Gel: d’importantes pertes agricoles de nouveau redoutées après la catastrophe de 2021 – BFM Business

Après une saison 2021 ravagée par le gel, l’épisode de froid de cette année va s’intensifier.

Après les lourdes pertes induites par le gel en 2021, les agriculteurs sont sur le point de connaitre une seconde campagne difficile. La faute à une coulée d’air polaire qui traverse la France depuis le milieu de semaine, et des températures exceptionnellement basses pour ce mois d’avril.

Mais la nuit de samedi à dimanche a marqué un tournant, selon Serge Zaka, docteur en agroclimatologie à ITK, contacté par BFM Business, qui redoute l’intensification du froid:

“On a eu deux jours de froid humide, durant lesquels les dégâts sont restreints. Mais la vague devient plus intense jusqu’à mardi, avec un froid plus sec, un ciel plus dégagé. Dès cette nuit, de samedi à dimanche, le vent s’est affaissé.”

Conséquence: des températures records dans le Sud-Ouest, notamment, avec – 5,1 degrés enregistrés à Bergerac.

Plus de la moitié des récoltes perdues

Conséquence directe: les pertes vont s’alourdir pour les arboriculteurs notamment. Des régions avaient plus subi que d’autres jusqu’ici, notamment Cognac, le Bordelais, la Dordogne ou le Chablis. “Dès la nuit prochaine, on ne parlera plus de pertes localisées, mais de pertes nationales”, craint Serge Zaka.

Des températures de – 3 à – 6 degrés seront enregistrées sur la moitié du pays; sur un tiers du territoire, les pertes s’échelonneront entre 70 et 100% de la production fruitière. La France entière sera concernée, à l’exception de la vallée du Rhône, protégée par le Mistral.

C’était déjà le cas l’année dernière, mais le vent avait fini par tomber le 8 avril, sur la dernière nuit de l’épisode de froid, engendrant dans la vallée du Rhône et dans la zone méditerranéenne des dégâts là encore conséquents. En tout, 4 milliards d’euros de pertes avaient été enregistrés en 2021, vignes et fruits confondus.

Le bilan devrait se rapprocher cette année pour tous les végétaux débourrés (abricots et pêches notamment, la pomme et la poire sont en retrait) de celui de 2021, au-dessus de 70% de pertes. Pour la vigne, ce sera un peu moins.

“Les dégâts seront légèrement moins forts, la vigne est un peu plus tardive que l’année passée”, explique Serge Zaka. “Les cépages qui bourgeonnent les plus en avance seront affectés, les plus tardifs beaucoup moins.”

Une protection meilleure mais partielle

Avec en tête la catastrophe de l’année écoulée, les exploitants se sont mieux préparés à l’arrivée possible d’un coup de froid, en développant des techniques d’aspersion, en achetant des tours pour aérer les cultures, ou en disposant des braseros.

“Les agriculteurs savaient où regarder”, ajoute Marie-Laure Biscaye, responsable communication chez ITK. “L’information s’est répandue plus vite, et l’anticipation a été plus efficace.”

Mais pour les exploitants, difficile parfois de se couvrir efficacement: certains ont investi dans des tours à vent, qui, faute de composants sur des chaînes de valeur perturbées, ne sont pas arrivés à temps.

D’autres jaugent encore l’efficacité financière d’un investissement aussi lourd, alors que les épisodes comme celui de cette année doivent encore demeurer exceptionnels. “Et certains n’ont pas pu dégager la surface financière adéquate”, souligne Serge Zaka.

“Série noire”

Car si le lien entre épisodes de gel et réchauffement climatique a été établi, les gelées de ce type ne sont pas censées se répéter tous les ans. Dans un passé récent, 1991 et 2021 seulement ont été le théâtre de tels phénomènes.

Le World Weather Attribution, organisme scientifique international, a ainsi relié dans une étude, dans la foulée des gelées de 2021, les activités humaines à l’épisode de froid de 2021. Mais le risque de telles gelées ne serait qu’augmenté “de 20% à 120%” dans les prochaines décennies, selon les scientifiques. Pas de quoi engendrer, statistiquement, des pertes massives plusieurs années de suite.

“Depuis 2017, c’est la série noire”, détaille Serge Zaka. “Les premières années, c’étaient des pertes locales. Depuis l’année dernière, c’est toute la France.”

Le réchauffement climatique a deux effets: d’une part, il engendre des bourgeonnements précoces des plantes, en mars. De l’autre, il adoucit les températures sur la période d’avril. Mais en 2021, ce second effet est chiffré à 1,5 degré additionnel par rapport à la normale: pas suffisant pour éviter des gelées. “Les gelées en avril sont normales”, conclut Serge Zaka. “Il y en a toujours eu, comme il y a toujours eu de la neige. Le problème ce n’est pas le gel, c’est la douceur.”

Valentin Grille

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