Deux ans ferme réclamés contre Nicolas Sarkozy : le réquisitoire sévère du procès des écoutes – Le Parisien

Autant le Parquet national financier (PNF) s’était montré discret à l’audience, autant il a montré les muscles à l’heure de prendre ses réquisitions dans le procès de l’affaire dite des écoutes. Au terme de près de cinq heures d’un exposé à trois voix, l’accusation a réclamé, ce mardi 8 décembre, la même peine de quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l’encontre des trois prévenus du dossier Bismuth, jugés devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption et trafic d’influence : Nicolas Sarkozy, l’ancien magistrat Gilbert Azibert et l’avocat Thierry Herzog. Le célèbre pénaliste se voit également réclamer une interdiction d’exercice professionnel de cinq ans. Des réquisitions lourdes.

Pour le PNF, le pacte de corruption qui se serait noué entre les trois hommes début 2014 pour se renseigner et influencer sur une procédure en cours au sein de la Cour de cassation est « quelque chose d’irréductible ». Une démarche initiée par Nicolas Sarkozy et son ami Thierry Herzog pour la défense de leurs intérêts, mais « en pratiquant un entrisme au sein de l’institution et en le voilant par l’utilisation de lignes occultes » − les fameuses lignes téléphoniques au nom de Paul Bismuth.

Un ancien président qui « oublie la République »

En reprenant la parole en dernier, Jean-Luc Blachon avait donné le ton en se livrant à une implacable leçon de morale. « Le PNF n’est pas là pour dégoupiller les destins individuels, mais il a la certitude qu’une justice qui ne passe pas est la source de maux qui ne s’effacent pas », a-t-il introduit sa dernière intervention. En début d’après-midi, le procureur de la république financier en titre, Jean-François Bohnert, s’était exceptionnellement invité à l’audience pour défendre son institution malmenée par la défense, accusée d’avoir rompu le principe de l’égalité des armes en conduisant une enquête parallèle « poubelle ». « Dans ce dossier, le PNF n’est jamais sorti des clous », a-t-il développé.

Jean-Luc Blachon a eu des mots très durs envers Nicolas Sarkozy : « L’action ne se serait pas produite si l’ancien président de la République, par ailleurs avocat, avait gardé présents à l’esprit la grandeur, le sens et le devoir de la charge qui fut la sienne. La République n’oublie pas ses présidents, car ils font l’Histoire, mais elle ne peut pas admettre qu’un ancien président oublie la République et ce qu’elle représente : l’état de droit ».

Présenté comme « le mauvais génie » de Nicolas Sarkozy, « Thierry Herzog s’est égaré dans l’amitié qu’il porte à son client », assène, sentencieux, le représentant de l’accusation. « L’amitié peut être vénéneuse quand elle devient attachement excessif », avait-il prévenu. Quant à Gilbert Azibert, présenté comme leur agent traitant, il a fustigé son égarement « au profit d’intérêts privés », après avoir cité le recueil des obligations déontologiques des magistrats – « probité et loyauté » – dont il se serait affranchi.

Un «double ébranlement»

Et si le représentant du PNF se montre aussi sévère à l’encontre des prévenus, c’est car cette affaire, dit-il, a provoqué « un double ébranlement » : celui de l’autorité judiciaire et celui de l’état de droit. « Les faits reprochés ont pu laisser croire que l’état de droit était une réalité variable. On a laissé penser que l’institution judiciaire pouvait succomber à l’influence de ceux qui ont le pouvoir et les réseaux pour l’exercer », cingle Jean-Luc Blachon, qui voit dans ce dossier « le haut du spectre de ce qui est possible en matière de corruption et de trafic d’influence ».

VIDÉO. Affaire des écoutes : il sera « très facile de démonter les réquisitions », selon l’avocate de Sarkozy

Avant lui, sa collègue Céline Guillet avait longuement et minutieusement détaillé les charges retenues par l’accusation. A l’aide de multiples schémas produits sur l’écran de la salle, en décortiquant la chronologie des conversations téléphoniques interceptées au regard des développements du pourvoi en cassation de Nicolas Sarkozy, la magistrate s’est dite convaincue que la thèse du PNF d’une entente préalable entre les trois hommes était établie. Selon son analyse, la promesse d’une intervention de Nicolas Sarkozy pour l’obtention du poste que lorgnait Gilbert Azibert à Monaco en récompense de ses efforts est caractérisée et suffit à matérialiser les infractions.

La défense, qui conteste vigoureusement les accusations, commence à plaider mercredi.

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