« Un renversement historique » : le « jour du dépassement de la Terre » recule sous l’effet du coronavirus – Le Monde

C’est une date fatidique, symbole de la pression exercée par les humains sur la planète. Samedi 22 août, l’humanité a consommé toutes les ressources que les écosystèmes peuvent produire en un an. Le « jour du dépassement de la Terre » tombe cette année trois semaines plus tard qu’en 2019 (29 juillet), selon le Global Footprint Network, un institut de recherches international établi en Californie (Etats-Unis).

Ce recul constitue un « renversement historique » par rapport à la tendance à long terme d’aggravation de l’empreinte écologique mondiale. Car le « dépassement » ne cesse de se creuser depuis cinquante ans : il tombait le 29 décembre en 1970, le 4 novembre en 1980, le 11 octobre en 1990, le 23 septembre en 2000 et le 7 août en 2010. Le répit de cette année s’explique par les mesures de confinement qui ont été mises en place à travers le monde en réponse à la pandémie de Covid-19.

« Cela montre que des changements importants et rapides sont possibles. Mais cette réduction de notre empreinte écologique est imposée et non voulue, et comme elle ne s’accompagne pas d’un changement systémique dans nos modes de production et de consommation, elle ne va pas durer », juge Mathis Wackernagel, le président du Global Footprint Network.

« Données moins robustes »

Selon les calculs de l’institut, il faudra, en 2020, l’équivalent de 1,6 planète pour assouvir nos besoins, qu’il s’agisse de boire, de manger, de nous chauffer ou de nous déplacer. Conséquence : la déforestation, le déclin de la biodiversité ou l’élévation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère vont continuer d’affecter l’ensemble du globe.

Le « jour du dépassement de la Terre » est calculé chaque année grâce à plus de 15 000 données des Nations unies, qui sont complétées par d’autres indicateurs pour être les plus à jour possible. La méthode, critiquée, présente des limites mais permet de sensibiliser à une réalité : la consommation toujours plus rapide d’une population humaine en expansion sur une planète limitée. « Les données sont moins robustes cette année en raison des incertitudes liées à l’impact du Covid-19 », reconnaît Mathis Wackernagel.

En se fondant notamment sur les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie, le Global Footprint Network anticipe une baisse de 14,5 % de l’empreinte carbone sur l’année – qui représente 60 % de l’empreinte écologique. Pour parvenir à ce résultat, les experts ont estimé que la consommation d’énergie allait diminuer de 9,5 % sur la période allant du 1er janvier au « jour du dépassement » comparé à 2019, entraînant une baisse des émissions mondiales de CO2 de 12,5 % sur la même période.

« C’est un chiffre optimiste, estime le climatologue Philippe Ciais (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement). Cela va dépendre de la façon dont se fait la relance économique. Or, les dernières données provenant de Chine montrent que les émissions issues de l’industrie sont reparties à la hausse depuis la fin du confinement en mars, dépassant légèrement les niveaux de 2019. »

L’empreinte alimentaire ne va pas évoluer

Le Global Footprint Network prévoit, en outre, une diminution de 8,4 % de l’empreinte forestière, dans la mesure où l’industrie forestière a réduit les taux d’abattage des arbres, anticipant une baisse de la demande en bois de construction. L’institut considère en revanche que l’empreinte alimentaire ne va pas évoluer : la consommation de nourriture a sans doute diminué dans les pays riches – les individus pouvant mieux ajuster leurs portions lorsqu’ils mangent chez eux –, mais la production s’est maintenue aux mêmes niveaux, entraînant un important gaspillage alimentaire.

Selon une étude publiée au début d’août par la revue Nature Climate Change, la chute sans précédent des émissions de gaz à effet de serre pendant les confinements dus au Covid (qui pourrait atteindre 8 %) ne servira à « rien » pour ralentir le réchauffement climatique, en l’absence d’un changement systémique en matière d’énergie et d’alimentation.

Des solutions (énergies renouvelables, transports durables, etc.) existent pour faire reculer plus durablement le « jour du dépassement de la Terre », rappelle le Global Footprint Network. Selon l’institut, une réduction de 50 % de l’empreinte carbone permettrait de repousser la date de quatre-vingt-treize jours tandis que réduire de moitié les gaspillages alimentaires la ferait reculer de treize jours. Et d’indiquer : « Si nous reculons la date de cinq jours par an, l’humanité pourra vivre dans les limites de notre planète avant 2050. »

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