France Très Haut Débit : 155 millions d’euros coupés, les acteurs des telcos très remontés

France Très Haut Débit : 155 millions d’euros coupés, les acteurs des telcos très remontés

C’est l’union sacrée. Les opérateurs télécoms réunis au sein de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), les collectivités engagées dans le numérique (Avicca) et les métiers de la filière des infrastructures du numérique (InfraNum) se sont fendus d’une lettre ouverte à Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances mais aussi de la Souveraineté industrielle et numérique.

L’objet de leur ire ? Le coup de rabot de Bercy sur le financement du plan France Très Haut Débit (FTHD). Pour limiter le déficit public, le décret du 21 février annulant 10 milliards d’euros de crédits dans le budget de l’État pour 2024 n’épargne pas le programme 343 dédié au déploiement de la fibre optique. D’un trait de plume, il annule 38 millions d’euros d’autorisations d’engagement, soit une baisse de 39 %. Les crédits de paiement se voient, eux, amputés de 117 millions d’euros.

Absence de concertation

Les trois signataires déplorent tout d’abord la méthode et l’absence de concertation préalable « s’agissant d’une décision remettant en cause les crédits votés en loi de finances il y a moins de deux mois, ». Cette coupe budgétaire non anticipée mettrait « en difficulté la capacité à mener dans la durée un chantier d’infrastructure hors normes. »

Avec 37 millions de foyers et entreprises raccordables, soit 84 % du total, la France est le pays le plus fibré d’Europe, loin devant l’Allemagne, dont la couverture en fibre optique est inférieure à 40%. Ce succès est dû, rappellent les signataires, à un écosystème, réunissant l’Etat, les collectivités territoriales, les opérateurs et  toute une filière industrielle.

Le modèle français est aussi fondé sur « un partenariat public-privé qui conjugue des investissements massifs des opérateurs sur leurs fonds propres, et des investissements publics, ceux de l’Etat au travers du programme 343, en levier de ceux non moins massifs des collectivités territoriales. »

Le coup de rabot sur les aides de l’Etat ébranlerait ce fragile édifice et mettrait à mal l’objectif, fixé par le Président de la République, d’une généralisation de la fibre optique sur tout le territoire d’ici fin 2025. D’autant que les déploiements restant à mener sont les plus difficiles puisqu’il s’agit de raccordements complexes nécessitant des travaux de génie civil y compris sur des terrains privés. « Des centaines de milliers de nos concitoyens » pourraient ainsi être exclus de la fibre.

Un gel des investissements dans les territoires ruraux ?

Alors que les modèles économiques sont déjà fragiles, l’annulation de crédits crée de l’imprévisibilité pouvant « conduire au gel des investissements ». Les réseaux d’initiative publique (RIP) en milieu rural dont l’Etat est cofinanceur, pourraient être particulièrement fragilisés.

Dans un communiqué indépendant, la fédération InfraNum note que cette incertitude « place les collectivités locales maîtres d’ouvrage, leurs opérateurs délégataires de service public et toutes les entreprises intervenant sur les chantiers face à une équation insoluble : Quel projet bénéficiera des fonds promis ? Quelle entreprise sera payée ? Sur quelles trésoreries cette décision pèsera-t-elle ? »

Non seulement les collectivités risquent d’être confrontés à des retards dans le déploiement fibre, prérequis dans l’aménagement numérique de leur territoire, mais ils subissent aussi les effets de la coupe drastique du fonds vert avec 400 millions d’euros supprimés. Or ce fonds soutient le développement des projets de territoires connectés et durables. La filière des métiers des infrastructures numérique pourrait aussi être affectée alors qu’elle prévoit la création de 33 000 emplois d’ici 2030.

L’occasion d’une grande remise à plat

L’Avicca, la FFTélécoms et InfraNum profitent de l’occasion pour demander une grande remise à plat de la politique publique sur le numérique. Ils réclament des mesures de simplification des déploiements, « parfois freinés, voire bloqués par les services de l’État » ou une meilleure prise en compte des impacts environnementaux du numérique.

Les trois collectifs évoquent aussi la révision de la fiscalité spécifique du secteur, à commencer par la Taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) qui pourrait être affectée au programme 343. Alors que seuls les opérateurs sont actuellement assujettis à cette taxe, ils verraient bien l’élargir aux « grandes plateformes et éditeurs de service numérique », « principaux bénéficiaires des investissements des opérateurs et des collectivités dans les réseaux ». Une sorte de “fair share” à la française. L’Espagne a fait ce choix depuis déjà cinq ans, précisent-ils.

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