Après la démission de Liz Truss, le Royaume-Uni plongé dans une crise politique profonde et inédite – Le Monde

La première ministre britannique, Liz Truss, annonce sa démission, devant le 10 Downing Street, à Londres, le 20 octobre 2022.

La séquence est devenue familière aux yeux des Britanniques. Des techniciens installent prestement un pupitre en bois clair devant le 10 Downing Street, un mur de caméras se met en place, la fameuse porte vernie noire s’entrouvre sur un dirigeant au visage grave, qui annonce son départ…

En juin 2016, quelques jours après le vote en faveur du Brexit, David Cameron avait tiré sa révérence sans un mot d’excuse. En mai 2019, Theresa May avait essuyé une larme. Plus récemment, le 7 juillet 2022, cerné par les scandales, Boris Johnson contenait mal son dépit. Ce jeudi 20 octobre, ce fut le tour de Liz Truss d’annoncer sa démission, à sa manière un peu robotique, sans émotion apparente. Lâchée par les députés de son propre camp, la première ministre a battu un record humiliant, celui du mandat le plus court de l’histoire moderne du Royaume-Uni : quarante-quatre jours.

Vendredi 28 octobre, le pays devrait découvrir le nom de son troisième premier ministre conservateur en trois mois, à l’issue d’une primaire interne expéditive. A condition que les tories parviennent à se mettre d’accord, ce qui n’est pas complètement garanti. La formation est minée par les divisions, le manque d’idées et l’absence de têtes nouvelles après douze années de gouvernement.

Et le mouvement ne s’arrête pas au 10 Downing Street. Les Britanniques, qui affrontent une crise du pouvoir d’achat inédite – avec une inflation à 10,1 % en septembre et des factures d’énergie à plusieurs milliers de livres sterling par an –, ont également probablement perdu le compte de leurs chanceliers de l’Echiquier : on en est au quatrième ministre des finances en quatre mois !

Un budget jugé irréaliste

Mais qu’est-il arrivé à la politique britannique, à sa réputation de stabilité et de modération, à son vénérable Parlement, ballotté par les convulsions à un rythme accéléré depuis le Brexit ? « Cette crise est la plus grave depuis la fin de la seconde guerre mondiale », jugeait, jeudi sur la BBC, l’historien Anthony Seldon – pire même que celle de Suez en 1956, une terrible humiliation qui signa la fin des rêves de grandeur du pays.

Le mandat de Liz Truss ne partait certes pas sous les meilleurs auspices. Le 5 septembre, jour de sa désignation, la ministre des affaires étrangères de Boris Johnson, candidate de la droite des tories, avait tweeté un peu vite « I am ready to hit the ground [Je suis prête à m’écraser] » au lieu de « I am ready to hit the ground running [je vais me mettre durement à la tâche] ». Un lapsus, mais cette dogmatique du moins d’Etat et d’impôts ne croyait pas si bien dire.

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