Bac de français 2022 : « Les épreuves laissent peu de place à l’écriture créative et personnelle » – Le Monde

Des élèves de terminale planchent sur l’épreuve de philosophie, à l’école Sainte-Marie Lyon, le 15 juin 2022.

Jeudi 16 juin, de 14 heures à 18 heures, les élèves de première des filières générale et technologique passent les épreuves écrites anticipées du baccalauréat de français. Au programme, un travail d’écriture noté sur vingt points dans lequel les élèves de la filière générale ont le choix entre un commentaire de texte et une dissertation ; ceux de la filière technologique entre un commentaire guidé et une contraction de texte suivi d’un essai. Si l’épreuve est sortie relativement préservée de la réforme du bac, les quelques ajustements apportés ne font pas l’unanimité. Viviane Youx, présidente de l’Association française des enseignants de français (AFEF), qui regroupe de nombreux enseignants, du primaire à l’université, évoque un bac de français plus « traditionnel » et « élitiste » que par le passé.

Selon vous, depuis la réforme du baccalauréat, quelle place occupe dans l’examen l’épreuve anticipée de français ?

En tant que toute première épreuve du baccalauréat à laquelle les élèves ont affaire, le bac de français garde une valeur symbolique forte pour eux. D’autant plus que c’est dorénavant la seule épreuve anticipée de première, celle de sciences qui existait auparavant pour les séries L et ES ayant disparu en même temps qu’elles. D’un côté, cet examen met sous pression enseignants et élèves qui doivent, comme cela a toujours été le cas, le préparer pendant toute l’année, ne pouvant se permettre les activités plus libres ou créatives qui prévalaient en seconde. D’un autre, cette échéance importante oblige les élèves à travailler cette matière de manière assidue en première. Si les épreuves écrites et orales n’ont pas été bouleversées par la réforme du baccalauréat, nous regrettons qu’elles soient devenues plus rigides, et les programmes, plus traditionnels.

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En quoi les programmes sont-ils devenus plus traditionnels ?

Ils sont d’abord devenus très lourds, malgré les aménagements concédés après que de nombreux enseignants s’en sont plaints. Jusqu’en 2019, il y avait des « objets d’études » obligatoires comme aujourd’hui (le théâtre, la poésie, le roman, la littérature d’idées), mais les œuvres à travailler dans chacun d’eux étaient laissées in fine au choix des enseignants, seules des indications étaient données.

Si un programme d’œuvres obligatoires est intéressant dans la mesure où il permet de donner une culture commune à toute une génération, et de « cadrer » ce qui est abordé en classe, la quantité et les œuvres sélectionnées (douze au total, pour quatre thèmes), organisées chronologiquement et étant en majorité des « classiques », ne permettent pas de faire des liens, des détours, qui parlent aux élèves, comme on pouvait le faire par le passé. En classe, il est parfois plus facile de partir d’une œuvre très contemporaine, avec laquelle les élèves peuvent être plus à l’aise, pour aller ensuite vers un classique. Mais pour cela il faut de la liberté et du temps. De nombreux jeunes ne lisent pas beaucoup en dehors du milieu scolaire, et pour eux les œuvres abordées en cours, lorsqu’elles sont variées, peuvent lancer une appropriation personnelle de la lecture, leur donner envie.

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Quel regard portez-vous sur les épreuves écrites du bac de français sur lesquelles les élèves planchent aujourd’hui ?

A cause de la crise sanitaire, nous n’avons en fait qu’une seule année de recul sur les ajustements apportés en 2019. Nous faisons partie de ceux qui avaient protesté contre la disparition de l’exercice d’écriture d’invention. Celui-ci, que certains collègues trouvaient parfois trop difficile à évaluer, était choisi par deux types d’élèves : soit des jeunes assez doués, « littéraires » et créatifs, qui le préféraient à la dissertation ou au commentaire, qui sont plus normés. Soit, au contraire, des élèves plus en difficulté, pour qui l’invention paraissait plus abordable, et qui pouvaient se « rattraper » grâce à elle, avec de belles surprises, parfois.

Mais un choix politique a été fait de privilégier, pour tous, le grand exercice classique et traditionnel, là encore, qu’est la dissertation. Elle a évidemment un intérêt littéraire irremplaçable. Mais c’est un exercice difficile, qui demande à maîtriser un argumentaire, à aller puiser dans des œuvres, à faire des liens, etc. Cela nécessite un apprentissage intense pour mettre tous les élèves sur un pied d’égalité. Il en est de même pour le commentaire de texte, qui est aussi un exercice dit « de glose », où l’on doit « écrire sur quelque chose », ne laissant que peu de place à l’écriture créative et personnelle. Ces deux exercices historiques, qui conviennent assez bien à une certaine élite scolaire, sont-ils suffisants et adaptés à la diversité des publics qu’on a aujourd’hui dans nos classes ?

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