Yannick Jadot présente son programme et fustige « les plus riches qui font sécession de leurs responsabilités sociales et climatiques » – Le Monde

Yannick Jadot, candidat écologiste à l’élection présidentielle, présente son projet lors d’un rassemblement à Lyon, le samedi 29 janvier 2022.

« Mes amis, si vous avez des actions chez Total, c’est le moment de vous en débarrasser. » Il y a eu une petite blague et beaucoup de fermeté, samedi 29 janvier, dans le discours de Yannick Jadot à Lyon, où le candidat écologiste à la présidentielle a résumé les grands axes de son programme. « La crise financière, le creusement des inégalités, cette pandémie, le culte de la croissance aveugle, l’individualisme, l’effondrement de la biodiversité, les féminicides, et bien entendu le dérèglement climatique, ne sont pas une fatalité », a inventorié le candidat en introduction de ce discours de plus d’une heure, conclu par une Marseillaise et construit autour de la défense du climat et de la lutte pour la « justice sociale ».

M. Jadot a réservé ses premières salves aux « plus riches qui font sécession, s’exonérant chaque jour un peu plus de leurs responsabilités fiscales, sociales et climatiques ». Dans son projet, une « règle d’or » doit faire que « plus aucun euro d’argent public » n’aille aux énergies fossiles ou aux pesticides. L’impôt de solidarité sur la fortune serait rétabli, et son taux fonction de l’engagement des patrimoines dans la transition écologique. Les entreprises les plus vertueuses paieront moins d’impôts sur les sociétés.

« Zéro artificialisation nette des sols »

Jugeant que la France ne respecte pas, aujourd’hui, ses engagements climatiques européens et internationaux, Yannick Jadot a soutenu que son projet permettrait de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, de manière à respecter le critère de limitation de la hausse des températures à 1,5 °C d’ici à la fin du siècle. Il a pris parti pour la reconnaissance du crime d’écocide, signifiant des « sanctions pénales » pour les dommages à l’environnement.

Sur la transition énergétique, « la France de demain doit sortir des énergies du passé », a-t-il martelé, fustigeant un « parc nucléaire vieillissant, dangereux ». Ce sujet lui a permis de tacler certains de ses concurrents à gauche qui ont défendu la construction d’EPR, à l’instar du communiste Fabien Roussel, qui en veut au moins six nouveaux : « Multiplier par six un fiasco, ça n’a jamais donné un succès, mais six fiascos. » Le candidat écologiste veut aussi renationaliser EDF et retrouver un « contrôle public » des barrages hydroélectriques.

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La voiture, selon lui, « contribue à un drame sanitaire » et il veut lui préférer les transports collectifs, avec un investissement de 5 milliards d’euros sur le quinquennat et une baisse de TVA à 5,5 %. Il veut mettre 4 milliards pour les « trains du quotidien », qui permettront de relancer quinze nouvelles lignes de nuit, interdire la vente de véhicules neufs à carburant fossile en 2030, et faire convertir un million de moteurs thermiques en électrique.

Concernant la biodiversité et la condition animale, les fonds marins seraient sanctuarisés, et la règle de « zéro artificialisation nette des sols » appliqué aux projets d’aménagement. Dix ans devraient suffire à sortir de l’élevage industriel, d’une « cruauté indigne », et un ministère des droits des animaux serait créé. Glyphosate et néonicotinoïdes seraient interdits dès l’arrivée au pouvoir, « en urgence », sans qu’il soit question de le faire « contre le monde agricole ». La TVA serait supprimée pour les produits bio.

« Nos aînés sont devenus des produits spéculatifs »

Yannick Jadot, candidat écologiste à l’élection présidentielle, présente son projet lors d’un rassemblement à Lyon, le samedi 29 janvier 2022.

Sur le chapitre des inégalités et des protections sociales, l’écologiste veut multiplier par quatre le chèque énergie en le portant à 400 euros par an, construire 700 000 logements sociaux chaque année et porter à 30 % (contre 25 % aujourd’hui) le taux minimum de HLM dans les communes. L’encadrement des loyers serait généralisé dans les zones tendues, les cautions supprimées au moment d’emménager en location. Concernant les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), « nous sortirons d’un système où nos aînés sont devenus des produits spéculatifs », a dit M. Jadot, avec des contrôles et un ratio minimum de soignants.

Les grilles salariales seraient révisées, avec une augmentation immédiate du smic à 1 400 euros net, à porter à 1 500 euros avant le terme du mandat. « Nous sortirons du cynisme qui oppose les chômeurs aux travailleurs pauvres », ce qui justifie d’abroger la réforme de l’assurance chômage, selon M. Jadot, qui veut aller aussi « vers la réduction du temps de travail par une grande négociation nationale » et impliquer les salariés dans les conseils d’administration à hauteur de 50 %.

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Sur la santé, la dette des hôpitaux publics serait reprise, le nombre de lits augmenté. Pour lutter contre les déserts médicaux, les nouvelles installations dans les zones bien pourvues seraient encadrées ; la dernière année d’étude et les deux premières années d’exercice des médecins devraient se faire dans les territoires sous-dotés. « C’est une décision difficile pour les médecins, mais nous les accompagnerons », a promis le candidat.

« Nous serions les dogmatiques ? »

Les services publics seraient étoffés avec le recrutement notamment de 65 000 enseignants, 10 000 policiers, 100 000 infirmières, 10 000 enseignants-chercheurs. Le salaire des enseignants serait augmenté de 20 %. « Je les entends déjà dire, les tenants de l’austérité : “comment vont-ils financer ?” », a fait mine de s’interroger Yannick Jadot, qui a répondu : « Intégralement par la fiscalité », avec notamment, outre l’ISF, des impôts alourdis sur les successions supérieures à 2 millions d’euros.

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Au début de son discours, dans lequel il a rendu hommage aux villes dirigées par des écologistes, le candidat à l’Elysée avait tenu à répondre, par anticipation, aux procès en irréalisme que pourraient lui faire ses opposants. « Nous serions les catastrophistes quand nous alertons, les dogmatiques quand nous proposons des solutions crédibles, les incompétents quand les crises surviennent parce qu’ils ne les ont pas anticipées ? Ça suffit, ils n’ont rien fait, la gauche, la droite, et les Français en paient les conséquences. » Depuis trente ans, a-t-il estimé, « les partis de gouvernement tiennent ce discours de l’impuissance publique », à laquelle il a opposé « la lucidité, la gravité, l’incompréhension » des plus jeunes. Et de promettre que « ce déni, nous allons y mettre fin ».

Le Monde

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