cinquième au lancer du marteau, tient d’ailleurs à remettre les choses au point quand on le lance sur l’olympiade ratée de l’athlé français : « Je fais partie de ceux qui pensent que le résultat dépend à 95 % des athlètes. Les 5 % de bonnes conditions, la Fédé nous les donnes à tous. Et c’est un lanceur qui le dit alors qu’on a souvent entendu que les lanceurs sont les parents pauvres de la Fédé. Moi je ne sais pas ce que j’aurais pu demander de plus cette année à la Fédé ou à l’ANS. Quand je fais 5e, c’est moi, c’est tout. Si les athlètes ne sont pas bons, ce n’est pas la faute de la fédération. »

Le potentiel médaillable général d’une nation n’a pas grand-chose à voir avec l’éventuel creux de génération, comme l’ont prouvé les Anglais, qui caracolent à plus de 60 médailles depuis qu’ils ont décidé de mettre en place un vrai programme de développement du sport de haut niveau avant les JO de Londres. Faute de réel équivalent, la France ne se découvrira donc pas des médailles sous les coquillages d’ici 2024, même si le statut de pays hôte permettra automatiquement une montée en gamme grâce aux quotas de qualification. « Globalement, on est assurés de pouvoir être présents dans chaque catégorie, plaide Patrick Wincke, le DTN de la boxe jusqu’au printemps. Quatorze athlètes au lieu de cinq, ce n’est pas la même chose pour les médailles. »

« Ceux qui sont potentiellement sur le podium à Paris, ils étaient là, pas ailleurs, concède Onesta. Il faut peut-être encore réduire les athlètes qu’on suit et travailler avec eux encore plus dans le détail pour optimiser leur préparation. Il y a des gens à qui on va remettre un niveau d’exigence plus important, parce que la confiance qu’on donne n’a pas suffi à être au rendez-vous. Mais les pépites, on les connaît. » Elles sont malheureusement loin d’être assez nombreuses pour espérer les 80 médailles à Paris, l’objectif fixé par Laura Flessel en 2017. 50, ce sera déjà le bout du monde.

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