« Est-ce qu’ils nous voient comme des terroristes ? » : après sept jours de grève en Guadeloupe, la colère ne retombe pas – Le Monde

Des véhicules calcinés bloquent l'accès au rond-point de Perrin, aux Abymes (Guadeloupe), le 21 novembre 2021.

L’hélicoptère de la gendarmerie vole au-dessus du rond-point de Perrin, sur la commune des Abymes, au nord de l’agglomération guadeloupéenne de Pointe-à-Pitre. Il est à peine 7 heures du matin, dimanche 21 novembre, et les quelques automobilistes de passage butent sur les carcasses calcinées de voiture et les blocs de bétons bouchant les accès, sur plus de deux kilomètres, à la route nationale traversant la Grande-Terre du nord au sud.

Les explications : Article réservé à nos abonnés La Guadeloupe s’embrase sur fond de crise sanitaire

Au sol, les grenades usées de gaz lacrymogène témoignent des face-à-face tendus entre les gendarmes et les manifestants qui occupent par intermittence le carrefour. Sur les routes menant à Morne-à-l’eau, Saint-Anne ou Capesterre-Belle-Eau, d’autres barrages ont été érigés depuis le 15 novembre, date de la grève générale lancée par le collectif d’organisations en lutte contre l’obligation vaccinale et le passe sanitaire. En Guadeloupe, la campagne de vaccination contre le Covid-19 est venue percuter la colère sourde de nombreux habitants, dont le sentiment d’être méprisé et incompris par les autorités a fini par dépasser la peur de la contamination.

Une décision prise « depuis Paris et sans concertation »

« Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles », souffle Jocelyn Zou, secrétaire du syndicat Force ouvrière au service départemental d’incendie et de secours. Le sapeur-pompier, gréviste depuis plusieurs semaines mais réquisitionné toutes les nuits pour éteindre les feux allumés sur les barrages, s’est installé avec une vingtaine de personnes sous deux barnums autour du rond-point, en milieu d’après-midi. « Nous ne sommes pas antivax mais anti-passe sanitaire : comment accepter que des centaines de personnes soient suspendues de leur travail, sans salaire ni indemnités, pour une décision qui relève de l’intime ? », scande-t-il en dénonçant une décision prise « depuis Paris et sans concertation ».

Lire aussi, en 2009 : En Guadeloupe, la « pwofitasyon » ne passe plus

L’annonce de l’interpellation d’un pompier gréviste, blessé au premier jour du débrayage, a fait monter la tension sur l’île à un niveau inédit depuis les quarante-quatre jours de blocages provoqués, début 2009, par les manifestations contre la vie chère. Douze ans plus tard, la mobilisation concerne une part moins importante des habitants mais son écho est démultiplié par de nombreux incidents : outre les voitures incendiées et la circulation perturbée, le feu a détruit plusieurs bâtiments à Pointe-à-Pitre, des agences bancaires et des commerces ont été cambriolés en pleine nuit dans plusieurs communes.

Chaque matin, des vidéos de courses-poursuites entre jeunes guadeloupéens et les forces de l’ordre circulent sur les réseaux sociaux. Vingt-neuf interpellations ont eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi après l’annonce, par la préfecture, d’un couvre-feu instauré jusqu’au 23 novembre, de 18 heures à 5 heures du matin, pour faire « face aux violences urbaines ». Cinq jours seulement après la fin du couvre-feu imposé dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Trente-huit personnes ont été arrêtées la nuit suivante. « Les forces de police et gendarmerie, mais aussi les sapeurs-pompiers qui intervenaient sur les feux, ont fait l’objet de plusieurs tirs d’armes à feu », a déclaré la préfecture, dimanche, dans un communiqué – un pompier et une dame âgée ont été blessés par des tirs de plomb.

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