Bouygues fait entrer la voix dans les tunneliers

Bouygues fait entrer la voix dans les tunneliers

Transformation numérique et tunneliers, un couple impossible ? Absolument pas. La filiale Travaux Publics de Bouygues a même créé une entité dédiée à l’innovation dans ce secteur : Tunnel Lab. Et son directeur, Nicolas Braud, pilote ainsi plusieurs projets technologiques autour du Big Data et du machine learning au profit des tunneliers.

Les tunneliers sont en effet équipés de nombreux capteurs permettant de collecter des données sur leur activité. L’objectif, grâce à l’exploitation de ces données, est ainsi de développer la détection d’incident, l’ajustement des consignes de pilotage et la maintenance prédictive.

Un tunnelier coûte en effet cher à exploiter. Plus encore lorsqu’il ne fonctionne pas. Et cette situation n’est pas rare. Ces usines souterraines sont ainsi en état de panne 30% de leur temps, confie Nicolas Braud.

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Une activité à risque pilotée grâce aux données de 8 écrans

Si les capteurs remontent des informations utiles à la prévention de ces pannes, les pilotes de ces engins ont également un rôle à jouer. Difficile cependant de recueillir des données auprès de ces professionnels par le biais d’une application desktop traditionnelle. Tunnel Lab a donc fait le choix de l’interface vocale.

« Le pilote de tunnelier a jusqu’à 8 écrans devant lui qui lui donnent énormément d’informations. Il doit suivre les informations qui proviennent des outils, mais aussi des moteurs (…) et veiller à maintenir une pression à l’avant. Un tel tunnelier peut aspirer un immeuble en cinq minutes » détaille le dirigeant de Tunnel Lab pour souligner l’importance du rôle du pilote.

Ce dernier est donc accaparé par le suivi de multiples indicateurs critiques au fonctionnement d’une usine mobile de 100 mètres de long et 3000 tonnes. Et la supervision de ses tâches s’effectue grâce à un outil, un automate supervisant les plus de 3000 capteurs équipant le tunnelier.

Mais son fonctionnement implique une intervention du pilote, déjà très sollicité. Le conducteur doit ainsi « qualifier » chacune des tâches créées par l’automate. Or, la remontée des données de cet automate a mis en évidence une anomalie et une « quasi impossibilité à comparer les données entre les chantiers. »

La cause : la difficulté pour les piloter, via une interface clavier traditionnelle, de qualifier précisément les tâches (parmi les 1600 disponibles) dans le logiciel. La conséquence, ce sont des données peu qualifiées et donc inexploitables pour améliorer l’efficacité opérationnelle et la détection de panne, par exemple.

Des tâches qui n’étaient pas qualifiées par les pilotes

Le couple clavier/logiciel ayant fait la preuve de son échec, Bouygues Travaux Publics a décidé de déployer des casques et une technologie de reconnaissance vocale. Le groupe de BTP s’est pour cela associé à une startup toulousaine, Simsoft Industry.

« Nous avons développé un système d’ontologie qui nous permet de reconnaître ce que dit le pilote. Nous l’avons donc équipé d’un micro, doté d’un filtre pour l’isoler du bruit ambiant, lui permettant, simplement en pressant un bouton, de décrire ce qu’il est en train de réaliser. Cela, sans quitter les écrans de contrôle des yeux » détaille Nicolas Braud.

Le pilote dispose en outre « d’un affichage de toutes les tâches créées automatiquement par l’automate. Lorsqu’une précédente tâche n’a pas été qualifiée, il a ainsi la possibilité d’y revenir » et donc de renseigner les informations nécessaires.

Deux tunneliers ont d’ores et déjà été équipés de la technologie de reconnaissance vocale et le déploiement est en préparation dans quatre supplémentaires. La tâche n’était pas simple cependant. La reconnaissance devrait se montrer efficace pour capter avec précision les données vocales sur plusieurs langues, et avec des accents. « Nous avons fait beaucoup de tests pour nous assurer de la robustesse » précise le patron de la R&D. L’ontologie définie permet de trier parmi les 1600 tâches celles correspondant aux instructions communiquées par le pilote.

Du scoring pour assister le pilote parmi les 1600 tâches répertoriées

Dans 80% des cas, la tâche est correctement identifiée. « Pour les 20% restant, nous proposons au pilote les cinq solutions les plus proches en termes de scoring. Le pilote n’a plus qu’à appuyer sur une touche de l’écran tactile placé devant lui ou à prononcer de nouveau la phrase en fonction des 5 affichées » détaille encore l’expert.

Il rappelle que l’activité d’un tunnelier se répartit entre fonctionnement (40%), panne (30%) et attente (30%). La connaissance remontée permet donc d’améliorer la productivité pendant les phases d’attente, mais aussi d’informer en surface sur les situations de panne et ses causes.
« La reconnaissance vocale nous a apporté de la souplesse et du temps réel. L’évolution du système embarqué nous a permis de le connecter avec le système en surface. Il n’est plus nécessaire d’attendre que le tunnelier se connecte pour remonter les informations. »

Bouygues prévoit désormais de transmettre à Simsoft Industry les enregistrements vocaux afin d’enrichir la base de données à distance, diffusée ensuite auprès de l’ensemble des tunneliers. Après le pilote, le groupe souhaite fournir de l’assistance aux mécaniciens de ces engins grâce à la technologie Simsoft Industry. Ce sera le chantier du début d’année prochaine.

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