Brésil : au lendemain de la tentative d’insurrection, Brasilia entre sidération et répression – Le Monde
C’est une Brasilia groggy qui s’est éveillée lundi 9 janvier. Son cœur battant, la place des Trois-Pouvoirs, porte encore les stigmates des affrontements de la veille, qui ont vu des milliers de militants d’extrême droite mettre à sac les institutions de la République, le palais présidentiel, le Congrès, et la Cour suprême. Vitres fracassées, fauteuils éventrés, murs tagués, tas de bois et de papiers mouillés… Sous le ciel nuageux, il règne un troublant silence, à peine brisé par le va-et-vient des équipes de nettoyage. Armées de balais, ces dernières s’affairent. Les débris sont jetés dans de grandes poubelles. Des chaises de bureau sont repêchées jusque dans les bassins du Congrès. Ana Carina, 52 ans, femme de ménage noire travaillant au palais présidentiel du Planalto, est souriante mais épuisée : « Je suis tellement triste que j’ai du mal à parler. j’ai beaucoup pleuré. Mais on ne pouvait pas baisser la tête, on a relevé nos manches et on va tout nettoyer », confie-t-elle.
Sur place, c’est une impression de désolation. Tout est à reconstruire, à commencer par la démocratie : ce dimanche, quatre décennies de République ont été jetées par les fenêtres des palais conçus par l’architecte Oscar Niemeyer. Image saisissante : à l’entrée du Planalto, les portraits des trente-neuf présidents du Brésil ont été déchirés et brisés au sol – à l’exception d’un seul, celui de Jair Bolsonaro, sans doute emporté comme souvenir par un émeutier.
Mais après la sidération est vite venue la répression. Dans la nuit de dimanche à lundi, le juge Alexandre de Moraes, membre du Tribunal suprême fédéral et bête noire des bolsonaristes, a ordonné « la dissolution totale » sous vingt-quatre heures des campements d’extrême droite installés dans la capitale. Le magistrat a également sommé les hôtels de Brasilia de fournir les noms de leurs clients, et appelé la police à utiliser les caméras de surveillance et les réseaux sociaux pour traquer les putschistes.
« Un Capitole brésilien »
Longtemps passifs, les généraux n’ont eu d’autre choix que d’obtempérer. Lundi, dès 7 heures du matin, soldats et policiers ont encerclé le campement situé face au quartier général de l’armée. Réveillés au mégaphone, les « soldats » de Bolsonaro ont vite rendu les armes. La plupart étaient prudemment partis la veille, fuyant la capitale, parfois par bus, dissimulant leurs maillots de la « Seleçao », l’équipe nationale de football, un symbole qu’ils se sont approprié. Les militaires ont pu tranquillement retirer les tentes. « Demain, ce campement n’existera plus », expliquait un porte-parole de l’armée aux journalistes présents.
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