«Violences policières»: une nouvelle manifestation à Paris et des incidents – Le Figaro
À la question, «la mobilisation autour de l’affaire Adama Traoré est-elle en train de s’essouffler?», la réponse est «non». Il suffisait de voir tout ce monde amassé sur la place de la République, à Paris, ce samedi 13 juin, pour comprendre que le mouvement antiraciste embrasse large.
Dans la foule, il y avait un évident métissage: jeunes des quartiers, étudiants, militants de l’ultra-gauche, chantres de l’indigénisme ou du décolonialisme ; beaucoup de haine «anti-flic» également, cimentée par la vieille rengaine du «tout le monde déteste la police». Des gens de tous horizons, c’est sûr.
Certains dérapages inquiétants ont également émaillé les slogans bien appris, comme ce «sales juifs», que l’on semble entendre dans une vidéo diffusée par Valeurs Actuelles, à l’encontre de militants d’extrême droite qui avaient déployé une banderole sur un toit, selon la préfecture de police. «Je signale ces propos antisémites à la justice», a, en tout cas, annoncé, à chaud, le préfet de police de Paris, Didier Lallement.
Il n’y avait pas les 150.000 personnes rêvées par Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, qui haranguait la foule et promettait une action dans la durée
«Il ne faut pas perdre la jeunesse», s’était inquiété jeudi, le chef de l’État. Son allocution dimanche soir sera scrutée par les cortèges antiracistes autant que par les policiers épuisés, écœurés d’avoir été, selon eux, «jetés en pâture» par leur ministre, Christophe Castaner. Quelle époque!
En tout état de cause, il n’y avait pas les 150.000 personnes rêvées par Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, qui haranguait la foule et promettait une action dans la durée, sous la lumière des flashs et des caméras. Mais il y en avait bien 20.000 sur cette place, selon nos estimations. La préfecture parle de 15.000 personnes. Sans parler de la mobilisation dans certaines grandes villes de province, notamment à Marseille, du côté du Vieux-Port, à Lyon, sur sa célèbre place Bellecour, à Montpellier, place de la Comédie, à Nantes, place du Bouffay, à Saint-Nazaire, ou encore à Bordeaux, place de la Bourse. Un autre rassemblement est même prévu ce dimanche, à Strasbourg.
Manifestation contre les «violences policières»: à République, la situation se tend entre manifestants et forces de l’ordre – Regarder sur Figaro Live
Fermeté
Après des années d’un militantisme souvent confiné à la banlieue, contre toute attente, le comité Adama, avait déjà réussi à mobiliser 23.000 personnes, le 2 juin dernier, devant le tribunal de grande instance de Paris. Il cherche à s’imposer comme le fer de lance de la lutte contre les «violences policières» en France, pour faire écho à la vague planétaire d’indignation, après la mort de George Floyd, un Afro-américain tué le 25 mai à Minneapolis par un policier blanc.
La préfecture de police (PP) de Paris s’attendait ce samedi à un rassemblement de 10.000 à 20.000 personnes. Cette fois-ci, les estimations de sa Direction du Renseignement (DRPP, ex-RG), prise au dépourvu le 2 juin, étaient plus proches de la réalité. Les autorités ont toutefois voulu rester fermes. Si le rassemblement a été toléré, il n’était pas question de laisser un cortège s’ébranler jusque dans le quartier de l’Opéra et de ses grands magasins.
«La manifestation non déclarée et interdite comme tout rassemblement de plus de 10 personnes restera statique sur la Place de la République. Toute sortie reste possible par les différents axes sauf le boulevard Saint-Martin», rappelait encore la PP via Twitter, ce samedi, vers 16 heures.
Échauffourées
La veille, dans un communiqué, le préfet de police avait rappelé que les rassemblements de plus de dix personnes étaient interdits, mais il avait annoncé avoir demandé la fermeture des commerces sur le trajet théorique du cortège.
Vers 17h30, place de la République, les premiers heurts ont commencé, marqués par des jets de projectile divers contre les forces de l’ordre déployées en nombre. Pas moins de vingt unités casquées-bottées étaient sur place, dont 12 CRS et 8 escadrons de gendarmes mobiles. Deux canons à eau, servis par les CRS, ont aussi été dépêchés.
Avant ces échauffourées, la police n’avait procédé qu’à une douzaine d’arrestations, principalement des militants de Génération identitaire, groupuscule d’extrême droite, qui avait déployé une banderole évoquant le «racisme anti-blanc». «Si nous n’étions pas venus les interpeller, ils auraient été lynchés par la foule», assure un commissaire de police.
Avec encore quelques centaines de manifestants à canaliser vers 19h, la soirée promettait d’être longue pour les forces de l’ordre, qui répliquaient par une charge à chaque provocation des plus virulents.