Covid-19 : pourquoi la fin de la gratuité des tests divise les spécialistes – franceinfo

L’échéance avait été évoquée par Emmanuel Macron en juillet, elle est désormais actée par le gouvernement. Le remboursement des tests de dépistage du Covid-19 ne sera plus systématique à partir de mi-octobre, a annoncé le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, mercredi 11 août, à l’issue du Conseil des ministres. Passé cette date, il faudra payer de sa poche pour réaliser un test PCR ou antigénique, à moins de disposer d’une prescription médicale. Cette évolution vise à recentrer le dépistage sur les personnes symptomatiques ou les cas contacts, par opposition à ceux qui se font tester pour lever un doute ou afin d’obtenir leur pass sanitaire. Pour les personnes “venant en séjour temporaire en France et relevant d’un régime étranger”, effectuer un test PCR coûte déjà aujourd’hui près de 44 euros (sauf si elles ont une prescription ou sont identifiées comme des cas contacts), explique l’Assurance-maladie

La gratuité des tests était la règle en France depuis les débuts de l’épidémie, ce qui la différenciait de certains de ses voisins. Alors que le pass sanitaire vient d’être étendu à de nombreux lieux, et qu’un test négatif de moins de 72 heures est le seul moyen de l’obtenir pour les personnes non vaccinées et jamais contaminées, cette décision divise les observateurs. Franceinfo vous explique pourquoi des spécialistes doutent de l’efficacité de ce changement décidé par l’exécutif, ou au contraire y sont favorables.

Parce qu’il y a un risque de rater des contaminations

Dès lors, les personnes contaminées et contagieuses risquent-elles de passer entre les mailles du filet en refusant de payer pour faire un test ? C’est sur ce point que reposent les “doutes” de l’épidémiologiste Renaud Piarroux, interrogé par franceinfo : “On va perdre certaines personnes qui n’avaient pas de symptômes et n’étaient pas identifiées comme cas contacts, mais qui se faisaient tester par prudence, parce qu’elles savaient qu’elles pouvaient avoir été exposées”. Et dont certaines s’avéraient positives.

Les dépistages massifs menés l’hiver dernier dans certaines villes avaient trouvé peu de personnes positives sans présenter de symptômes ni avoir été en contact avec des malades, explique Renaud Piarroux. Mais depuis, l’arrivée du variant Delta a pu changer la donne, car “beaucoup de monde présente désormais de fortes charges virales sans être symptomatique”. La proportion des personnes asymptomatiques parmi les cas positifs est en hausse, pointe le chef du service de parasitologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, tandis que les équipes de traçage ont de plus en plus de mal à identifier la source des contaminations. Cela suggère l’existence d’un nombre significatif de personnes positives qui ne le sauraient pas si elles n’avaient pas fait elles-mêmes la démarche de se tester. En octobre, elles devront payer pour le faire.

L’ampleur de ce potentiel problème “dépendra du nombre de personnes qui seront vaccinées mi-octobre”, nuance Renaud Piarroux. Mais si elle diminue le risque de forme grave et même de transmission, la vaccination n’empêche pas complètement de contaminer d’autres personnes, et n’élimine donc pas totalement l’intérêt des tests. L’efficacité du suivi des cas contacts deviendra aussi un enjeu plus important, de même que la facilité d’obtenir une prescription médicale pour les personnes symptomatiques, qui ne pourront plus prendre d’elles-mêmes la décision de se faire tester. 

Ce changement interroge également sur le décompte du nombre de cas, très suivi pour estimer la circulation du virus. La logique voudrait qu’il baisse quand les tests seront payants. Ce point inquiète moins Renaud Piarroux : “On se débrouillera avec d’autres indicateurs.” La gravité de l’épidémie se reflétera toujours dans le nombre des hospitalisations et de décès.

Parce que l’incitation à la vaccination est difficile à évaluer

Si la fin du remboursement des tests peut faire craindre des effets négatifs, elle peut aussi avoir des bénéfices. L’infectiologue Karine Lacombe jeudi sur franceinfo y voit un moyen d’inciter certains hésitants à se faire vacciner : “Le meilleur moyen de lutter contre l’épidémie, ce n’est pas de se tester tous les jours ou tous les trois jours, alors qu’on a maintenant un moyen, la vaccination, qui est beaucoup plus efficace”. La veille, Gabriel Attal avançait le même argument, estimant que “les tests à répétition n’empêchent pas d’aller à l’hôpital et de contaminer fortement”.

Mais combien d’hésitants ou de réfractaires à la vaccination seront-ils convaincus par le nouveau coût du dépistage ? Renaud Piarroux craint que cela “n’amène pas forcément beaucoup d’entre eux” dans les centres. “A la mi-octobre, ceux qui ne seront pas déjà vaccinés sont ceux qui ne veulent vraiment pas le faire”, et qui resteront imperméables à toute forme d’incitation, estime l’épidémiologiste.

Reste que le prix des tests rapprochera davantage les règles liées au pass sanitaire d’une vaccination obligatoire, notamment pour les professionnels des lieux où s’applique le pass, qui risqueront la suspension de leur contrat s’ils ne peuvent pas le présenter. C’est ce qui amenait le juriste Nicolas Hervieu à se demander, avant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi élargissant le pass, si les Sages n’allaient pas poser comme condition à sa constitutionnalité “le fait que l’accès aux tests reste gratuit”, expliquait-il à franceinfo. Le Conseil constitutionnel n’a finalement pas mentionné la question du prix du dépistage. Mais il présente, dans sa décision, le fait de pouvoir obtenir le pass avec un résultat de test comme une des raisons pour lesquelles son extension est acceptable.

Parce que cela permet des économies indéniables

L’impact de la fin de la gratuité des tests ne sera pas que sanitaire. Le remboursement de cet acte médical a en effet un coût pour l’Assurance-maladie, qui n’est pas anodin. Selon son site (PDF), elle rembourse aujourd’hui un peu plus de 43 euros aux laboratoires pour un test PCR, avec un système de bonus et de malus en fonction du délai de rendu des résultats.

C’est pour cette raison que le président de la branche “généralistes” de la Confédération des syndicats médicaux français, Luc Duquesnel, se réjouissait de cette annonce sur franceinfo mercredi : “La Sécurité sociale ne peut pas continuer à dépenser un milliard d’euros tous les mois pour faire des tests à des gens qui refusent le vaccin.” En juin, elle avait annoncé un large dépassement de son budget pour 2021, en partie imputable aux 2,9 milliards d’euros dépensés depuis le début de l’année pour le remboursement des tests de dépistage.

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