Dans l’Eurostar, à quelques heures du Brexit : « Quand on rentrera, on ne sera plus européens » – Le Monde

Sur le tapis roulant qui mène aux quais de l’Eurostar à la gare de Saint-Pancras, à Londres, une Britannique se retourne soudain vers ses amis : « Quand on reviendra, on ne sera plus européens. » Ce vendredi 31 janvier au matin, ils partent pour un week-end à Paris et ils reviendront après le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE).

Bien sûr, rien ne va changer ce samedi 1er février : il n’y aura ni plus ni moins de contrôles à l’Eurostar, d’autant que le Royaume-Uni n’était de toute façon pas dans l’espace Schengen. Il fallait déjà montrer son passeport ou sa carte d’identité, et cela restera le cas. De plus, une période de transition s’ouvre jusqu’à la fin 2020, pendant laquelle rien ne changera. Mais le symbole est lourd. Et, dans l’Eurostar, qui a récemment fêté ses 25 ans et transporte onze millions de passagers par an, l’ambiance est entre résignation et tristesse.

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« C’est très triste, tout simplement parce qu’on est mieux ensemble », résume Deborah Samuel. Elle se rend à Paris pour le match de rugby France-Angleterre de dimanche, soutiendra comme d’habitude le Quinze de la Rose et n’a de leçon de patriotisme à recevoir de personne. « Mais, seuls, on est un tout petit pays. »

« Tout le monde sort affaibli de ce processus »

Dans leur train lancé à près de 300 km/h, qui relie les deux capitales en deux heures et demie, les passagers se divisent en deux grandes catégories. Les habitués, qui vivent avec un pied de chaque côté de la Manche – surtout des Français –, et les touristes, qui vont à Paris pour le week-end, surtout des Britanniques. Les premiers ont un petit pincement au cœur, comme Philippe Beaufour, qui a découvert l’Angleterre lorsqu’il était étudiant à l’université d’Oxford en 1977, et a passé au total vingt-cinq ans outre-Manche. « Culturellement, c’est triste. Et ça affaiblit tout le monde. »

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Pas question pour autant de trémolos ou de larmes comme on a pu en voir au Parlement européen ces derniers jours. « Ça va, il n’y a pas mort d’homme », continue M. Beaufour. Lui-même fait partie des gens qui critiquent l’UE, expliquant qu’il avait failli voter non au référendum sur la constitution européenne en 2005. « Les Anglais sont courageux, ils jettent un pavé dans la marre et ils ont suffisamment confiance en eux pour oser le faire. » Reste qu’il pense que le Brexit est négatif pour le Royaume-Uni. « Ça va être dur pour eux. Tout le monde sort affaibli de ce processus. »

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