Un milieu qui n’a pas pris une ride
On se souvient (presque) tous de cette série assez iconique du début des années 2000 : Malcolm in the middle. Sans repère géographique précis, elle met en scène la vie quotidienne d’une famille de la petite classe moyenne, avec son père fantasque, sa mère psychorigide et ses enfants turbulents.
Une certaine Amérique
Malcolm, qui tire son nom de l’enfant du milieu de cette famille, est la description d’une certaine Amérique : celle qui essaie de vivre dignement sans grands moyens financiers, qui réside dans une banlieue proprette, dont les enfants font des bêtises plus ou moins grosses, mais qui affronte le quotidien avec bonne humeur et créativité. Le jeu de mots « in the middle » correspond aussi bien à la place de Malcolm dans la cellule familiale que la place de la famille dans la société.
Prenant le contrepied de ce qui se faisait à l’époque, les scénaristes de la série ont volontairement gommé certains marqueurs ethniques et sociaux : on ne sait absolument pas quelle est leur religion, ni leur origine ethnique ni même dans quelle partie des États-Unis la famille est installée ou leur nom de famille. En ce sens, la série se rapproche des Simpson. Les fans de la série s’amusent toujours à essayer de les géolocaliser, en glanant ici et là des indices, tout comme ils cherchent le nom de famille, la religion ou le pays d’origine de la mère de Lois.
L’objectif des scénaristes était de pouvoir se permettre toutes les fantaisies possibles, mais également de ne pas enfermer le divertissement dans un cadre spécifique. C’est bien l’humour qui est privilégié, mais également la possibilité de critiquer la société américaine dans son ensemble, sans que cette critique soit enfermée dans un prisme idéologique marqué.
Nerd before it was cool
Si la série The Big Bang Theory a permis aux nerds de gagner leurs lettres de noblesse télévisuelles, cela ne veut pas dire que le microcosme scolaire suit. Malcolm est un petit génie, mais cela l’ennuie profondément. Il veut être un enfant normal, avoir des copains, faire du sport, sortir avec des filles. Ses plans seront contrariés et il se retrouvera dans la classe des têtes d’ampoule, faisant de lui une cible pour les autres élèves.
Dans les années 90 et le début des années 2000, la plupart des séries américaines étaient relativement aseptisées et superficielles. Malcolm, en reprenant certains traits des Simpson — son créateur revendique une partie de son inspiration du dessin animé — décide de casser cette image idyllique de l’Amérique. Les parents ont des difficultés financières, leurs gosses multiplient les bêtises, ils ont des jobs purement alimentaires et malgré leurs aptitudes intellectuelles supérieures, Malcolm et Dewey rencontreront plus d’embûches que les autres.
Le cynisme de la série lui a permis de croquer les individus tels qu’ils sont réellement : paresseux, sales, bruyants, étourdis et parfois, profondément stupides. Malcolm et Lois sont presque les seuls à se rendre compte que le monde qui est les entoure, est pourri et qu’ils doivent trouver une façon de s’en accommoder. En cela, la narration qui est opérée par Malcolm permet de voir le glissement du personnage : d’enfant à peu près cool, il passe chez les têtes d’ampoule à son insu et se découvre plus de points communs avec eux qu’il ne l’aurait cru.
Récupération intelligente
Le début des années 2000, c’est aussi le début de l’informatique grand public. Lorsque le père de Malcolm récupère un PC — en échange de menus services que ses fils devront rendre à son voisin — les enfants se rendent compte que toutes les données personnelles n’ont pas été effacées. Ils s’amusent donc à faire chanter les voisins grâce aux informations récupérées.
Si aujourd’hui, cela ne chatouille plus personne, c’était peut-être la première fois qu’une série grand public montrait ce que l’on pouvait faire avec les données personnelles d’une personne, en prenant un parti pris évidemment satirique. L’épisode ne peut se conclure qu’avec une bonne leçon pour les garçons, mais c’était assez finement amené.
Cet épisode a également contribué à forger le mythe que les enfants sont plus à l’aise avec l’outil informatique que les adultes, car Malcolm et Reese comprennent immédiatement comment utiliser ce qu’ils trouvent à leur avantage, alors que les adultes ne voient dans l’ordinateur qu’un divertissement sans conséquence. On retrouve cet axiome dans l’épisode du vide-grenier, quand Malcolm trouve un vieil appareil qui vaut 1300 $. Si cela pouvait être partiellement vrai dans les années 2000, cela n’est plus le cas.
Malcolm 2020 ?
Dans le dernier épisode, Lois se lance dans une tirade où elle impose à son fils sa carrière. Elle conclut en lui disant qu’il sera Président des États-Unis, car le pays a besoin de quelqu’un qui se soucie des gens comme eux. Malcolm semble très dubitatif. Cette conclusion pourrait-elle voir le jour ?
Frankie Muniz, lors des Geeks Days de Lille, en mai 2019 a laissé entendre qu’un script serait en préparation et ce retour a déjà fait l’objet de plusieurs rumeurs. La Fox serait prête à relancer la machine et la quasi-totalité des acteurs principaux serait ravie de renouer avec la famille, à l’exception d’Erik Per Sullivan, l’interprète de Dewey.
Frankie Muniz verrait bien un Malcolm faisant sa crise de la quarantaine, mais le contexte politique actuel, qui est une très grande source d’inspiration pour les studios, pourrait aussi suivre les tribulations de Malcolm jusqu’à la Maison-Blanche et on s’amuse déjà à se figurer Lois en spin doctor tyrannique, qui maltraiterait les politiques de Washington ou Hal en train de discuter avec la statue de Lincoln.
Et peut-être que l’on connaîtrait enfin officiellement le nom de famille de Malcolm.